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1117103/11/1981CHATELLERAULT

DOMINE : PAR 130 VOIX CONTRE 90, LE PERSONNEL ADOPTE LES CONDITIONS DE LA REPRISE PAR ELF-AQUITAINE

Événement rarissime et peut-être unique hier à la sous-préfecture de Châtellerault - surtout en l’absence de sous-préfet en poste ici - le personnel d’une entreprise s’y exprimait à bulletins secrets. Il s’agissait bien sûr de celui de l’usine métallurgique de Domine, appelé à se prononcer pour ou contre les conditions proposées par le groupe des « repreneurs ».

La CGT s’y opposait, défendant des propositions qui allaient au-delà en matière de réembauche. Par 130 voix contre 90, le personnel a accepté le plan de reprise du groupe conduit par Elf-Aquitaine.

Tout n’est peut-être pas résolu, mais une étape décisive est franchie dans ce conflit qui a déjà fait couler tant d’encre. Après une réunion du comité d'entreprise, le travail reprendra jeudi matin a fait savoir le syndic à l’issue de cette consultation.

Comme nous l’avons rapporté ces derniers jours, le premier projet de reprise avait été modifié après une nouvelle négociation avec les représentants du personnel.

En dernier lieu, la société qui doit être constituée entre Elf-Aquitaine (51 %), Solétanche, SIF, FORAID et FORACO, proposait donc de repartir avec 128 des anciens salariés (contre 112 dans le premier projet), plus 5 postes nouveaux. Ce qui ramenait à 110 le nombre de licenciés Elle portait à dix-huit mois la priorité de réembauchage des anciens salariés et proposait des contrats de formation « en fonction des besoins ».

C’est sur ce plan que le personnel se prononçait et c’est donc sur ces bases que l’activité va reprendre prochainement.

Les propositions de la CGT aboutissaient, elles, à la reprise de 176 personnes dès le départ. Qui votait hier ? Les 291 salariés touchés par le premier licenciement, moins les 53 qui ont bénéficié de la pré-retraite, soit 238 personnes.

Le bureau de vote était composé d’un représentant des pouvoirs publics en la personne de M. Bachelier, directeur de cabinet du Préfet, du syndic Me Munaux, d’un représentant de la CGT et d’un représentant de la CGC. Les votants avaient à choisir entre oui, non ou blanc et passaient dans l’isoloir. On voit que les opérations avaient été préparées avec un sérieux à la hauteur de l’enjeu de cette consultation. Après les longues et difficiles négociations et les multiples péripéties qu’a connues cette affaire depuis juin, chacun savait que ce vote était capital : si la réponse avait été négative, les repreneurs, au moins dans un premier temps, auraient probablement abandonné leur projet.

Reprise du travail jeudi

Le vote s’est déroulé dans la sérénité et sans aucun incident, le personnel - 182 appartenant à l’UMDI et 56 à la société SIV - arrivant par petits groupes du début de l’après-midi jusqu’à 17 heures. Mais bien peu rentraient chez eux après ce scrutin, de sorte que l’attroupement n’a cessé de grossir sur le trottoir de la sous-préfecture. Les discussions allaient bon train, le plus souvent sur un mode grave et le personnel se séparait de part et d’autre de la porte d’entrée en deux groupes, les partisans du « oui » et ceux du « non ». Ici et là, on pouvait glaner des observations franchement hostiles au groupe d’en face et l’atmosphère se chargeait d’électricité à mesure qu’approchait l’heure du verdict. C’est dire à quel point, au fil des semaines, les relations se sont détériorées dans ce qui reste de l’entreprise.

Une grande incertitude quant à l’issue du vote demeura jusqu’au dernier moment et ce n’était pas fait pour détendre le climat.

Vers 17 h 30, Me Munaux venait donner lecture du résultat : 222 personnes étaient venues voter, il y avait 2 bulletins blancs et sur 220 exprimés, 130 voix pour le projet de reprise du groupe Elf, 90 contre.

Le syndic confirma la convocation d’une réunion du comité d'entreprise mercredi à 11 heures à son bureau « pour constater ces résultats et prendre les décisions en conséquence » et ajouta : « Reprise du travail jeudi matin en tout état de cause ».

« Une mauvaise solution »

Une majorité du personnel s’attendait manifestement à un score plus serré. Il est difficile de l’analyser, du fait notamment des 16 abstentions. Si on considère toutefois que tous ceux qui étaient hostiles au projet sont venus voter, il faut admettre qu’un nombre non négligeable de licenciés a voté pour.

Au hasard des conversations on pouvait d’ailleurs rencontrer ce type de réaction : un non-repris votait cependant le projet « pour ne pas voir des chômeurs de plus sur le carreau ». Les choses sont en effet plus compliquées qu’il n’y paraît et des considérations personnelles se sont mêlées à l’écheveau des influences syndicales, voire des enjeux politiques, pour déterminer la réaction des intéressés.Y a-t-il un perdant dans cette affaire? On pense évidemment au premier abord que la CGT ne sort pas renforcée de cette consultation et ses militants accusaient durement le coup hier soir. Leur première réaction était souvent de chercher des responsables et M. Monaury, secrétaire départemental, invoquait « les pressions et les manipulations qui ont précédé le vote ». Il mettait également en cause « ceux qui dans cette entreprise s’opposent au changement et sur lesquels on s’appuie... ».

L’organisation syndicale ne peut pas non plus être satisfaite de n’avoir pas été suivie sur le plan économique et social : « le plan de reprise n’est pas suffisant, c’est une mauvaise solution, ce n’est pas en arrachant des pattes à un millepattes qu’on lui permet de repartir, le groupe Elf n’est pas à cinquante emplois près, etc... ».

Un délégué observait en outre que « le résultat du vote traduit un rapport de forces qui ne facilitera pas la reprise des prioritaires dans les dix-huit mois ».

Sur un plan plus syndical, elle constate amèrement qu’avec une vingtaine d’adhérents parmi les repris, l’organisation est « décapitée ». Mais, si l’un d’entre eux concluait que « toute action extrême conduit à l’échec », les propos redevenaient vite plus optimistes et combatifs.

Que va faire en effet la CGT ? « Respecter le vote que nous avions demandé, mais continuer de nous battre à l’intérieur comme à l’extérieur, avec des moyens nouveaux… ! La décision de maintenir hier soir l’occupation va dans ce sens, ainsi que la délégation reçue aujourd’hui même au Ministère de l’Industrie.

 

 

le 10/10/2023 à 22:05

Source : La Nouvelle République du Centre Ouest

restructuration, emploi, reprise, vote

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