1043106/11/1979POITIERS
Après cinq semaines et dix réunions, l’impasse…
D’un côté, revendications sur le pouvoir d’achat, les congés, l’information syndicale. De l’autre, une direction qui invoque les dures conditions de la concurrence et la nécessité de contenir l’évolution des salaires dans les limites « raisonnables », pour ne pas alourdir ses coûts et compromettre sa compétitivité. Le conflit qui dure depuis plus d’un mois à l’usine AEF de Chasseneuil rassemble tous les grands thèmes de l’actualité sociale.
L’affrontement prend une signification exemplaire parce qu’il est un effet de la politique économique qui persévère, en dépit de la réaction des catégories de salariés qui en souffrent le plus. Réaction appuyée plus que jamais peut-être par des organisations dans la perspective des élections prud’homales. Le conflit est significatif de la conjoncture économique et sociale jusque dans son déroulement, qui a vu la grève revêtir des formes diverses, avec des manifestations en tous sens, auxquelles la direction a répliqué par une assignation en référé. A cette occasion ont été évoquées, par les partis et syndicats, « la répression anti-syndicale » et les « atteintes au droit de grève », autres thèmes aujourd’hui répandus.
Où en sommes-nous ? Nous attendions hier l’ordonnance du président du Tribunal de Grande Instance, statuant sur la demande d’expulsion des grévistes, après l’échec de la conciliation entreprise la semaine dernière. Il n’y a plus lieu de statuer car la direction a retiré son assignation, considérant « qu’elle n’avait plus de raison puisque les faits visés n’existaient plus » (l’occupation avait cessé le soir même de l’assignation et le travail avait repris durant la conciliation).
Mais comme nous l’avons annoncé vendredi dernier, la tentative de conciliation a totalement échoué. Hier matin, à la reprise du travail, une assemblée générale a eu lieu, qui a décidé l’arrêt de travail, observé toute la journée par les 180 personnes des deux équipes concernées. Les grévistes observent que leur nombre n’a pas varié depuis la semaine dernière et représente 75 p. cent des ouvriers spécialises de production. Et qu’il n’est pas concevable d’arrêter le mouvement alors que des concessions ont été faites de notre part, la direction bloquant toute négociation sur de pures questions de principe ».
Une nouvelle assemblée générale doit avoir lieu ce matin. Il n’y a pas d’issue en vue et aucune nouvelle réunion n’est prévue avec la direction, qui maintient de son côté qu’elle est allée dans ses propositions aux limites du possible...
Des propositions hardies
M. Huguenin. Directeur général estime en effet avoir avancé, par rapport à d’autres entreprises en conflit ou non, des propositions « hardies et courageuses » dans le domaine salarial, « en garantissant pour 1979 et 1980 une augmentation générale très voisine de 13 p. cent » (pour les trois quarts des premier et deuxième collèges, c’est-à-dire les plus bas salaires, et non comprises les promotions individuelles).
« Les revendications des syndicats, qui équivaudraient à 16 ou 17 p. cent, ne sont pas raisonnables », ajoute-t-il, « et ce dont les travailleurs ne se rendent pas compte, c’est la menace qui plane sur nous avec l’implantation de Renault - un très gros client - à Thionville, et de là bagarre que je mène pour éviter que la production que nous leur fournissons soit reprise... ».
Le conflit qui se prolonge lui inspire aussi une certaine « amertume » au moment où AEF négocie « de très importants marchés à l’exportation avec la Roumanie et l’Algérie, qui auraient pu déboucher sur des perspectives d'expansion... »..
Quelle que soit la suite donnée au mouvement - suivi selon lui par 30 p. cent des 680 employés, soit 45 ou 50 p. cent du personnel « productif » - la situation est « grave et sérieuse », nous déclare le directeur général : « En cédant nous compromettrions nos prix de revient et si la grève dure c’est la position de la société sur ses marchés qui est entamée... »
Questions de principe....
De leur côté, les syndicats CGT et CFDT nous faisaient parvenir hier soir le communiqué suivant :
« Craignant d’être déboutée, la direction de AEF a retiré son assignation en référé contre les huit délégués. Il ne s’agit aucunement d’une preuve de bonne volonté face au conflit, mais plutôt de la peur d’une « claque » pour manque de fondement et de sérieux de ses accusations et conclusions (accusation de sabotage entre autres, et pas moins que la demande de suspension du droit de grève).
De fait, la direction a bloqué et fait échouer la « médiation du juge » plus pour des questions de principe, que par impossibilité de financer certaines revendications. D’ailleurs, aux délégués qui mercredi lui reprochaient son attitude provocatrice, M. Huguenin, directeur général, répondit : « Il arrivera ce qu’il arrivera ».
Les ouvriers grévistes commencent leur sixième semaine de lutte fermement décidés à faire aboutir leurs revendications.
le 15/08/2023 à 17:54
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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