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1345607/07/1987POITIERS

RIDEAU SUR LA SÉCU

Le débat a eu lieu. Les participants en ont apprécié la tenue mais quelle sera l’attitude du pouvoir politique ?

Faut-il étatiser complètement la Sécurité Sociale ou conserver l’autonomie (toute relative) des caisses ? Chassez le politique, il revient au galop ; les participants aux États généraux de la « baleine » n’ont pas manqué de remettre la question sur le tapis, hier, pour la séance de clôture consacrée au financement. Préserver le statu quo, cela veut dire s’en tenir au principe des cotisations salariales pour alimenter les recettes. Étatiser reviendrait à confier au pouvoir central une mission qui peut relever en effet de sa compétence et à accompagner ce transfert d’une fiscalisation touchant l’ensemble des contribuables. « Il ne viendrait à l’idée de personne de s’en remettre à l’initiative privée pour la sécurité ou la défense, fait observer le directeur de l’URSSAF. Pourquoi en irait-il autrement pour la protection sociale ? ».

Ce débat fondamental a révélé une opposition attendue entre le privé (représenté notamment par les compagnies d’assurance) et lalliance subjective de la Sécu et des mutuelles ; mais aussi parfois entre les représentants de la Sécu et des mutuelles.

Parmi les partisans de l’étatisation, on trouve par exemple des cadres supérieurs du service public. Relayant les propos du directeur de l’URSSAF, le directeur adjoint du CHU, M. Moinard, déclare sans ambages : « Toutes les professions bénéficient aujourd’hui de la Sécurité Sociale ; pourquoi maintenir un système qui entraîne une lourdeur administrative importante ? ». Oui, mais... si on étatise, c’est l’intégration de toutes les professions de santé... ». « Et on n’aurait plus le choix du médecin, prévient M. Serre (FO). Or, nous y sommes très attachés ».

« S’il n’y a plus de part contributive, renchérit le président de la Caisse d’allocations familiales, M. Riault, nous irons tout droit à la soupe populaire ». M. Huguet, directeur de la CPAM, met la barre moins haute, en estimant que « si la responsabilité suprême appartient au gouvernement, les caisses locales devraient disposer d’un pouvoir plus large pour l’action sanitaire et sociale ». On s’aperçoit, au fil de la discussion, qu’elles l’ont déjà, ce pouvoir, depuis les ordonnances de 1967 mais que l’État n’en a tenu aucun compte !

Les contribuables sollicités ?

Faut-il tirer l'échelle ? M. Huguet relance le débat en estimant que les caisses seraient en mesure de maîtriser les dépenses d’assurance maladie avec un budget global sur la base duquel on passerait une convention individuelle avec les médecins privés.

Le représentant de l’Ordre des médecins estime qu’il y va plutôt de la responsabilité des consommateurs sous la pression desquels les praticiens établissent leurs ordonnances. « Les médecins ont conscience qu’ils prescrivent trop, enchaîne le docteur Patrier, président du Syndicat départemental, mais les malades, par contre, sont inconscients de ce qu’ils dépensent ».

Le débat se poursuit par une passe d’armes entre un assureur privé et le représentant d’une caisse de retraite qui l’interpelle en ces termes : « Messieurs de la capitalisation, quelle dotation faites-vous dans vos agences pour l’action sociale ? ». Il se déplace peu après entre un administrateur de caisse cédétiste et le président de la FDSEA qui lance en aparté : « Je m’en doutais ! ». M. Rochet de préciser que la part contributive des agriculteurs représente, à prestations égales, 90 % de celle des autres catégories mais que les exploitants, en vérité, ne demandent pas l’égalité de prestations car ils n’en ont pas les moyens.

Une divergence de vues à propos de l’assurance complémentaire où la Sécurité Sociale semble vouloir concurrencer les mutuelles (qui sont déjà aux prises avec le privé) et l’on s’oriente vers la synthèse qui s’était d’ailleurs dégagée les jours précédents à savoir un système de financement mixte alliant les cotisations à l’impôt pour mieux solliciter l’ensemble des revenus. Et pas seulement les salaires. Tout le monde semble finalement d’accord pour élargir la solidarité mais personne ne souhaite « casser la baraque ».

Michel Lévêque

Un espoir, une crainte...

Un bon point pour le préfet : il est attribué par le secrétaire de l’Union départementale CFDT, France Joubert, qui trouve que chacun a pu s’exprimer et qu’il y a eu même une volonté d’aller le plus loin possible.

Cela dit, est-ce que les états généraux déboucheront sur des résultats concrets ? La CFDT a fait le choix de participer, à l’inverse d’une autre centrale qui a tiré sa révérence dès le premier jour. « Nous avons joué le jeu », estime France Joubert, en ajoutant : « Si la maîtrise du coût se réalise, si on redonne du pouvoir aux conseils d’administration des caisses et si l’assiette des cotisations est élargie au-delà des revenus... et si en plus ça remonte et si c’est appliqué, oui, on peut attendre des résultats ».

Mais le gouvernement jouera-t-il à son tour le jeu ? Là-dessus, la confiance de la CFDT n’est pas totale. Surtout depuis l’amendement de Michel d’Ornano (UDF) qui propose que le budget de la Sécurité sociale soit discuté devant l’Assemblée nationale. « Si c’est le Parlement qui décide, alors il ya peu d’espoir... ».

Photo : Hier, au cours de la séance de clôture

 

 

le 29/05/2024 à 09:37

Source : La Nouvelle République du Centre Ouest

conférence, pouvoirs publics, financement

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