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1364803/03/1988POITIERS

LES « TÉLÉMÉCANICIENS » AU COUDE À COUDE

« Les hommes ne se vendent pas comme des machines et des murs », ont-ils proclamé hier dans les rues de Poitiers

« Si on tombait par terre
C’s'rait la faute à Schneider
le nez dans le ruisseau
C’s’rait la faute à Pineau... ».

Le défilé des « Télémécaniciens » dans les rues de Poitiers a revêtu hier après-midi un caractère bon enfant et les manifestants ont puisé largement dans le répertoire hugolien (sur l’air de la chanson de Gavroche) pour exprimer leur crainte. Celle d’une reprise par un capitaine d’industrie qui ne leur inspire pas confiance. Et qu’ils tentent de bouter hors des murs en appelant Framatome à la rescousse.

Au-delà de la partie de bras de fer engagée entre les deux géants, c’est le procès de l’argent qui est engagé par les salariés et qu’ils font savoir urbi et orbi : « Les hommes ne se vendent pas comme des machines et des murs ».

La première étape des manifestants a été pour le Palais de justice. Belle occasion pour attirer l’attention de tous les médias - photographes et cameramen - qui montent la garde depuis trois semaines dans le cadre des assises. C’est ainsi qu’on a pu assister au spectacle rare des « Télémécaniciens » mêlés, le temps d’un cliché, sur les marches du palais aux curieux qui faisaient la queue comme chaque jour devant les guichets..., pardon : devant l’entrée du temple de Themis.

A noter que les manifestants avaient reçu dès le départ, place du Marché, le renfort du maire de Chasseneuil, M, Giret, des salariés des agences commerciales Télémécanique de Tours, Orléans, Rennes et Nantes, voire même de représentants d’entreprises sous-traitantes. Tous les membres de la « grande famille », même éloignés, serrant les coudes pour que Télémécanique puisse choisir librement son destin, en gardant son identité.

« Chez nous, souligne un salarié, le P-DG est un « Télémécanicien » comme nous, issu de la base. Il a commencé par gratter... ».

« Pineau, salaud ! » scandent les manifestants en s’enfonçant dans la rue piétonne.

La deuxième étape a été pour l’Hôtel de ville où le défilé a fait une arrivée au son du clairon : « Pour Monsieur le maire : hip, hip, hip, hourrah ! », lance « la » chef de chorale tandis qu’une délégation gravit les marches intérieures en direction du cabinet de M. Santrot. Les chanteurs meublent l’attente au mieux : « Si on tombait par terre... ». Plus fort ! « C’s’rait la faute à Schneider... ». L’écho s’engouffre dans l’Hôtel de ville sur les pas des collègues, relayé de temps à autre par le clairon.

Réapparait enfin la délégation conduite par le porte-parole de l’intersyndicale Gérard Abonneau : « Le maire nous a bien reçus, c’est déjà pas mal, et il fait ce qu’il peut... ».

Et l’on repart en direction de la préfecture en faisant un crochet devant la Sécurité Générale, alliée de Schneider et donc jugée, elle aussi « inamicale ».

Les « Ouh ! Ouh ! » fusent, ponctués par une sentence : « A bas la Générale ! ».

Le clairon clôt la cérémonie par une « Sonnerie aux morts ». Et l’on poursuit par la rue Victor-Hugo. Bobineuses, régleurs thermo-plastique et cadres côte à côte. Tendus par une même volonté de préserver leur identité. Édifiant

Michel Lévêque

Patron gréviste

Trouvez donc, vous, un patron qui, au soir d’une grève ponctuée par une manif vous dira quand vous rentrez sur les rotules : « Je suis content de vous ! ». Ce patron, il existe : c’est Guy Dutoyer, directeur de l’usine Télémécanique de Chasseneuil-de-Poitou.

Il a même poussé hier l’esprit de corps jusqu’a défiler, dans les rues de Poitiers, aux côtés de ses employés. Anonyme entre les opératrices bobineuses et les régleurs thermo-plastique.

« Je suis en effet un numéro matricule, employé comme tout le monde et j’œuvre pour une alliance avec Framatome qui, seule, peut nous assurer une politique du futur ».

Guy Dutoyer souligne au passage que depuis sa création, en 1922, par trois ingénieurs parisiens, Télémécanique n’avait encore jamais connu de grève : « Aujourd’hui, nous voulons conserver l’entreprise telle qu’elle a vécu et continuer à développer nos produits d’avenir ».

- Télémécanique ne donne-t-elle pas d’elle, actuellement, un portrait idyllique ?

- Depuis longtemps, nous faisons participer le personnel aux résultats, chaque mois, par des primes. Et par le dialogue aussi. Nous dialoguons et nous communiquons beaucoup, en faisant connaître régulièrement les résultats, les évolutions de l’entreprise... ».

- En somme, la loi Auroux avant la lettre ?

- Les résultats ne peuvent être atteints que par le dynamisme des hommes. Pour être dynamique, il faut savoir où on va et comment on y va.

Photos : Les « Télémécaniciens » au coude à coude devant le palais de justice de Poitiers où se poursuit la session des assises. Guy Dutoye, Directeur de l’entreprise

 

 

le 17/06/2024 à 17:36

Source : La Nouvelle République du Centre Ouest

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