0134823/07/1924POITIERS
Nous avons publié hier l’arrêté préfectoral décidant que dorénavant on ne pourra plus se faire raser le dimanche.
Cette décision dont le Conseil municipal et la Chambre de Commerce nous avaient laissé prévoir l’ajournement sine die a causé un assez vif mécontentement, si elle a donné satisfaction à quelques coiffeurs.
Ceux-ci – ils sont peu nombreux – justifient ainsi cette mesure :
- Pourquoi les coiffeurs ne seraient-il pas comme le commun des mortels ?
Or le commun des mortels a toute sa journée du dimanche. Nous voulons tout notre dimanche. Les clients seront mécontents, pensez-vous ? Mais non les clients nous les connaissons bien ; il suffit de leur donner de bonnes habitudes.
- Mais ne pouviez-vous vous contenter de fermer seuls le dimanche ?
- Et les autres auraient bénéficié de notre clientèle ? C’eût été une concurrence déloyale. Une mesure générale s’impose.
Mais les clients ne sont pas satisfaits.
Ah ! Certes, ceux du plateau peuvent s’accommoder de la situation.
Mais les ouvriers des faubourgs.
Voilà de braves gens qui rentrent tard chez eux le soir ; ils sont fatigués ; ils n’ont guère le temps ni le courage d’aller se faire raser le samedi soir, d’autant que ce jour-là il faut attendre longtemps son tour.
Ils vont donc chez leurs coiffeurs le dimanche matin, puisque ce jour-là ils font un brin de toilette pour sortir avec leur famille. Désormais cela leur sera défendu ! Allons donc ! Ils protestent et ferme.
Et les coiffeurs de leurs quartiers font chorus avec eux :
C’est nous priver d’une partie de notre gagne-pain, nous disait l’un deux hier soir, et le brave homme en était tout ému.
Il expliqua :
- Nous avons quatre bons jours par semaine : le mercredi soir, le jeudi (pour les enfants), le samedi soir, et surtout le dimanche matin. Le dimanche matin nous travaillons presque autant que les autres jours et c’est précisément cette recette dont on nous prive. C’est une grave atteinte à la liberté du travail et du commerce ; on aurait pu tenir compte de nos besoins. Qu’aviendra t-il ? Fatalement que beaucoup de nos clients vont prendre l’habitude de se raser eux même, pour avoir la certitude d’être rasés de frais le dimanche. Et ce sera autant de perdu pour nous.
Et les ouvriers coiffeurs d’ajouter dans leur grande majorité :
- Si on avait organisé un référendum parmi nous le travail du dimanche aurait été maintenu. Avec l’ancien régime, nous avions notre repos du dimanche midi au mardi matin. Désormais nous n’aurons plus que le dimanche. D’autre part, toute diminution de recette pour le patron a pour conséquence inéluctable une diminution de notre salaire dont le pourboire constitue la partie la plus importante.
Voilà les opinions qu’il nous a paru intéressant de reproduire.
le 27/05/2020 à 14:34
Source : L'Avenir de la Vienne
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