1424309/03/1990POITIERS
A la fin de 1988, chez Aubin, séquestration oui ou non de deux cadres ? Un délégué CGT sur la sellette à la cour d’appel qui prend le relai de la correctionnelle
Près de quatre heures de débats, un palais de justice quasi bouclé des policiers partout devant, d’autres en réserve à l’abri des regards, une manif sur la place d’Armes... le passage de Patrick Chatet, délégué syndical CGT de l’imprimerie Aubin, devant une nouvelle juridiction a pris hier une dimension nationale.
En juillet dernier, Patrick Chatet comparaissait devant le tribunal de grande instance pour la séquestration pendant plusieurs heures de deux cadres de son entreprise, lors d’un mouvement de grève à la fin de 1988. Il était alors condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis et à payer 5.000 F d’amende ainsi qu’un franc de dommages-intérêts à chacune des parties civiles, les deux cadres en question.
Il fait appel de ce jugement qui venait donc hier devant la cour de Poitiers, présidée par M. Chauveau. On a donc repris à zéro cette affaire de « séquestration » qui, a plusieurs reprises, a fait couler beaucoup d’encre d’imprimerie, de salive et occasionnellement répandu quelque gaz !
Une affaire compliquée qui, au fil des mois, s’est résumée à cela : affaire Chatet contre Aubin ! Tout le monde aura bien compris que le contentieux entre le délégué CGT et le patron de l’imprimerie n’était pas mince, Patrick Chatet étant aussi délégué du personnel, secrétaire du comité d’entreprise et responsable régional de la FILPAC, la puissante Fédération CGT des ouvriers du Livre.
Des cadres et personne derrière ?
Et pourtant, le nom d’Aubin n’apparaît ni côté inculpé, ni côté parties civiles, bien qu’on en parle sans cesse. Ce sont les deux cadres en effet qui ont porté plainte contre Chatet, délégué syndical, mais n’était-ce pas le P-DG Aubin qui était derrière ? Ce sera l’une des interrogations formulées à l’audience d’hier.
Lors des événements de la fin 1988, y a-t-il eu oui ou non séquestration ? Là sera par contre la question principale à laquelle la cour d’appel ne répondra que le 29 mars, puisque l’affaire a été mise en délibéré jusqu’à cette date.
Alors, séquestration ? Pour les uns, les deux cadres ont été catégoriquement empêchés de sortir. Pour les autres, ils ont peut-être été impressionnés tout au plus et n’auraient pas osé passer entre deux haies de grévistes massés dans le couloir de l’entreprise.
L’avocat parisien de la CGT, Me Boyer, s’attachait hier à faire ressortir qu’il n’y a eu aucune violence dans cette affaire, que personne n’empêchait les deux cadres de partir (la soi-disant séquestration n’a duré en gros que quatre heures), que la porte était ouverte... La preuve, l’un d’eux est rentré chez lui et l’autre ne sortira qu’à l’arrivée du directeur du Travail. On s’appuie aussi sur le fait que le préfet prévenu fera intervenir ce même directeur du Travail plutôt que les forces de police « puisque les conditions de la séquestration n’étaient pas réunies et qu’il s’agissait d’un conflit du travail ! ».
Au passage on distillera bien un couplet sur le patron « qui utilise la justice pénale pour traiter des problèmes relevant du droit du travail » et qui aurait mieux fait de négocier lui-même, directement, face aux grévistes plutôt que d’envoyer des cadres qui selon la CGT n’avaient pas le pouvoir de décision.
En face, Me Leloup, de Poitiers, expliquera qu’il s’agit de l’affaire Chatet-Chedouteau, Collaviza (les cadres) et non Chatet - Aubin, comme le voudrait le syndicat. « Mes clients ne sont en rien une émanation, une antenne d’Aubin », clamera l’avocate au milieu des sourires syndicaux entendus ! « Ils ne font pas un procès à un syndicaliste mais à un individu ». Pour l’avocate, il y a évidemment eu séquestration. « Ce sont des gens qui, s’ils avaient pu passer dans le couloir, l’auraient fait ».
Arrêt rendu par la cour d’appel le 29 mars à 14 heures.
Laurent Bertagnolio
Pour la défense des libertés dans l’entreprise
Au-delà du procès en cour d'appel, la journée d’hier se voulait aussi pour la CGT, l’occasion de mettre sur pied une journée « défense des libertés dans les entreprises ».
L’occasion aussi pour la Fédération des ouvriers du Livre CGT, la FILPAC (Fédérations des industries du livre, du papier et de la communication), de montrer sa force.
Hier, devant le palais de justice puis, sur la place d’Armes, des délégations importantes venues de la région parisienne, de Bordeaux, Nantes, Toulouse, Marseille, Limoges, Tours..., sont venues apporter leur soutien à l’un des leurs.
Jusqu’à la conclusion des prises de parole par Bernard Lacombe, prêtre-ouvrier, secrétaire confédéral de la CGT, qui était également cité comme témoin de moralité à l’audience,
Photo : Hier, en début d’après-midi devant le palais de justice, face à face pacifique force de l’ordre – syndicalistes CGT, en soutien à Patrick Chatet
le 10/09/2024 à 16:47
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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