0122810/07/1921POITIERS
Une grave question qui se pose à l’activité de la Municipalité est celle des tramways électriques.
Faut-il donner satisfaction à la Compagnie et du même coup imposer aux contribuables poitevins une nouvelle et lourde charge ?
Faut-il s’en tenir au rejet pur et simple de sa demande, décidé déjà par le Conseil, à l’unanimité, et provoquer ainsi l’arrêt de cet important service public et le licenciement d’un personnel qui mérite toutes les sympathies ?
N’y a t-il pas de solution intermédiaire ?
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En 1913, la Compagnie des Tramways, qui jusqu’alors fabriquait elle-même sa force motrice, ferma son usine et passa avec la Compagnie du gaz un contrat aux termes duquel celle-ci s’engageait à lui fournir le courant pour un prix de 9 centimes le kilowatt-heure.
Le prix était évidemment très avantageux pour les Tramways, il lui permettait de faire une économie sérieuse sur les frais d’exploitation. Il présentait toutefois un gros inconvénient, qui apparaît aujourd’hui désastreux, de rendre la Compagnie des tramways entièrement dépendante de la Compagnie du gaz.
Survint la guerre ; en 1917 Les Tramways durent passer avec le Gaz un avenant qui portait le prix du courant à 17 centimes 7 pour une période finissant en avril 1920. Les difficultés d’exploitation furent accrues, mais les majorations de tarifs accordées par le Ville rétablirent l’équilibre financier si bien que l’exercice 1920 se solderait par un boni de deux cents et quelques francs si ce prix de 17 centimes 7 avait été maintenu.
Mais la Compagnie du gaz, s’appuyant sur la loi Faillot, a obtenu le 3 janvier 1921 du Tribunal de commerce de la Seine un jugement portant annulation du contrat de 1913 et ce avec effet rétroactif du 20 mars 1920. Forte de cette décision de justice, qui est frappée d’appel mais risque d’être confirmée, la Compagnie du gaz demande à la Compagnie des tramways de lui payer, depuis le 20 mars 1920, le courant sur la base du prix appliqué aux industriels poitevins, soit 75 centimes le kilowatt.
La conséquence de cette prétention est que les tramways se trouvent en présence d’un déficit de 150.000 francs environ pour l’année 1920, et cette dette, s’accroissant tous les mois de 15.000 francs, atteint le chiffre de 240.000 francs au 30 juin 1921.
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La Compagnie des Tramways est-elle fondée à demander à la Ville de lui accorder l’aide financière à laquelle elle prétend ?
La Ville peut-elle soutenir qu’elle n’a joué que le rôle d’intermédiaire pour l’obtention de la concession et que, à l’expiration du contrat, la voie ferrée et les dépendances devant devenir propriété de l’État, c’est en définitive à l’État seul que la Compagnie devrait s’adresser pour obtenir l’aide qui lui est indispensable.
Mais l’État, appelé en garantie, ne manquerait pas de se dérober et de faire remarquer qu’il n’est pas directement intéressé au fonctionnement de ce service public, et que seuls, ceux qui en bénéficient, doivent en supporter les charges.
Il serait oiseux d’ailleurs de s’attarder à ces discussions. Il faut se placer résolument en face du problème et l’envisager du point de vue de ses conséquences immédiates.
Peut-on, oui ou non, laisser s’arrêter le trafic des tramways ? A cette question nous répondons résolument non. Et pour deux raisons qui ont a nos yeux une égale importance.
La première est que 55 employés et ouvriers seraient du jour au lendemain jetés sur le pavé ; un certain nombre d’entre eux sont chefs de famille nombreuses ; beaucoup sont de vieux employés comptant 15 ou 20 ans de services ; et qu’ils ne se trouveraient que très difficilement un emploi ; que leur cas est d’autre part d’autant plus intéressant qu’ils allaient voir leurs vieux jours assurés par le vote de la loi Charlot et Margaine sur le régime spécial de retraites des employés des tramways.
La seconde raison que nous avons de ne point admettre la possibilité de l’arrêt des tramways c’est que la cessation du trafic causerait une gêne considérable à la population poitevine. Si élevés que soient ses tarifs, ce mode de locomotion est le seul que nous ayons à notre disposition et il rend des services dont la disparition ne saurait être envisagée.
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le 20/05/2020 à 11:56
Source : L'Avenir de la Vienne
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