1277523/05/1985POITIERS
Des sommes de plus en plus importantes consacrées à la formation et aux stages de chômeurs mais une absence de créations d’emplois. Le comité régional GGT dénonce cette situation
Entre le pouvoir et la CGT, la paix sociale est bien finie. En paroles tout au moins. Réuni hier à Niort, le bureau du comité régional CGT a eu des mots durs pour stigmatiser ce qu’il appelle « l’allégeance du gouvernement au CNPF... ». L’analyse cégétiste régionale part de plusieurs constats : fin janvier 1984, selon les statistiques, il y avait en Poitou-Charentes 80.150 demandeurs d’emploi. A la mi-mai, la chiffre est tombé à 72.795. Positive cette chute du chômage ? Pour la CGT, la question est autre :
Puisqu’il n’y a pas eu d’embauche entre février et mai, il faut savoir ce que sont devenus ces 7.350 demandeurs d’emploi...
De là à prétendre qu’on les a sortis des fichiers pour les besoins de la cause, il n’y a qu’un pas allègrement franchi. Les dirigeants cégétistes n’hésitent pas à parler de purge. En Deux-Sèvres, par exemple, 2.084 demandeurs, surtout des jeunes et des plus de 55 ans, ont quitté le champ statistique. On nous raconte des histoires a dit Jean-Pierre Jallais, secrétaire régional.
Quels débouchés ?
En fait, tous ces gens ne se sont pas évanouis dans la nature. Il y a tout d’abord ce qu’on appelle l’effet TUC : 4.135 bénéficiaires fin avril et 6.500 potentiels. Mais il y a aussi cette prolifération de stages à l’usage des chômeurs. A ce sujet, qui est somme toute moins préoccupant qu’une évaporation inexpliquée des chômeurs, la CGT demande que soit réalisée une étude sur le nombre et la nature de ces stages, leur rendement et, surtout, leurs débouchés... Car à ces débouchés, la CGT ne croit pas. A ce propos, elle fait de nouveau état d’une stratégie visant à supprimer 12.000 emplois d’ici 1989 dans la région. Stratégie évidemment inquiétante si elle est réelle. La CGT, pour sa part, s’en inquiète. Et c’est ce qui l’amène à considérer les masses d’argent public consacrées à l’apprentissage et à la formation : 918 MF en quatre ans. Somme énorme qui, selon l’organisation syndicale, doit être mise en parallèle avec le fait que dans le même temps la courbe du chômage est passée de 50.000 demandeurs à 80.000. Au fur et à mesure que progressent les crédits emploi-formation, le chômage augmente... Et de mettre publiquement en cause ce paradoxe en affirmant : Un tel résultat montre que l’on gâche des crédits puisque l’on forme des gens sans créer les conditions de leur réinsertion professionnelle. C’est peut-être oublier, tout de même, que ceux qui aident les chômeurs à se former, à se recycler, n’ont pas, hélas, la haute main sur la stratégie industrielle du pays. Une stratégie que la CGT voit d’ailleurs de plus en plus dominée par l’étranger et à laquelle elle entend opposer une démarche volontariste passant par un recensement des besoins réels des entreprises régionales en matière d’emploi, de fabrication et de marchés.
Il est pénible de constater que les rares investissements faits sont utilisés à la rationalisation des procédés de production - rationalisation qui implique la flexibilité - et non à créer de nouvelles capacités. Est-il normal, par exemple, que le refus d’installer une nouvelle chaîne de froid à La Rochelle ait conduit à la destruction de cinq tonnes de merlus ?
Entreprises nationalisées : « Attaque en règle »
Décidée à contrecarrer cette stratégie de l’abandon, la CGT veut également s’opposer aux « dénationalisations » dont certains exemples : SAFT à Poitiers (400 emplois) et COFAZ (groupe Total, fabrication d’engrais, 170 emplois) à La Pallice, montrent qu’il s’agit d’une attaque en règle menée avec le feu vert de Matignon... Pour la CGT, il est possible d’arriver à un autre fonctionnement des entreprises nationalisées grâce aux potentialités régionales. A cet égard, Rhône-Poulenc, à Melle, qui s’oriente vers de nouvelles productions, a valeur d’exemple.
C’est donc une offensive que prépare la CGT. Dans un premier temps, elle va s’efforcer de constituer, à partir de ses syndicats, des localités, des entreprises, un fonds de propositions. Et, à la mi-juin, elle prévoit toute une série d’actions et de manifestations essentiellement axées sur les besoins des chômeurs et des jeunes et qui marqueront le refus d’une situation devenue insupportable. En particulier pour les quelque 33.000 chômeurs qui ne perçoivent plus d’allocations...
Autre hypocrisie à laquelle la CGT veut tordre le cou : il est malhonnête de développer un discours sur l’avenir économique assuré par les PME. Nous affirmons que la production moderne ne se fait pas initialement par les PME. Se priver de la présence de grandes unités industrielles dynamiques, conquérantes et performantes, reviendrait à condamner à terme des centaines de PME.
Chose que l’on semble ne pas avoir compris chez Peugeot, à La Rochelle, où 560 suppressions d’emploi sont programmées (sur 1.600 salariés) sans que les ministres du cru aient jusqu’à présent manifesté leur désaccord.
Henri GUTTON
le 06/03/2024 à 17:17
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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