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1364702/03/1988POITIERS

TÉLÉMÉCANIQUE : LE PERSONNEL SE REBIFFE

Grève générale hier avec barrage de la RN 10. Une nouvelle manif aujourd’hui dans les rues de Poitiers

Nouvel accès de fièvre hier après-midi chez les 436 employés de l’usine Télémécanique de Chasseneuil : une déclaration gouvernementale défavorable à Framatome dans la formidable partie engagée avec Schneider pour le contrôle de la firme française spécialisée dans les automatismes industriels, a provoqué en fin de matinée un mot d’ordre de grève générale chez les 8.000 employés du groupe. C’est ainsi que peu après, banderoles en tête, la quasi totalité du personnel de Chasseneuil se retrouvait sur la Nationale 10. Avec quelque gêne pour les usagers qui étaient gentiment filtrés sous l’œil des gendarmes.

Sous les yeux d’un public de plus en plus médusé, qui découvre un monde étrange peuplé de raiders et de chevaliers blancs se poursuit le corps à corps des David et Goliath modernes, D’un côté le méchant qui lance une OPA jugée inamicale et que l’on présente sous les traits d’un Dracula ; de l’autre le bon qui vole au secours de la firme menacée dans son indépendance. Ce combat se double d’un échange médiatique fort plaisant où Télémécanique se montre sous les dehors avantageux d’un groupe tourné vers l’usine du futur.

« C’est comme ça, écrit-elle, que nous sommes devenus un joyau de l’industrie française... Intéressé aux bénéfices depuis 1984, tout le personnel est profondément impliqué dans la vie de l’entreprise. Quel que soit son niveau. L’homme est respecté chez nous. C’est comme ça. Et nous sommes solidaires... ».

Pour rester dans le ton, le groupe Framatome (dans lequel entre l’État par le biais du Commissariat à l’énergie atomique) se présente sous le signe de l’intelligence et formule l’ambition de « rendre le futur de plus en plus humain ».

Taratata ! réplique en substance Schneider, qui a voulu exercer ses crocs en premier sur Télémécanique : « Un chevalier blanc peut être animé de noires intentions... Si le chevalier blanc aime tellement Télémécanique, pourquoi se déclare-t-il si tard ? ». Et sur ces propos romantiques, le PDG Pineau-Valencienne décoche en direction de Télémécanique une nouvelle OPA à 5.500 F l’action qui appelle une réplique de Framatome. Mais le gouvernement semble vouloir mettre son holà.

Sous le feu croisé des offres qui illustre une pratique pour le moins sauvage de la Bourse, les employés de Télémécanique s’aperçoivent que leur belle indépendance a vécu.

Mais quitte à se faire manger, ils préfèrent que ce soit par un ami qui préservera leur personnalité et les protégera des tentations d’un manager trop vorace.

« On aurait souhaité rester Télémecanique avec le personnel comme principal actionnaire, confie Gérard Abonneau, porte parole de l’intersyndicale de Chasseneuil. Mais il faut choisir et le climat social de Framatome est celui qui se rapproche le plus du nôtre ». Et le représentant de souligner les risques encourus avec Schneider en précisant que le groupe vient de décider 300 licenciements au sein de sa filiale grenobloise Merlin-Gérin.

La grève suivie hier après-midi à 100 % se prolongera cet après-midi par une nouvelle manifestation dans les rues de Poitiers. Elle partira de la place du Marché aux environs de 14 heures.

Michel Lévêque

« J’aime Télémécanique »

Casquette rouge et blanche de FO sur cheveux blonds, la main droite empoignant solidement le support d’une banderole, Denise, opératrice-bobineuse, campe à la Géricault sur le macadam de la Nationale 10.

Originaire de Dordogne, elle a quitté voici quinze ans ses truffes et son foie gras pour entrer à Télémécanique et ne le regrette pas.

Elle gagne aujourd’hui 5.250 F nets pour 6 heures par jour et bénéficie des avantages sociaux offerts à l’ensemble du personnel : « Je travaille tantôt le matin, tantôt l’après-midi ce qui me laisse du temps libre pour mes enfants. Sans compter la semaine de 30 heures “en bouteille” (heures non payées) que l’on peut ajouter aux repos ».

La majorité des salariés sont actionnaires et bénéficient, selon Denise, d’un maximum d’informations. « Autrefois, on était dans l’ignorance mais aujourd’hui ça répond et on en parle... ».

Un paradis des travailleurs, Télémécanique ? « Oui, un paradis, les gens sont écoutés, aidés, ils aiment leur entreprise. C’est mes tripes qui parlent, souligne Denise. Vous pouvez l’écrire : les tripes d’une opératrice... ».

M L

Photo : Denise, opératrice-bobineuse : « On veut conserver notre boutique »

 

 

le 17/06/2024 à 17:13

Source : La Nouvelle République du Centre Ouest

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