1413424/11/1989POITIERS
Ils n’avaient pas manifesté depuis 1968 ! Les employés de la préfecture sont sortis de derrière les grilles !
Le problème lorsqu’on est employé de préfecture, c’est de manifester puisqu’on se trouve derrière les grilles ! Seule solution : prendre son manteau, sortir et se réunir, comme tout bon cortège de manifestants poitevins, sur la place de la Préfecture, devant les grilles.
C’est ce qu’ont fait hier, un peu avant 14 heures, une bonne centaine d’employés de cette vénérable maison, s’inscrivant ainsi dans le mouvement national de revendications du moment.
Après avoir accroché une banderole (le vent n’était pas coopératif du tout) « S.O.S préfectures malades », un porte-parole a exposé les griefs des employés de préfecture qui n’avaient pas manifesté depuis 21 ans. C’était en 1968 ! Les carrières culs-de-sac (pas de concours, pas de promotion), les effectifs rachitiques (appel à des personnels temporaires sans qualification), les salaires malingres (80 % des salariés touchent moins de 6.000 F), tout a été déballé, les manifestants s’adressant à leur patron, représentant l’État dans le département. « Nous voulons que l’État que nous servons, expliquait-on, s’engage à nous respecter comme nous le respectons. Il y va de nos droits de citoyens et de la qualité du service public ! ».
Et de distribuer aux automobilistes et passants des fiches de paie significatives quant aux salaires. Avec 10 ans d'ancienneté, net à payer : 4.776,53 F ; avec trois ans d’ancienneté, commis de préfecture E4 : 4.840,72 F, avec 16 ans d'ancienneté, agent de bureau : 4.836,77 F. Tout cela ne fait pas beaucoup, disaient en chœur les manifestants hier, relevant de l'intersyndicale CGT, CFDT et FO, et les non-syndiqués, auxquels s’associaient les employés des sous-préfectures de Montmorillon et Châtellerault, ainsi que du tribunal administratif.
Une prière à genoux sur la place au ministre de tutelle, Pierre Joxe, une minute de silence « pour tous ceux qui sont partis humblement, résignés, pauvrement, n'ont jamais rechigné et n’ont jamais rien eu », auront peut-être contribué hier à secouer le zèle bureaucratique dont l’opinion publique accable parfois les employés de préfecture.
Derrière la manifestation se cache en tous cas un véritable malaise (200 personnes dans le département au total !) de gens qui, dans cette grande maison, ne voient même pas ce que pourrait être leur avenir professionnel. Témoin, l’un d’eux qui part à la retraite dans six mois après 38 années de service et moins de 6.000 F. « Nous sommes les parents pauvres de l'administration », disait aussi une dame.
Les jours à venir ? Ce sera dès aujourd’hui une grève téléphonique « et peut-être davantage, confiait un porte-parole, bien que nous soyons patients et confiants ».
« Nous sommes aussi de bons enfants », entendait-on hier dans le haut-parleur place de la Préfecture où la circulation aura été légèrement perturbée pendant quelques minutes, « et nous allons reprendre nos tâches ».
Derrière les mêmes grilles, « qui sont les nôtres et ce, sans arrière-pensée de grille indiciaire »...
L. BertagnoliO
Photo : Plus d’une centaine de manifestants hier à 14 heures devant la préfecture. D’habitude, ils travaillent derrière !
le 02/09/2024 à 17:02
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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