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0142110/06/1925CHATELLERAULT

LA MANUFACTURE D’ARMES ET LE TRAVAIL DANS L’INDUSTRIE PRIVEE

Au cours de la discussion à la Chambre de l’interpellation de MM. Fernand Faure et Ernest Lafont sur le nouveau bordereau de salaires des établissements de la guerre, M. Tranchand, député, est intervenu en ces termes :

M. Tranchand. - Je remercie M. Lafont de vouloir bien me permettre de l’interrompre ; d’ailleurs mon interruption est de nature à fortifier sa thèse.

En effet, j’ai l’honneur de représenter un département où il y a une manufacture de l’État, celle de Châtellerault. Lorsque, après la guerre, nous nous sommes préoccupés de savoir ce que l’on pourrait faire dans ces magnifiques établissements où il existe des machines-outils superbes, des fours, des pilons, où il y a un personnel d’élite, nous nous sommes demandés s’il ne serait pas possible, étant donné que nous n’avions plus à fabriquer du matériel de guerre, d’y fabriquer du matériel de paix.

A ce moment, après en avoir entretenu la Commission de l’armée, j’ai eu la bonne fortune de rencontrer un industriel qui, pour la première fois en France, a voulu fabriquer et y a réussi grâce à la technique de certains ingénieurs, des instruments pour nos régions libérées en particulier des renvideurs pour les laines peignées et des métiers à filer le lin, machines qu’avant la guerre nous achetions à l’étranger.

Nous nous sommes entretenus avec la manufacture de Châtellerault et nous avons demandé à ses directeurs s’il était possible d’y fabriquer ces outils. Ils nous ont répondu qu’il leur était parfaitement possible d’y fabriquer aussi bien des métiers à filer le lin, des renvideurs pour les laines peignées que des machines à coudre, des machines agricoles et de nombreuses machines pour lesquelles nous étions tributaires de l’étranger.

L’industriel dont je vous parle s’est efforcé d’obtenir la fabrication de ces machines par la manufacture de Châtellerault, et je puis dire qu’étant données les indications fournies dans le rapport Richemond, auquel M. Rognon a fait allusion tout à l’heure, le gouvernement d’alors, en 1919, a inscrit au budget un crédit de 15(.) millions pour permettre aux établissements de l’artillerie de fabriquer des produits manufacturés.

En 1920, on a commencé à réduire ce crédit à 85 millions ; en 1921 à 35 millions ; en 1922 à 8 millions ; en 1923 zéro.

C’est que sous la pression de parlementaires interprètes de certaines activités on était arrivé à convaincre le gouvernement que les arsenaux faisaient une concurrence déloyale à l’industrie privée alors qu’à Châtellerault on fabriquait ce qu’aucune industrie en France ne fabriquait encore, alors que pour la première fois on construisait des machines qui n’étaient fabriquées qu’à l’étranger. C’est ainsi que par des mesures tracassières, on a réussi à entraver, puis arrêter complètement une fabrication qui donnait d’excellents résultats.

Voici en effet ce que m’écrivait le 1er décembre 1922 l’industriel qui avait bien voulu confier à la manufacture de Châtellerault des commandes importantes.

« Mon cher député, vous m’avez entretenu déjà, un certain nombre de fois depuis trois mois, de la possibilité de donner de nouvelles commandes à la manufacture de Châtellerault, si le ministre était d’accord pour continuer dans cette manufacture, la fabrication pour l’industrie privée.

« Je vous ai dit que les relations avec cet établissement étaient très difficiles étant donnée la rigidité de la méthode employée à notre égard et surtout le manque de compréhension de ce que doivent être les relations en matière industrielle.

Ainsi d’une part le gouvernement n’inscrit plus un centime au budget ; d’autre part l’inspection permanente des fabrications de l’artillerie sème sous les pas des industriels nombre de difficultés.

Ces deux raisons principales sont suffisantes pour empêcher nos établissements de travailler pour l’industrie privée.

J’estime que c’est une erreur. Nos établissements de l’État sont en train de végéter et nous nous demandons avec anxiété si, à l’activité incomparable que nous y avons constaté pendant la guerre ne va pas succéder un silence de mort. (…)

 

 

le 29/05/2020 à 18:05

Source : L'Avenir de la Vienne

Manufacture, histoire, privatisation

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