1144002/04/1982CHATELLERAULT
« Le changement n’apportera rien d’important sans l’intervention des travailleurs »
Le 50e congrès de l’Union départementale des syndicats CGT, qui s’est ouvert hier et se prolonge aujourd’hui à Châtellerault, est le premier rassemblement d'envergure de l’organisation syndicale la plus importante depuis le changement politique de l’an dernier. Faut-il pour autant en attendre des orientations, une stratégie, un syndicalisme nouveau ? Il ne le semble pas, du moins pas dès demain matin...
Les travaux, qui réunissent près de 500 délégués, s’acheminent en effet pour l’essentiel vers une issue sans surprise : « Le 10 mai dernier a marqué la fin de la collusion gouvernement-patronat, et créé des conditions propices au changement, mais rien d’important ne sera obtenu sans l’intervention des travailleurs ».
C’est le leitmotiv de ces derniers mois, ce le sera encore à l’avenir, avec des objectifs qui restent à affiner, pour réaliser la mobilisation souhaitée car « l’heure est à l'action... ».
« La question de la démocratie est dans le camp des travailleurs. Pour aller plus vite et plus loin en faveur des couches les plus démunies, pour aller au maximum des possibilités de changement, qui sont grandes, il faut relever ses manches... ».
De la part d’un militant qui n’a jamais baissé les siennes, cette intervention hier à la tribune du Chillou d’Ozon reflète la continuité. Mais il faut dire qu'on n’a pas entendu beaucoup d’adhérents de base partager cet enthousiasme. Tout se passe comme si les difficultés de l’ensemble du syndicalisme à mobilier les salariés, autrefois « pour qu’il n’y avait rien à attendre des patrons », se perpétuaient aujourd’hui parce qu’ils attendent tout du gouvernement.
Les difficultés d’application de la réduction du temps de travail, au début de cette année, ont bien involontairement aidé les organisations syndicales à renverser un peu cette tendance. Et la CGT, qui déplorait l’an dernier une stagnation de ses effectifs dans la Vienne, fait état depuis de « signes positifs encourageants ».
Forte de ses 220 « bases » d’entreprises organisées en huit Unions locales (quatre de plus qu’au précédent congrès, fin 1979) elle compte bien s’appuyer sur ce redressement, sur les acquis parfois exemplaires de ces conflits récents, sur les leçons à en tirer quant aux bienfaits de la lutte et de l’organisation, pour devenir plus efficace encore. D’autant que d'ici quelques mois, d’importantes élections pour les Prud’hommes et la Sécurité sociale mesureront la représentativité des organisations.
On a donc beaucoup insisté hier sur la nécessité de renforcer la CGT, sa presse, sa propagande.
Et l’une des propositions concrètes de ce congrès aura été l’organisation courant avril d’une « quinzaine départementale d’information et d’action » (mise à jour des cahiers de revendications, examen complet des créations d’emplois possibles avec ouverture de « bureaux d’embauche », et point fort sur l’amélioration du pouvoir d’achat...).
Questions...
Mais se renforcer et se mobiliser pour quoi faire ? Si le détail du programme revendicatif est l’affaire de syndicats, il appartient au congrès départemental d’en fixer le cadre et de poser des « jalons ».
Le nouveau contexte « met en avant la lutte des idées », affirme le rapport d’ouverture de la commission exécutive présenté hier par le secrétaire général Francis Martin. Les idées et les objectifs de la CGT sont suffisamment connus pour qu’on n’y revienne pas ici dans le détail.
Fondamentalement, elle fait de « la satisfaction des besoins le moteur essentiel d’une activité économique assainie ». Et elle veut « imposer la croissance » économique principalement par « le maintien du pouvoir d’achat pour tous, le relèvement des bas et moyens salaires » et des pensions de retraite (un SMIC de 3.450 F tout de suite).
Dans un département comme la Vienne, elle a avancé des propositions pour l’expansion de l’agro-alimentaire et l’industrialisation, pour la formation professionnelle et la place des femmes, pour que la construction de la centrale de Civaux soit le point d’appui de cette relance, etc...
D’une manière générale, les grands axes de son action sont et resteront également la « reconquête » de la Sécurité sociale, l’obtention de droits nouveaux pour les salariés (il faut notamment « mettre en pratique sans attendre la loi, l’heure mensuelle d’information syndicale payée »), la maîtrise des techniques nouvelles et « l’intervention dans la gestion... ».
Comment faire avancer toutes ces revendications ? Certainement pas en « attendant tout d’en haut », nous l’avons dit. La CGT a dit et redit hier que le patronat « conserve des moyens considérables de s’opposer au changement et ne s’en prive pas ». Qu’elle ne sera pas non plus « comptable » de l’action du gouvernement et ne se déterminera « qu’en toute indépendance, par référence à son propre programme ».
Un représentant de Gallus, notamment, a crûment confessé : « le tort que nous avons eu de faire trop confiance au gouvernement ».
La présence de ce gouvernement de gauche impose certes de « lutter dans des conditions différentes, d’adapter nos modes d’expression et nos formes d’action, de faire preuve d’imagination ». Mais il ne fait que « tendre des perches » (comme les ordonnances sociales) et il faut « mobiliser et organiser les travailleurs pour qu’ils s’en saisissent ».
Ce congrès avait été préparé par des débats dans les entreprises. Mais sur ce point la première journée a levé plus de questions que de réponses et pas de réponse-miracle, sinon qu’il faut sans doute « avoir plus confiance en soi-même et en la CGT ».
Et comme par le passé, du moins dans les discours passés car ce n’est pas facile non plus, « se détourner de la délégation de pouvoir et toujours mieux connaître le terrain, les aspirations de tous les travailleurs... ».
En l’état actuel des choses, les orientations restent donc les mêmes. et les conditions de l’unité d’action aussi. La CGT a des mots durs pour toutes les autres organisations, qu’elle accuse grosso modo de se contenter de la gestion de la crise. Mais elle réaffirme son désir de rechercher l’unité d'action, à partir de la définition des revendications et des moyens de les atteindre...
Nous reviendrons demain notamment sur l’intervention de M. Alphonse Véronèse, secrétaire confédéral, qui participe à ce congrès.
La trace des « premiers éléments » de la CGT dans la Vienne a été retrouvée en 1898, mais c’est en 1907 que fut créée à Chauvigny la première « Union locale ». Et en 1913 que fut réuni le tout premier congrès départemental. Ce cinquantième a des racines...
le 01/11/2023 à 15:52
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
Espace Militants v0.3 - UD CGT 86 - http://cgt-ud86.org