1471128/11/1991POITIERS
Et pourtant il tourne : 400 étudiants, 45 salariés. Mais avec des dizaines de procès, des années de conflit, l'Institut régional du travail est-il pourri de l'intérieur ?
Nouvel épisode aujourd’hui - on ne les compte plus - dans le conflit qui agite l’IRTS, l’institut régional du travail social, installé boulevard du Pont-Achard à Poitiers.
Depuis plusieurs années, la situation interne de cette structure qui forme des travailleurs sociaux est littéralement pourrie ! Le mot n’est pas trop fort et on en vient à se demander comment les éducateurs de l’institut ont bien pu travailler ces dernières années, vu l’ambiance.
La guerre ouverte entre les syndicats – CFDT d’un côté, FO, CGT et CGC de l’autre – a occasionné des dizaines d’actions en justice devant toutes les juridictions et aujourd'hui même, c’est le directeur de l’IRTS, lui-même, Christian Martin, qui doit répondre en correctionnelle d’entrave à l’exercice du droit syndical, discrimination syndicale et entrave au fonctionnement d’un comité d’entreprise. Il y a quelques mois, c’est lui qui attaquait pour diffamation les trois syndicats groupés à cause d’un tract. La justice l’avait alors débouté.
D’un côté donc, trois syndicats pas forcément faits pour s’entendre dans la vie, CGT, CGC et FO. En face un autre, la CFDT. Pour les premiers, l’affaire est claire : la CFDT a fait de l’IRTS l’un de ses bastions, l’enjeu étant purement et simplement un prosélytisme des futurs travailleurs sociaux.
Il est vrai que la CFDT en matière de social a un solide passé derrière elle. Un milieu où elle a fait ses preuves et sur lequel elle a eu le mérite de se pencher de très bonne heure. Mais là, ses adversaires lui reprocheraient presque de détenir le monopole du bien-penser en matière de travail social !
Un syndicat très présent
A l’origine, il faudrait remonter à… 1980, année où le directeur est « démissionné » et remplacé par son adjoint. Déjà, côté FO on souligne que c’est l’aboutissement d’une campagne CFDT puisque le nouveau directeur – l’actuel Christian Martin – était… le délégué CFDT de la maison !
En 1985, les statuts du conseil d’administration changent et au lieu de la règle de la libre adhésion, on préfère la cooptation. Là encore, du côté des trois syndicats, on fait ressortir que la désignation par vote des représentants du personnel est remplacée par l’entrée de six élus au comité d’entreprise sur liste CFDT.
On en arrive rapidement à la majorité CFDT face à la désaffection d’un certain nombre de membres de droit et ce, malgré les demandes incessantes des autres syndicats.
Du même coup, on fait ressortir que huit personnes embauchées en 1980 et 1989 (il y a actuellement 45 salariés) se retrouvent toutes élues sur la liste CFDT. D’où la question que se posent certains : faut-il avoir sa carte à la CFDT, au Parti socialiste pour entrer à l’IRTS ? Question qu’on peut d’ailleurs retourner à bien d’autres partis et syndicats dans d’autres domaines !
Au déclenchement véritable de la crise, en 1987, on butte sur une restructuration de l’établissement souhaitée par certains et refusée par d’autres. Suivront des licenciements qu’à FO-CGC-CGT on explique par une purge souhaitée, bien entendu, par la
CFDT, le directeur proposant même au conseil d’administration le licenciement de son adjoint.
Des irrégularités
L’affaire remontera jusqu’au ministre du Travail d’alors qui refusera les licenciements (Il y a des salariés dits protégés) et les accordera ensuite. Le préfet refusera que l’indemnité de licenciement du directeur adjoint (car on a argué de licenciements économiques) soit à la charge de la collectivité et renverra l’IRTS dans son budget. Résultat, pendant des mois, le poste ne sera pas pourvu pour pouvoir éponger financièrement.
Entre temps, avec Philippe Seguin, ministre de la cohabitation, arrive une vague de contrôles. Il en sortira – pas vraiment en public - un rapport de la direction régionale des Affaires sociale de 58 pages évoquant des irrégularités dans le fonctionnement financier et la gestion du personnel. Curieux, alors que la DRASS siège au conseil d’administration !
Mieux encore s’insurgent certains, « pour le licenciement du directeur adjoint, on a fait voter les 250 étudiants. Depuis, par décision du préfet, ils n’ont plus voix délibérative et le nombre des représentants CFDT au CA a été ramené de six à cinq ».
Le malaise du semi-public
Bref, jusqu’à aujourd'hui, le pourrissement s’opère alors même que plusieurs affaires sont encore pendantes devant diverses juridictions. Le président du CA, M. Desbrosse, directeur d’un institut médico-éducatif de Charente, aurait mis deux fois son poste en balance afin d’ouvrir la porte au pluralisme syndical mais rien n’y a encore fait. Une modification des statuts serait sans doute souhaitable encore que les « mais » soient toujours trop nombreux.
On parle de dépressions, d’une tentative de suicide, de deux personnes en invalidité à cause de tous ces évènements néfastes dans une maison qui fait de la formation… d’assistants sociaux !
A la CFDT, France Joubert, secrétaire régional, souligne : « On n’a jamais été contre l’application de la loi et on a dénoncé des débordements par ailleurs mais un certain nombre de syndicats ont refusé de regarder la situation en face. L’institut n’a jamais aussi bien marché que depuis que la CFDT a proposé certaines mesures. Les résultats de 1990-1991 sont tout à fait bons. Le directeur a été CFDT. C’est vrai mais il a agi en tant que directeur général et là, nous ne sommes pas concernés de la même manière ».
Christian Martin enfin, affirme qu’« il y a une grosse différence entre l’ambiance interne et les coups qu'on nous porte à l’extérieur. Les résultats de l’institut sont là pour le prouver : l’activité s’est largement développée depuis quatre ans et la confiance des professionnels et des pouvoirs publics ne s’est jamais démentie ».
Ce sont toutefois bel et bien deux types de syndicalisme qui se sont affrontés, la CFDT n’admettant peut-être pas qu’on vienne marcher sur ses brisées du social et FO voulant peut-être mettre la main sur ce secteur.
Le conflit de l’IRTS fait également ressortir toutes les lacunes de ce fameux secteur semi-public, souvent mis en cause dans ses fondements : une école privée relevant d’une association mais investie d’une mission de service public et subventionnée par l’État !
Laurent Bertagnolio
le 29/10/2024 à 22:22
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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