1350102/10/1987POITIERS
La manifestation s’est confondue, place d’Armes, avec un bizutage d’étudiants. Très drôle…
« Dansons la carmagnole
Vive l’action, vive l’action
Dansons la carmagnole... »
La manifestation régionale de la CGT s’est déroulée hier à Poitiers dans une ambiance de fête..., un peu trop peut-être au gré des organisateurs qui ont été tout surpris de trouver au rendez-vous, place d’Armes, des « sans culottes » qu’ils n’attendaient pas : les étudiants des filières génie mécanique et génie électricité qui étaient réunis pour leur bizutage traditionnel. Mines mi-figue, mi-raisin des « camarades » qui ont vu tout à coup leurs tentes marcher toutes seules et les verres du pique-nique aspergés par l’eau saumâtre de la fontaine. Gentils : « Faut bien qu’ils s’amusent, ces jeunes ! ». Paternels : « Les petits copains, il faut que ça se passe bien, allez jouer ailleurs ! ». Solidaires : « En défendant notre beefsteak, on défend le vôtre... ». Menaçant : « Ils font ce qu’ils veulent mais qu’ils ne nous insultent pas ! ». C’est alors qu’un grand Duduche au comble de la provocation lancé à un manifestant : « Vous n’avez pas de c… ! L’autre, pas dégonflé, baissa son froc. Que vouliez-vous qu’il fît ? glousse une minette.
Le rêve du vieux cheminot
Finalement, après cet échauffement, chacun s’est retrouvé chez soi : les « mec à niques » et les autres sur la place d’Armes, les cégétistes devant la préfecture. Ces derniers, au nombre de 3.000 environ, venus par cars ou voitures particulières, des quatre départements. La Charente-Maritime, avec, en figure de proue, les chantiers navals, semblait battre le record de participation (23 cars). Devant cette foule sérieuse mais bon enfant tout entière acquise à la cause, le secrétaire régional Jean-Pierre Jallais a commencé par gonfler le moral en énumérant « les mauvais coups détournés en un an » et en affirmant : « On peut bloquer une attaque frontale du patronat ! ». Puis il a dénoncé les super profits des multinationales, stigmatisé la politique gouvernementale qui transforme le marché du travail en « trafic de main d’œuvre », pris en ligne de mire le Futuroscope « qui devient un instrument déstructurant... ».
Dans les rangs, on commence à avoir des fourmis dans les pieds : « On va prendre un petit caté ? » suggère un quidam. « Nous n’avons pas dit notre dernier mot » enchaîne l’orateur. Après une demi-heure d’intervention, Jean-Pierre Jallais conclut sur une envolée, lâche le micro et le défilé s’ébranle dans le centre-ville.
Conclusion de cette manifestation de masse ? « C’est la solution, la seule qui nous reste », estime Jean-Louis, 35 ans « Tout nous est fermé, sauf la rue » renchérit Bernard, 29 ans. « Faudrait que tout le monde s’y mette », enchaîne Myriam, 21 ans. Tout le monde... De quoi faire rêver ce vieux cheminot aux cheveux blancs qui a défilé pour la première fois en 1958 « après le régiment » et qui, depuis, a été de toutes les manifestations.
Michel Lévêque
Notre-Dame... de la liberté
La journée de la CGT ne risquait pas de passer inaperçue. Au lever du jour, les Poitevins ont eu la surprise de découvrir la Vierge des Dunes qui domine la ville encapuchonnée par une banderole, Et sur cette banderole, on pouvait lire le mot « Liberté ».
En dehors de la SNCF la grève n’a pas troublé la vie des Poitevins
Cette manifestation de la CGT, aux dires des observateurs, a été, et de loin, la plus importante depuis de nombreuses années par la participation extérieure venue tout spécialement de Charente-Maritime. Par contre, il n'y a eu de perturbations que dans le domaine SNCF où deux rapides sur trois ont circulé et un omnibus sur deux.
Du point de vue de l’EDF, on n’enregistra aucune coupure de courant et cette absence de délestage n’a donc causé aucun trouble dans la vie domestique et professionnelle.
Dans les enseignements primaire et secondaire, on ne signala aucune grève chez les maitres et professeurs. Par contre, certains non-enseignants ont observé les mots d’ordre de la CGT.
En résumé, cette manifestation où la CGT s’est largement exprimée n’a pas eu de répercussion fâcheuse sur la vie locale sauf, bien sûr, pour ceux qui avaient un besoin impérieux de se déplacer par le train.
Photo : J-P Jallais s’adresse aux 3.000 manifestants regroupés place de la Préfecture à Poitiers.
le 29/05/2024 à 18:09
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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