0129709/06/1923POITIERS
CONSEIL MUNICIPAL
Relèvement des tarifs.
M. Desmarest – le seul conseiller majoritaire capable de traiter une affaire délicate – donne lecture de l’important rapport suivant :
Messieurs,
Nous avons été saisis par la Compagnie des Tramways de Poitiers d’une demande tendant au relèvement des tarifs de transport des voyageurs qui utilisent les voitures de cette compagnie.
Cette demande a pour but de lui permettre de faire face à des dépenses supplémentaires que vont lui occasionner l’augmentation des traitements du personnel et la réfection des voies.
D’après la Compagnie des Tramways pour augmenter les traitements de son personnel d’un franc par jour et par employé, il lui faut une somme annuelle de 20.000 fr.
Pour refaire les voies il lui faut une somme annuelle de 50.000 fr.
Soit au total une somme annuelle de 70.000 fr.
Elle s’adresse à la Ville et lui demande de lui procurer cette somme par un relèvement des tarifs, faute duquel elle se déclare incapable d’augmenter les traitements de son personnel, qu’elle reconnaît un peu court ; elle se déclare incapable de réparer ses voies, qui ont cependant grand besoin d’une rénovation urgente, nous l’avons vu récemment et nous risquerions de le voir bien davantage l’hiver prochain.
Proclamons de suite que le personnel se montre très raisonnable et se contente de l’augmentation indiquée ci-dessus d’un franc par jour et par employé.
Mais il y a lieu tout d’abord de dissiper une équivoque. Il n’est pas admissible que la Compagnie des Tramways subordonne sa décision à l’égard de son personnel à la décision du Conseil municipal.
Ce personnel n’est pas un personnel communal, il est le personnel de la Compagnie qui doit prendre à son égard telle résolution de justice ou de bienveillance qu’elle juge convenable sans que nous ayons à intervenir.
D’autre part, il est difficile d’oublier que la Ville a déjà accordé à la Compagnie des Tramways, trois relèvements successifs de tarifs ; bien plus, elle a donné son cautionnement à cette Compagnie vis-à-vis de la Compagnie du gaz, en engageant sa responsabilité pour le paiement de ce qui était dû à cette dernière pour fourniture d’énergie électrique.
Ces avantages n’ont pas empêché la Compagnie des Tramways, au lendemain du jour où elle venait d’en recueillir les bénéfices, d’assigner la ville de Poitiers devant le Conseil de Préfecture de la Vienne en payement d’une somme considérable (environ 520.000 francs) pour obtenir le remboursement de charges jugées par elle extra-contractuelles.
Le procès est toujours pendant.
Malgré cela la Compagnie des Tramways a recours à la ville ; elle l’appelle à son secours, sans attendre la fin de l’instance.
Alors que nous sommes encore sous le coup d’une grave menace de sa part, la Compagnie des Tramways vient solliciter notre appui.
Cette façon de procéder, qui peut sembler audacieuse, inélégante et mettre notre amour propre à une rude épreuve, n’était pas de nature à nous disposer en faveur de la demande de la Compagnie des Tramways.
Cependant nous avons estimé qu’il était de notre devoir de nous élever au-dessus des questions d’amour propre.
Nous ne saurions perdre de vue qu’en 1922, 1.983.724 voyageurs ont utilisé les tramways électriques de Poitiers.
Ce seul chiffre indique qu’il n’est pas possible de gaieté de cœur la cessation d’un service qui intéresse une telle masse de personnes, dont la plupart sont nos concitoyens.
Faut-il ajouter que cinquante-quatre employés ont leur gagne-pain et celui de leur famille assuré à la Compagnie des Tramways ?
Votre Commission des Finances a décidé d’étudier très attentivement la situation.
J’ai l’honneur de vous présenter les résultats de cette étude.
Elle s’est fait communiquer les rapports du Conseil d’administration et les bilans de la Compagnie depuis 1910.
Elle a remarqué que, depuis cette époque les recettes d’exploitation ont constamment progressé et dépassé les dépenses d’exploitation.
Grâce aux divers relèvements de tarifs qui ont été consentis tant par nos prédécesseurs (en février 1916 et en février 1919) que par nous même (en mars 1920) la Compagnie a vu ses recettes d’exploitation passer de 168.745 francs 05 en1910 à 517.711 francs 53 en 1922.
Par contre les dépenses d’exploitation qui étaient en 1910 de 148.456 fr. en 1910 se sont élevés à 417.593 fr. 36 en 1922.
Le rapporteur donne ensuite des renseignements détaillés sur le bilan de l’exercice 1922.
Il en résulte que cet exercice s’est soldé définitivement par un bénéfice net de 20.971, 64.
Ce bénéfice net, après dotation de la réserve légale, a permis la mise en distribution d’un dividende de 2 %.
Il faut avouer que ce n’est pas un bénéfice exagéré et nous ne livrerons pas à des attaques de basse démagogie contre des actionnaires dont le capitalisme se trouve rémunéré dans des conditions si modestes, que nous leur souhaitons bien meilleures dans l’avenir.
Mais ce que nous sommes bien obligés de constater, c’est qu’avant de distribuer un dividende la Compagnie est tenue d’exécuter ses engagements et de remplir ses charges.
Or pour nous en tenir à l’exercice 1922 la Compagnie a accusé un bénéfice net de 20.971,64.
Elle a inscrit à son passif pour amortissement une somme de 16.687,82.
Enfin elle a réglé à la Compagnie du gaz, en règlement d’une annuité de sa dette pour fourniture antérieure d’énergie électrique, une somme de 51.074,46.
C’est donc une somme totale de 88.738 fr. 92, qu’elle a pu prélever sur ses bénéfices de 1922, alors qu’elle déclare avoir besoin de 70.000 francs pour faire face aux nouvelles charges qu’elle envisage.
Il est vrai que, sur cette somme de 88.738 fr. 92, celle de 51.074 fr. 46 est affectée à l’acquit d’un passif que la Compagnie doit payer et qu’elle ne peut rien soustraire actuellement de cette dernière somme pour ses nouvelles charges.
Mais ce passif, qu’elle doit à la Compagnie du Gaz, il sera éteint dans un avenir très court, trois ans environ.
Cette dette payée, une somme supérieur à 50.000 francs deviendra disponible chaque année, ce qui permettra à la Compagnie des Tramways de pouvoir à tous ces besoins même en admettant que la progression constante des bénéfices, constatée depuis 1910, ne continue pas dans l’avenir, ce qui serait anormal.
En attendant le paiement du passif à la Compagnie du Gaz, il reste une somme de 37.659 fr. 46 (20.971 fr. 64 + 16.687fr. 82 en prenant les chiffres de l’exercice 1922), pour faire face aux nouvelles charges évaluées à 70.000 francs.
C’est donc une somme annuelle de 30.000 à 35.000 francs qui semble manquer momentanément à la Compagnie des Tramways pour équilibrer son budget.
Et c’est en définitive cette somme annuelle supplémentaire de 30.000 francs à 35.000 francs qu’il serait nécessaire de mettre à disposition de la Compagnie des Tramways pour lui assurer une validité, sinon florissante, du moins suffisante.
Votre Commission des Finances s’est arrêtée à ce chiffre de 35.000 francs et elle a été amenée à envisager le moyen de procurer un supplément de recettes annuelles de même somme à la Compagnie des Tramways.
Elle estime que ce supplément de recettes sera facilement obtenu et même dépassé par un léger relèvement des tarifs sur les trois sections de ligne suivantes dans les deux sens : gare – Hôtel de ville, Hôtel de ville – gare ; Hôtel de ville – porte de ville, Porte de ville – Hôtel de ville ; Hôtel de ville – Petit Blossac, Petit Blossac – Hôtel de ville.
Actuellement le tarif de ces parcours est de 0 fr. 20 ; il serait porté à 0 fr. 25.
Nous pensons que ce relèvement des tarifs suffira à atteindre le but à atteindre.
En effet, en 1922, il a été transporté sur ces parcours 888.049 voyageurs. L’augmentation de 0 fr. 05 aurait fourni une recette supplémentaire de 44.102 fr. 45. En admettant même un déchet de 20 % de recettes, qui vraisemblablement ne se produira pas, on obtiendra un supplément de recettes annuelles de 35.521 fr. 96, ce qui nous donnera à peu de chose près le résultat cherché.
Nous avons choisi les sections de ligne indiquées ci-dessus plutôt que les autres, de manière que les habitants des faubourgs n’aient pas à souffrir du relèvement des tarifs.
Ajoutons que ce relèvement des tarifs cessera dès que la créance de la Compagnie du gaz aura été remboursée, c’est-à-dire dans trois ans environs car alors la Compagnie des Tramways aura à sa disposition la somme de 50.000 francs qu’elle verse annuellement à la Compagnie du gaz pour règlement de son passif arriéré.
Bien entendu ce relèvement des tarifs cesserait également si, contre toute attente, la Compagnie des Tramways venait à gagner son procès contre la ville.
.../…
Nous espérons que le Compagnie des tramways saura apprécier le nouvel effort que nous faisons en sa faveur et qu’elle de différera pas davantage l’augmentation des traitements de son personnel avec effet rétroactif au 1er mai 1922.
M. le Maire souligne au prix de quelles difficultés la Commission a pu arriver à dégager la solution qu’elle propose et il insiste sur ce point que la Compagnie pourra faire remonter au 1er mai l’augmentation à accorder à son personnel.
le 25/05/2020 à 15:36
Source : L'Avenir de la Vienne
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