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1279607/06/1985LUSSAC-LES-CHATEAUX

LA CGT MET LE RÉVEIL (DES LUTTES) À SONNER

Environ cent cinquante délégués des syndicats réunis pour deux jours à Lussac-les-Châteaux, soixante-dix pages de documents préparatoires et un rapport d’ouverture de soixante pages présenté hier matin par le secrétaire général Francis Martin au nom de la commission exécutive sortante : tous les trois ans, le congrès de l’Union départementale CGT, c’est d’abord ce lourd évènement « institutionnel » qui met les affaires « à plat ».

A plat et en débat, pour faire le point des forces et des faiblesses, se situer par rapport au contexte politique, économique et social et en tirer les lignes d’action pour les trois ans à venir.

Le précédent congrès, en 1982 à Châtellerault, suivait de peu l’arrivée de la gauche au pouvoir. Pour mettre un bémol aux illustrations de certains, l’UD CGT disait alors : « il faut lutter dans des conditions différentes, mais lutter quand même, faire le poids pour avancer... ».

Puis, il n’y a pas si longtemps, la CGT disait encore : « le gouvernement va dans le bon sens, mais ce n’est pas suffisant ».

En 1985, une page est tournée. Dans le rapport de la direction sortante, il n’y a plus le moindre « bon point » pour un gouvernement de gauche « qui tient à peu prés les mêmes propos que le patronat, le plus souvent par la voix d’Edith Cresson ». Comme on s’en doute, l’actualité avec les événements de la SKF, n’a fait qu’ajouter à ce contexte.

Cette affaire fut d’ailleurs l’occasion pour le congrès tout entier de se situer par rapport à la politique. Certains intervenants hier, voulaient amener la CGT à « bouffer du socialiste ». Des membres de la direction ont dû rappeler que l’organisation syndicale devait s’en tenir à condamner le gouvernement, sans mettre en cause sa couleur - comme l’a fait la commission exécutive confédérale. Mais les choses ne sont pas si simples puisque d’autres tenaient pour indispensable de « dénoncer les responsabilités ».

Dans le même ordre d’idées, le rapport d’ouverture faisait état des « contradictions » vécues dans la période 1982- 1985, et il s'est trouvé au moins un délégué pour dire qu’il ne les avaient senties qu’à compter de juillet 1984 (départ des communistes du gouvernement). Bref, la responsabilité de la CGT dans l’accession de la gauche au pouvoir et les premières années de son exercice, laisse des séquelles et alimente le débat.

État d’urgence

Mais le congrès devrait sans mal liquider ces séquelles pour se tourner vers l’avenir. Car tout le monde sent bien qu’il est urgent de réagir : « Le syndicalisme est à la croisée des chemins », disait quelqu’un hier.

Il y a des signes qui ne sont plus des secrets pour personne : les finances sont alarmantes parce que les adhésions payantes ont enregistré « une dégringolade » avec 40.000 timbres en 1984 contre plus de 57.000, trois ans plus tôt. Les rentrées des cinq premiers mois de cette année sont au même niveau que l’an dernier, mais cette stabilisation n’apaise pas les craintes (chaque adhérent est censé payer douze timbres par an).

Le congrès ne se dissimule pas les faiblesses et fait d’ailleurs une place plus large que d’habitude à la nécessité du « renforcement de la CGT ». Une nécessité qui dépasse de très loin le tiroir-caisse. Les débats se situent parfois à un très haut niveau. Jusqu’à faire un parallèle entre notre situation et le déclin des civilisations antiques, suivi du « retour des barbares ». Certains le voient poindre derrière « l’offensive historique de la droite et du patronat contre toutes les conquêtes sociales et syndicales ».

Dans cette situation, la CGT dégage avec insistance une priorité pour l’avenir du syndicalisme : s’adapter mieux aux transformations du salariat, notamment pour répondre aux préoccupations des ingénieurs, cadres et techniciens.

Comment mobiliser ?

Sans plus aucune retenue, la volonté est donc à la mobilisation. La CGT balaie toute tentation réformiste selon laquelle la rigueur serait le seul moyen de sauver des emplois : « De nombreux exemples montrent le contraire. Chez Ranger, on nous a rabâché qu’en supprimant des emplois on sauverait le reste. Deux fois, nous avons vu le même scénario, et les mêmes craintes demeurent... ».

En plus de l’emploi, ce ne sont pas les thèmes revendicatifs qui manquent, à commencer par le pouvoir d’achat et les atteintes aux libertés syndicales. De nombreux exemples sont cités.

Mais le problème central des congressistes reste le même : comment mobiliser ? Le mot d’ordre de la direction syndicale n’est pas nouveau : « Il n’y a pas de petite revendication, il faut engager le dialogue partout avec les travailleurs, pour coller à leurs besoins. On ne fera rien sans eux et quand on veut, on peut... ».

Des témoignages d’initiatives récentes ont été apportés qui confortent cette façon de voir tes choses.

Prendre en compte les transformations, c’est cependant aller un peu plus loin aujourd’hui, comme l’explique Gérard Gaumé, secrétaire confédéral, qui participe aux travaux : « Pour être crédible sur une revendication salariale, auprès des cadres notamment, il faut reconnaître la situation de l’entreprise ». Le syndicat « de la feuille de paie » se veut par conséquent et aussi celui de « l’intervention dans la gestion ».

Seulement voilà : les militants et leur pratique évoluent lentement, alors qu’il y a le feu. De sorte que la direction syndicale doit encore pousser à la roue, et au prix d’une certaine contradiction avec ce qu’elle préconise, lancer « d’en haut » la proposition d’une « journée départementale interprofessionnelle de lutte, d’action et de manifestation » pour le jeudi 20 juin. Profitant ce jour-là d’une action nationale dans la fonction publique, la CGT tentera de faire sonner aussi « le réveil des luttes » dans le privé...

J.-P. MERCIER.

Photo : La CGT a choisi Lussac-les-Châteaux pour tenir son 51e congrès afin d’attirer l’attention sur « la casse » que subit le Montmorillonnais, marquer son intérêt pour la construction de la centrale de Civaux et sa volonté de s’implanter sans plus tarder sur le site. Photo du congrès

 

 

le 14/03/2024 à 14:17

Source : La Nouvelle République du Centre Ouest

congrès, effectif, salariat

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