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1285603/09/1985POITIERS

TESRO A DÉPOSÉ SON BILAN

Créée en 1984 à la suite de la mise en règlement judiciaire des Ets Tesserault, l’entreprise de caravanes de Chasseneuil échappe de peu à la liquidation des biens. Ce faisant le tribunal de commerce lui laisse une dernière chance.

Ce n’est qu’une demi-surprise : le dépôt de bilan. Le Tribunal de commerce a statué hier et sa décision s’apparente a un ultime sursis ; il a prononcé le règlement judiciaire, en désignant Me Munaux pour syndic, tandis que le juge-commissaire est M. Pierre Raul, président du Tribunal (qui suivait l’affaire en personne ces dernières semaines).

Pour le Tribunal en effet, le président nous le confirmait, c'est bien un règlement judiciaire « de la dernière chance ». Car les juges avaient en main suffisamment de données convergentes pour prononcer la liquidation des biens. Pièce maîtresse : le rapport d’expertise demandé à M. Delamarche et remis la semaine dernière au président. Son contenu n’est pas public, mais on sait que ses conclusions étaient négatives sur l’analyse de la situation de l’entreprise, et plutôt pessimistes quant à ses chances de redressement. D’ailleurs, implicitement au moins, l’expert a considéré que la nomination d’un « conciliateur », envisagée par le président, n’était même plus utile.

En second lieu, le Premier substitut du procureur de la République, M. Gayat de Wecker, qui siégeait hier, a requis lui-même la liquidation des biens de Tesro. Il s’appuyait essentiellement sur cette expertise, mais aussi sur le fait que les difficultés sociales que connait l’entreprise compromettraient davantage encore une éventuelle solution.

Enfin, les juges étaient en présence d’une situation où les conditions d’un règlement amiable avec les créanciers n’étaient pas remplies, et devant une trésorerie nulle...

Un dernier espoir

Pourtant, le Tribunal n’a pas suivi ces avis et indices convergents. Manifestement sans y croire beaucoup mais comme s’il voulait montrer que tout aura été tenté, a accordé un règlement judiciaire fondé sur le seul « fil » auquel l’entreprise semble tenir encore : l’espoir d’obtenir des commandes substantielles dans un délai très court.

Le P-DG de la SA Tesro, M. Brun, mise sur deux possibilités de voir repartir la production : le Salon de la caravane fin septembre (cette échéance, d’ailleurs aléatoire, paraît elle-même éloignée par rapport aux besoins immédiats de l’entreprise) et une commande du groupe Bouyges pour des véhicules destinés à l’aménagement d’aérodromes dans le Sud algérien, mais il faudrait que le marché se confirme et se traduise rapidement par le versement d’un acompte.

Avec le syndic, Me Munaux, qu’ils rencontraient dès hier, les responsables de l’entreprise vont s’employer à traduire ces espérances en réalité, pour assurer un fonctionnement normal de l’entreprise. Mais un butoir est fixé : à l’audience du 28 octobre, le syndic devra faire rapport des résultats enregistrés. Si aucune des commandes annoncées n’est concrétisée, le Tribunal convertira le règlement judiciaire en liquidation (peut-être même sans attendre la fin d’octobre), étant entendu « qu’il ne saurait être admis de faire fonctionner à vide l’outil de travail ».

Publiquement, le président Raul a notamment motivé comme suit le jugement d’hier :

« ... Créée le 6 août 1984, à la suite de la mise en règlement judiciaire des Ets Tesserault., la SA Tesro vit son capital composé à 61 % d’actions souscrites par le personnel. Il devint très vite évident que l’effectif embauché de soixante-quatre personnes était trop important au regard du chiffre d’affaires » (de l’ordre de six millions de francs pour un chiffre d’affaires de 15 MF).

« Par ailleurs, la gestion du dirigeant, M. Teissier, contestée en de nombreux domaines, amena le conseil d’administration à le remplacer la 29 octobre 1984 par l’actuel président, M. Brun.

« Le marché de la caravane subissant en 1985 une forte baisse, rendit encore plus nécessaire la compression d’effectifs, mais les différentes demandes auprès de l’Inspection du Travail, entamées dès le mois de mars, n’obtinrent un résultat partiel que début août. La mévente du stock de produits finis (soixante-dix caravanes) dont la vente aurait dû provoquer un apport de trésorerie de plus de 2,5 millions de francs, amena l’entreprise à déposer auprès de M. le Président de ce tribunal une demande visant à obtenir le bénéfice du règlement amiable prévu par la loi du 1er mars 1984.... ».

C’est dans ces conditions que le président Raul a ordonné l’expertise. Hier, il en résumait ainsi le résultat :

« ... Il était d'ores et déjà évident que la nomination d’un conciliateur et l’ouverture d’une procédure de règlement amiable ne pouvaient être envisagées avec succès que si trois conditions préalables étaient remplies : 1°) autorisation en un premier temps de vingt-quatre licenciements ; 2°) réalisation d’une partie du stock ; 3°) obtention de commandes permettant d’employer à plein temps l’effectif restant dès la réouverture de l’usine... ».

Aucune de ces modifications n’a été pleinement réalisée (dix-neuf licenciements ont été autorisés), tandis que l’état de cessation de paiement était caractérisé (la date en a été fixée provisoirement au 19 juillet). Le dépôt de bilan était inéluctable.

Un jugement indépendant

Un dépôt de bilan qui a au moins une conséquence immédiate favorable aux salariés : il régle le problème du retard de salaires, qui seront pris en charge par l’ASSEDIC.

Sur le plan social, quelles en sont les conséquences possibles ? On sait que la CGT mène chez Tesro une action acharnée qu’elle voudrait exemplaire. La section syndicale s’est réunie hier, mais il ne nous a pas été possible de recueillir une réaction de sa part. Il se peut, contrairement à ce qu’on pourrait croire, qu’elle ne soit pas hostile au règlement judiciaire. Il y a quelques jours, en effet, elle évoquait pour les salariés licenciés le projet de création d’une autre entreprise. A condition que les licenciés actionnaires « soient remboursés de leur mise chez Tesro », ce qui est une autre affaire...

Cette action de la CGT a fait de Tesro, depuis longtemps un sujet politiquement « sensible ». Mais à ceux qui pourraient penser que le Tribunat, dans son jugement, a pu être « influencé » par cet aspect du dossier le président apporte un démenti catégorique : « Nous n’avons reçu ni pression, ni recommandation, et le Tribunal qui est parfaitement indépendant n’en aurait d’ailleurs tenu aucun compte... ».

 

 

le 15/03/2024 à 12:59

Source : La Nouvelle République du Centre Ouest

métallurgie, caravane, tribunal, redressement

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