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0135703/08/1924POITIERS

LES PATRONS COIFFEURS REPONDENT À M. TRUJASSON

Nous avons reçu ce matin la visite de M. Pachet, coiffeur plan Montierneuf, président du Syndicat des Patrons coiffeurs, qui nous a dit les réflexions que lui suggérait la lettre de M. Trujasson reproduite hier par l’Avenir. Voici, en résumé, la déclaration qu’il nous a faite :

- Le véritable désir des ouvriers coiffeurs n’est pas comme le prétend le secrétaire du syndicat ouvrier « devoir appliquer le repos hebdomadaire le dimanche dans les salons de coiffure ». A la vérité, nos ouvriers, que nous avons tous coutume de traiter en camarades, savent pertinemment que leurs intérêts sont solidaires des nôtres. Ils ne voient pas sans une certaine inquiétude adopter une mesure qui, en diminuant nos recettes, viendra du même coup diminuer la masse de leurs pourboires, donc de leurs salaires.

« Ils savent aussi que travailler le dimanche matin ne leur interdit point de sortir l’après-midi avec leur famille. Par contre il est fort agréable d’avoir en plus des autres ouvriers, une journée supplémentaire de loisirs qu’ils peuvent occuper à leur gré, à jardiner ou à se promener.

« Dire que les coiffeurs sont les seuls à travailler le dimanche c’est trop facilement oublier que les garçons de café, les cuisiniers des hôtels et restaurants ne se reposent jamais ce jour là ; c’est oublier aussi que les employés des tramways, certaines catégories de cheminots, les employés des postes, pour ce citer que ceux-ci, prennent rarement leur repos le dimanche.

« Quant à prétendre que nous avons forcé la main à nos ouvriers – qui sont 37 au moins à Poitiers – pour leur faire singer une pétition favorable à de nouvelles dérogations, c’est simplement se moquer du monde. L’initiative de la pétition ne vient pas du côté patron et je puis bien l’affirmer – sans craindre le moindre démenti – qu’aucun de mes collègues n’a fait la plus légère pression sur ses ouvriers. Nous les avons laisser libres de se prononcer ; nos ouvriers ont d’ailleurs une réputation d’indépendance qui les honore grandement et qu’un de leurs représentants est bien mal venu à dénier. M. Trujasson dit lui ce qu’il croit être vrai ; ses camarades n’ont pas de leçon de caractère à recevoir de lui.

« Pourquoi cette pétition n’a pas été présentée en assemblée générale le 25 juillet ? Nous l’ignorons et la question doit être posée à ceux qui en ont pris l’initiative. Peut-être, si ce que je crois savoir est exact, peut être pourraient-ils répondre qu’à cette fameuse réunion le liberté de discussion ne fut pas précisément assurée par M. Trujasson, qui présidait, et par des ouvriers d’autres corporations venus là à sa demande se mêler de choses qui ne les regardaient pas.

« Mais tout ceci c’est affaire entre les ouvriers et leur secrétaire.

« M. Trujasson se demande s’il existe une catégorie d’ouvriers qui ne puisse pas venir le samedi chez le coiffeur ? Serait-il donc aussi ignorant des conditions de travail de son métier !

« Si le repos du dimanche est établi, pour arriver aux 60 heures par semaine – durée adoptée par les coiffeurs – il va falloir diminuer le nombre d’heures par jour, puisque la durée du loisir hebdomadaire se trouve réduite de 6 heures. Au lieu de sortir le soir à 8 heures ou 8 h 1/2, les ouvriers quitteront le salon à 7 heures ou 7 h 1/2, c’est précisément l’heure à laquelle les autres travailleurs sortent de leurs ateliers ou de leurs usines ; ils trouveront donc nos portes closes ; si nous, patrons, nous continuons à travailler nous ne pourrons pas satisfaire notre clientèle.

« Sans doute M. Trujasson prétend-il que nous n’y perdrons pas, puisque « les barbes ne donnent aucun bénéfice ». Voilà une plaisanterie d’un goût douteux. Nous avons – c’est évident - notre bénéfice sur les barbes. Mais M. Trujasson – qui a pourtant pour mission de défendre les intérêts de ses camarade – va-t-il donc prétendre qu’il leur est égal de perdre les pourboires correspondant aux barbes manquées ?

« A la vérité tous ces arguments ne sont guère sérieux et émanent d’ailleurs que du seul M. Trujasson. Les ouvriers ne cachent pas, dans leurs conversations avec les clients, qu’ils n’attachent aucune importance à ces fantaisies.

« Car enfin, les clients, il ne faudrait tout de même pas les oublier. Notre métier est de tenir compte de leurs commodités ; il n’est aucun ouvrier, aucun patron, aimant sa profession, qui l’ai jamais contesté. M. Trujasson l’oublie. Pas nous ».

 

 

le 27/05/2020 à 15:25

Source : L'Avenir de la Vienne

commerce, coiffeurs, patrons

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