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1354118/11/1987POITIERS

UN MILITANT CGT DEVANT LES JUGES

Poursuivi pour avoir effectué des inscriptions sur la RN 10 pour la fête de son syndicat, il devra attendre son jugement jusqu’au 15 décembre

« Venu pour un stop grillé, me voilà pris dans un bel embouteillage ! », glisse un prévenu en voyant entrer, hier après-midi, dans la salle d’audience du tribunal de police, quelque deux cents militants de la CGT. Avec l’affaire Michel Diot, permanent départemental, poursuivi pour avoir effectué des inscriptions sur la voie publique, cette discrète juridiction qui règle habituellement le sort des petits contrevenants au Code de la route a connu un succès d’affluence inaccoutumé. Qui a fait monter la température sans que la sérénité des débats s’en soit trouvée à aucun moment perturbée.

Partis des marches du Palais voisin derrière une banderole, les syndicalistes s’étaient présentés massivement devant le tribunal de la rue du Moulin-à-Vent où les entrées étaient filtrées par la police. Quelques conciliabules avec le secrétaire de l’Union départementale Francis Martin et tout le monde avait pu finalement pénétrer à l’intérieur moyennant l’engagement d’enrouler la banderole. L’audience présidée par le juge Daniau s’était alors ouverte directement sur l’affaire Diot, avec l’interrogatoire d’identité habituel :
- Vous êtes né le... ?
- 30 Juillet 1947, Monsieur le Président.
- Votre domicile ? ...

Et le président enchaine avec l’exposé de l’infraction : « Il vous est reproché d’avoir à Dissay, le 23 mai, effectué des inscriptions sur la voie publique... ».

Quelques « Oh ! », « Ah ! », fusent alors de la salle et l’on apprend que c’est sur l’intervention d’un automobiliste, empruntant la nationale 10 et ayant constaté un ralentissement de la circulation, que les gendarmes de Jaunay-Clan s’étaient déplacés. Explication de Michel Diot : cela fait dix ans que nous organisons la fête de la CGT à Puygrenier de Dissay, dix ans que nous écrivons sur la route pour faciliter l’accès des visiteurs et pour la première fois...

Le président : « Vous saviez que c’était interdit ? »
M. Diot : « Nous en avions l’habitude ».
Le président : « Aux termes de l’article ... du Code pénal, vous encourrez une amende de 1.300 à 2.500 F et une peine d’emprisonnement... ».
La salle : « Ah ! ».

Une amende de 500 F demandée

Indulgent, le ministère public n’ira pas jusque-là. Après avoir souligné que d’autres organisations ont déjà été poursuivies pour des faits analogues (sociétés cyclistes, organisateurs de fêtes champêtres...), il estime que l’infraction est constituée, qu’elle n’est toutefois pas gravissime et qu’en conséquence il requiert une amende de 500 F.

Défenseur du militant cégétiste, Me Gaston souligne que son client fut interpellé par les gendarmes sur les lieux mêmes de la fête, qu’on lui demanda ses papiers et que ce n’est pas lui en réalité qui avait effectué les inscriptions. Il oppose ensuite la loi et les usages et demande la relaxe estimant qu’on aurait causé bien moins de trouble en classant l’affaire dès le début.

Là dessus, le président met le jugement en délibéré jusqu'au 15 décembre. Michel Diot, en gagnant la sortie, entouré de ses camarades, observe que le ministère public s’est placé un peu en retrait du Code pénal mais estime que 500 F c'est encore trop. Question de principe. Ce que le secrétaire fédéral traduit en demandant la relaxe sous les applaudissements de ses camarades. « Le 15, promet-il, nous serons de nouveau présents ! ».

Sur les marches du palais... Michel Diot et ses camarades

Sur les marches du palais, Michel Diot et tous les autres... camarades venus le soutenir en masse. Une animation inhabituelle qui surprend les lycéens et les... avocats. Cette manifestation a rassemblé les syndicalistes CGT d’entreprises du département, de la FEN et des militants du Parti communiste.

Avant la présentation de Michel Diot devant le tribunal de police, le secrétaire général de l’UD CGT, Francis Martin, a fait une longue mise au point. « Nous ne sommes ni des voleurs, ni des délinquants, ni des criminels ; nous sommes tout simplement des militants CGT qui menons la lutte pour des légitimes revendications salariales », s'est-il exclamé. En conséquence, ils réclament « le droit d’intervenir et de dire leur mot au travail, d’être respectés, de vivre dignement ».

« Si Michel Diot est traduit devant le tribunal, ce n’est pas pour quelques signes inscrits sur la route, alors que journellement le siège de la CGT est barbouillé sans que l’on retrouve les auteurs. C'est, explique F. Martin, dans le but de nous intimider, de remettre en cause notre activité, nous pomper financièrement...

« A travers Michel Diot, le patronat et le Gouvernement s’en prennent à vos droits et libertés. Ils veulent casser vos statuts, faire disparaître vos garanties sociales, s’en prendre à vos salaires et à votre avenir », s’insurgeait le secrétaire général.

Appelant les travailleurs à défendre pied à pied leurs libertés, il leur recommandait de rester vigilants « suite aux décisions du tribunal, à être prêts à toute riposte que la situation rendrait nécessaire. La CGT demande en effet la relaxe pure et simple ».

Regonflées par ces paroles, les troupes partaient en cortège derrière une banderole « CGT liberté », pour rejoindre le tribunal de la rue du Moulin-à-Vent.

Photo : Les militants CGT venus soutenir leur camarade Michel Diot (au premier plan) se sont rassemblés devant le palais de justice avant de gagner la salle d’audience de la rue du Moulin-à-vent

 

 

le 04/06/2024 à 10:07

Source : La Nouvelle République du Centre Ouest

liberté, droit, justice, manifestation, procès

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