1019806/04/1979POITIERS
La manifestation, d’hier à Poitiers a été importante, comparable à celle qui se déroulait le même jour en Charente (par hasard d’ailleurs) et s’est déroulée dans le calme. La circulation a été évidemment perturbée, non seulement à Poitiers, mais sur la RN 10, où le cortège des voitures des Châtelleraudais a provoqué des bouchons, mais il n’y eut aucun incident. Les cars de CRS stationnés à la préfecture ont pu y rester.
Cette journée témoigne incontestablement de « la sensibilité des travailleurs à la question de l’emploi », mais l’important est maintenant de savoir quels seront ses prolongements. Selon les organisateurs, il ne fait pas de doute que les militants - qui posent de plus en plus souvent la question « Et après ? » - en sont repartis « regonflés » et sauront développer l’action sur leurs lieux de travail.
« Jamais vu depuis 1968, et même mieux qu’en 68 »
Les organisateurs étaient satisfaits de la participation à la manifestation d’hier matin, temps fort de la journée de grève interprofessionnelle départementale déclenchée à l’initiative de la CGT sur le thème de l’emploi. Une manifestation « dans l’unité, le calme et la dignité », effectivement impressionnante puisqu’elle devait réunir plus de 3.000 participants (5.000 et même 8.000 selon certains organisateurs), sous une forme originale.
En effet, le point de départ était symboliquement fixé devant l’Agence Locale pour l’Emploi, Porte de Paris, et aussitôt après l’arrivée des participants châtelleraudais (dans un concert de klaxons), c’est un cortège de six ou sept cents mètres qui s’est ébranlé en direction de la gare et du centre-ville. En tête, une banderole unitaire proclamant : « Non aux licenciements, maintien des emplois existants, création de nouveaux emplois ».
On sait que six organisations appelaient à ce rassemblement, les troupes les plus nombreuses étant de loin celles de la CGT, suivie de la Fédération de l’Éducation nationale, de la CFDT, Force Ouvrière et l’UNEF, tandis que le MODEF était particulièrement discret. S’y étaient joints des écologistes prônant la résistance au nucléaire, des lycéens, et fermant la marche au-delà du service d’ordre, quelques membres de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire. Sans banderole, on reconnaissait dans le défilé des représentants des Partis communiste et Socialiste et de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne.
Par secteurs, la participation du public et nationalisé était importante (notamment, en dehors des enseignants, les PTT, les hospitaliers, EDF-GDF, les Cheminots…), mais celle du privé était loin d’être marginale (par exemple la SAFT, AEF, Télémécanique, Tesserault, Durand Frères, Jaeger, Sochata-Snecma, Bléreau, Gallus, la SATCO « qui liquide », etc...
Un cortège qui se distinguait par le nombre de banderoles et l’ambiance plutôt détendue, voire fantaisiste, avec pétards, musique, lâcher de ballons, déguisements. Une voiture figurant « l’ANPE ambulante » véhiculait « Giscard et Barre au service des patrons »
On aura une idée de la discipline et de la qualité du service d’ordre quand on saura qu’un véhicule de pompiers en mission a pu remonter à belle allure, tout le défilé s’écartant sur son passage…
Les 35 heures
Dans les slogans, quelques revendications contre l’austérité et les bas salaires, mais fort peu, presque tous étant dirigés contre le chômage et pour la création d’emplois. Les enseignants proclamaient par exemple leur hostilité au « Plan Soisson » et réclamaient des créations de postes, la limitation des effectifs à 26 élèves et le maintien des maternelles rurales.
La principale revendication des autres salariés portait sur « les 35 heures hebdomadaires sans diminution de salaire, et pas dans 107 ans !... ».
Certes, il y avait du monde sous la banderole du Comité de Chômeurs CGT, mais les 9.000 demandeurs d’emploi de la Vienne n’étaient pas là, bien sûr ... Les travailleurs, manifestaient non seulement par solidarité, non seulement parce que tout salarié peut se retrouver sans emploi, mais surtout « parce que c’est avec des mesures de partage du travail qu’on luttera le mieux contre le chômage. Et qu’on améliorera du même coup les conditions de travail ».
C'est ainsi qu’en dehors des 35 heures hebdomadaires, dont plusieurs organisations font leur thème d’action prioritaire pour longtemps, sont réclamées : la 5e semaine de congés payés, la retraite à 60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes, la diminution des cadences, etc...
Un panneau exposé place Leclerc par la CGT faisait état de la possibilité de créer 2.211 emplois en appliquant ces mesures à 34 entreprises du Châtelleraudais.
Ces thèmes, ainsi que celui de la défense des libertés syndicales, ont été repris dans l’allocution prononcée à l’issue de la manifestation et qui concluait : « Cette journée n’est pas une fin en soi, mais un moment de lutte sur lequel les actions pourront s’appuyer pour obtenir de véritables négociations ».
Les organisateurs en sont du moins persuadés et vont « pousser à bloc » pour que des actions s’engagent « au plus près des travailleurs, atelier par atelier, bureau par bureau ». En particulier dans le sens de la réduction du temps de travail.
Obtiendront-ils des négociations ? Des représentants de la CGT, de la CFDT et de la FEN sont en tout cas allés dire au Préfet, dans l’après-midi, que « devant cette expression du mécontentement, le pouvoir et le patronat ont à prendre leurs responsabilités... ».
Le prolongement de la manifestation, l’après-midi, place Leclerc, par des discussions autour des stands et l’ouverture de débats, dû être écourté à cause du mauvais temps, Quant à la participation à la grève sur l’ensemble du département, il était trop tôt hier pour en avoir une vue autre qu’approximative. Le patronat l’estimait du même ordre que lors des mots d’ordre nationaux, les syndicats relevaient leurs points forts traditionnels...
Photos : La manifestation et les banderoles
le 04/07/2023 à 13:04
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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