1433526/07/1990VIVONNE
Depuis hier, il n’y a plus de passage à niveau gardé dans la Vienne. Le 233 à Vivonne est fermé
17 heures mercredi soir, les barrières du passage a niveau n° 233, situé sur la commune de Vivonne à Danlot, viennent tout juste de se lever pour la dernière fois. Le chef du district de la SNCF s’est déplacé pour mettre des cadenas, condamnant à jamais les derniers postes de garde-barrière du département.
Le progrès a fait son chemin, inexorable et l’arrivée du TGV sur la ligne Paris-Bordeaux a sans doute précipité les choses. Ce symbole de la haute technologie française ne pouvait raisonnablement pas co-exister avec un passage à niveau manuel ! Dès aujourd'hui, les voitures et piétons franchiront les voies ferrées et le Clain sur un pont nouvellement construit, à une vingtaine de mètres de l’ancien passage.
Garde-barrière depuis sept ans et demi à Danlot. Suzanne Leroux a reçu sa lettre de licenciement comme ses deux collègues avec lesquels elle faisait « les trois huit ».
Âgée de 62 ans, elle bénéficie de la pré-retraite. Elle assiste à sa deuxième et dernière fermeture de passage à niveau gardé. Le précédent se trouvait près d’Iteuil.
Ce mercredi, entre 12 h 30 et 13 h, elle a bien fait d’ouvrir et refermer à la manivelle une dizaine de fois ses barrières. A Danlot, le passage à niveau était en effet à « régime fermé ». « On n’ouvre qu’à la demande » explique Suzanne Leroux. « Mais, c’est pénible tout le temps faire attention aux piétons, tout ça, c’est une sacrée responsabilité », poursuit-elle.
« Les gens pressés sont les plus embêtants. Le passage à niveau ne permet qu’à une voiture à la fois de traverser. Il arrive que les voitures s’engagent en même temps des deux côtés et soient obligées de s’arrêter au milieu de la voie. Ça, c’est dangereux ».
Ayant changé ses pantoufles pour des chaussures « plus présentables », Suzanne Leroux se souvient de 1947, année pendant laquelle elle a fait des remplacements. A l’époque, on poussait les barrières des deux côtés, la manivelle n’est venu qu’après. On n’avait pas de voyants, qu’une grosse sonnette et puis c’était pas la même chose, il passait beaucoup moins de trafics ».
Préférant faire des ménages, elle n’a repris ce travail que bien plus tard, lorsque son mari a eu un accident de voiture.
Dix ans de métier en tout, sans connaître vraiment de situation critique. Elle se rappelle néanmoins très bien des consignes de sécurité. « S’il y a un ennui, un camion qui se renverse par exemple, je dois fermer les signaux et mettre des torches qui s’enflamment » dit-elle en sortant une de son tiroir qui ressemble à un bâton de dynamite. Cette manipulation, heureusement, elle n’a jamais dû l’effectuer.
D’ailleurs, pour les rapides qui arrivent quarante secondes après avoir été prévenue « je n’aurais jamais eu le temps », confie la garde-barrière de Danlot.
Suzanne Leroux parle de son métier sans trémolos dans la voix. « J’ai 62 ans, je ne peux pas être vexée de partir. Je ne regrette pas vraiment ».
Michel Bonet.
Photo : « À mon âge , je ne regrette pas vraiment »
le 22/09/2024 à 10:03
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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