1247619/09/1984POITIERS
… et à l’organisation de leurs salariés
En France, 50 % des salariés appartiennent à des petites entreprises. Voire à de très petites entreprises (deux ou trois employés) et la proportion est encore plus importante en Poitou-Charentes.
Récemment, Edmond Maire reconnaissait les difficultés de ces petites unités de travail, sans pour autant renoncer à faire valoir les droits de leurs salariés.
Or, il se trouve que ces employés sont à la foi, socialement, les plus exposés et, souvent, les moins bien pavés. Malgré l’avancée certaine des lois Auroux, l’état actuel de la législation ne prévoit pas la représentation de ces salariés dans les négociations entre syndicats et patronat.
Au-delà de la lutte prioritaire pour l’emploi (qui, d’ailleurs, inclut une dynamisation des petites entreprises, car ce n’est pas dans les « grosses boîtes » que l’on créera le plus d'emplois), la CFDT fait de l’organisation des travailleurs des petites entreprises un des axes privilégiés de son action à moyen terme.
La confédération se déclare prête à négocier avec les organismes patronaux intéressés. Ainsi, au plan régional, la CFDT organisait lundi au CPO de Celles-sur-Belle une journée de réflexion réunissant une quarantaine de participants : pour moitié, des conseillers aux Prud’hommes et, pour l’autre, des travailleurs isolés, des responsables de syndicats, des élus aux bureaux d’UL et d’UD, venus des quatre départements. Cette journée s’est notamment déroulée en présence de son organisateur, Maurice Rabouin (Poitiers), trésorier général et membre de la commission régionale de formation aux Prud’hommes, et du secrétaire régional Pierre-Olivier Aubouin (Niort).
Quand le compagnon de travail est l’employeur...
En commission, puis lors d’un débat et de la synthèse de la journée, on a tenté de définir comment l’on pouvait rompre l’isolement qui fait du salarié de très petite entreprise un paria en matière de conventions collectives...
Comment revendiquer ses droits sans détériorer irrémédiablement les relations avec l'employeur ... qui est parfois le compagnon de travail le plus proche, sinon le seul ? L’organisation est possible : on l’a prouvé dans la Vienne où, bien avant les lois Auroux, les salariés agricoles ont créé des postes de délégués cantonaux reconnus par les employeurs. Et l’Union locale CFDT de Civray est partie de cet essai transformé pour étendre ce type d’accord aux petites entreprises d’autres professions. A Bressuire, les employés de maison sont aujourd’hui syndicalement organisés. C’est le cas pour les ouvriers boulangers des Côtes-du-Nord, les coiffeurs des Pays de la Loire, les employés de centres commerciaux de Rennes ou de Lyon... et sur certains bateaux de pêche du Finistère.
Au-delà du « délégué de site » (formule aurouxienne jugée trop restrictive), la CFDT veut obtenir des délégués locaux interprofessionnels, voire des délégués de rue. Il faut que la revendication individuelle s’exprime collectivement (par un délégué syndical) devant une instance patronale. Et que l’on négocie... Il arrive encore trop souvent qu’un salarié d’une petite entreprise soit licencié pour le seul fait d’avoir osé réclamer son dû ou le respect de ses droits...
Il convient également de réviser les critères de détermination du seuil au-deçà duquel les salariés d’une entreprise n’ont pas droit à un délégué syndical. Là encore, la CFDT n’apporte pas de solution toute faite. Elle veut en parler avec le patronat, sans rigidité et sans nécessairement alourdir les charges sociales de l’entreprise. La confédération demande non l’égalité, mais (nuance) « l’équivalence » de droits entre salariés d’une grosse et d’une petite entreprise, où l’on note parfois d’énormes disparités salariales dans la même branche.
C’est là l’une des exigences d’un « syndicalisme pluraliste » qui entend « vaincre le silence dans les petites entreprises » et faire progresser la condition sociale de leurs salariés.
Avec suffisamment de souplesse pour ne pas casser l’outil de travail et suffisamment de détermination pour faire en sorte que les audiences des Prud’hommes ne soient plus encombrées, comme c’est le cas aujourd’hui, d’affaires émanant, en grande majorité, de petits commerces, d’associations, de cabinets d’expertise, de petites entreprises de transport, de bâtiment, de garages ou de boulangeries. Défendre la coiffeuse au même titre que le métallo, tout en tenant compte de la spécificité et des problèmes de l’entreprise…
Pierre Lechantre
le 14/02/2024 à 19:05
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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