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1133811/02/1982VIENNE

DANS LA RÉGION UNE QUARANTAINE DE CONFLITS SUR LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

CGT et CFDT « poussent à la roue » pour dépasser l’ordonnance

Tout le monde semble avoir pris conscience, maintenant, de l’enjeu que représente la réduction du temps du travail. L’ordonnance du gouvernement, en laissant à la négociation tout un champ d’application, permet au patronat de faire valoir des interprétations, ce qui donne lieu à des dizaines de conflits dans la région comme ailleurs. La CGT le déplore, la CFDT s’en félicite plutôt, mais toutes deux appellent les salariés à se saisir de l’occasion non seulement pour une bonne application des textes, mais pour les dépasser. A travers cette première épreuve du « changement » et au-delà d’elle, c’est sans doute un peu l’avenir des relations sociales qui se joue.

Les instances régionales de la CGT et de la CFDT ont tenu hier, séparément, des conférences de presse sur ce sujet et leurs déclarations mettent en lumière à la fois ces divergences et ces enjeux.

Si ces conflits se développent, note la CGT, c’est que « la façon dont est réduit le temps de travail présente fréquemment à l’origine plus d’inconvénients que d’avantages ». Au passage, elle incrimine l’accord de juillet 1981, signé par les autres organisations syndicales, et l’ordonnance qui s'ensuivit et qu’elle qualifie également de « mauvaise ». Mais la CGT ajoute aussitôt que « la responsabilité première » des difficultés d’aujourd'hui incombe au patronat « qui tente par tous les moyens de tirer profit de la situation ». De sorte que « l’organisation de la pression sociale est indispensable pour redresser ce qui ne va pas ».

Pour la CFDT, l’ordonnance du gouvernement « n’est pas mauvaise ». Elle y voit un texte certes « perfectible », mais d’une portée « fondamentale » puisque pour la première fois depuis 1936 la durée légale du travail est réduite, en une étape « nécessaire » vers l’objectif officiel des 35 heures en 1985 : « Le gouvernement ne peut, ne doit pas tout réglementer, tout décider de la petite entreprise à la grande, de l’usine au bureau. Ou bien ce serait l’étatisation du mouvement social, ce que nous refusons... ».

L’Union régionale CFDT relève d’ailleurs que le patronat « ne s’est pas trompé sur ce que ces premières mesures signifient comme volonté de changement ». Et elle voit dans les conflits provoqués par son attitude la confirmation que « la loi ne peut s’appliquer sans mobilisation sociale, celle-ci étant le moteur du changement : ce sont les travailleurs qui se battent pour faire reconnaître leurs droits, ce qui est sain et normal... ».

Créer des emplois

Les deux organisations ont recensé sur les quatre départements de la région une quarantaine de conflits avec grèves ou débrayages, sans compter les entreprises où des pétitions circulent, ni les problèmes du secteur nationalisé ou public (quatorze pour les seuls PTT selon la CFDT).

La CGT constate : « Les travailleurs passent à l’action, nous les aidons à l’organiser, nous les invitons à redoubler d’ardeur car il est possible dans la foulée de dépasser l’ordonnance ».

La revendication reste en effet « les 38 heures sans perte de salaire, pour alléger la peine des femmes et des hommes au travail, et pour créer des emplois ».

Des exemples sont cités pour montrer « qu’il est possible de gagner », Dans les Deux-Sèvres : SIGAP, RAMO (suppression de chômage partiel), RRM (Bressuire).

Dans la Vienne : Fonderies du Poitou (après une semaine de lutte, amélioration des salaires, 39 heures sans perte de salaire),

SARCO (39 heures payées 41 h 30, cinquième semaine), SFENA (débrayage à l'initiative de la CGT, 39 heures sans perte de salaire), ENERTEC (même chose), communaux de Neuville (création d’emplois dans le cadre d’un contrat de solidarité), Hutchinson (création d’emplois), GMA, AEF, etc...

La CGT ajoute que l'action risque de démarrer dans le bâtiment où l’employeur « veut ramener l’horaire de 43 à 39 heures sans compensation » et dans nombre d’autres entreprises à la réception de la feuille de paie ».

Elle aurait souhaité une ordonnance plus hardie, plus complète, plus contraignante. Mais cette expérience « montre aux travailleurs à quel point il ne faut pas tout attendre d’en haut... ».

... et des droits syndicaux

Les syndicats CFDT « sont engagés avec ardeur » pour que l’ordonnance se traduise par « un progrès concret ». Pour eux, la dureté de certains conflits montre que « c’est un combat perdu d’avance pour le patronat ». Leur organisation veut « se saisir de la situation pour en faire une période de concrétisation des acquis et de poursuite des négociations ».

Ses objectifs : une réduction effective du temps de travail susceptible de créer des emplois, avec prise en compte du maintien du pouvoir d’achat, mais aussi « contrôler avec les travailleurs l’organisation du temps de travail, avec les moyens nouveaux que l’ordonnance donne aux syndicats ».

En effet, la CFDT considère au-delà de son contenu même, l’ordonnance marque « une étape importante pour la progression des droits et la réussite du changement. C’est pourquoi, prenant appui sur ce texte, elle met en avant la création d’emplois (à la SFENA, elle réclame l’embauche des salariés sous contrat à durée déterminée), ou des droits nouveaux (sixième semaine de congés obtenue aux Papeteries de la Couronne en Charente). Elle appelle tous les salariés à amplifier l’action, y compris ceux des PME qui doivent à cette occasion « réduire les inégalités qui les séparent des grandes entreprises. Et pour l’avenir, elle souligne les points de l’ordonnance dont personne ne parle : empêcher la conclusion par des organisations minoritaires de dispositions dérogatoires à la législation (ce qui devrait « favoriser l’unité d’action »), frein au développement des horaires réduits de fin de semaine, amélioration des conventions collectives sur les jours fériés, limitation du temps de travail des moins de 18 ans.

Par ailleurs, les deux organisations se sont élevées contre l’intervention du « commando » à la fromagerie d’Isigny.

La CGT accroîtra la « vigilance » pour empêcher la multiplication des « officines patronales ». La CFDT y voit la confirmation qu’il s’agit bien de conflits sur le contenu « politique » du changement, et souligne à cette occasion « qu’on ne peut dénoncer ce qui se passe en Pologne et ne rien dire de ces pratiques, ni inversement condamner cette action et se taire sur la Pologne... ».

 

 

le 24/10/2023 à 14:52

Source : La Nouvelle République du Centre Ouest

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