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0147820/08/1926POITIERS

LE PRIX DU PAIN - COMMISSION DU RAVITAILLEMENT

A la suite de la dernière décision de la Commission départementale consultative fixant à 296 francs les 100 kilos nets de de farine légale, rendue à la boulangerie, des négociations ont eu lieu entre la municipalité et les boulangers au sujet de la fixation du prix du pain.

Ces négociations n’ont pas abouti à un accord, les boulangers affirmant qu’étant donné les prix d’achat de la farine, pratiqués dans la Vienne, ils ne pouvaient vendre le kilo de pain 2 fr. 50 comme à Paris (à partir d’aujourd’hui 19 août).

L’arrêté municipal fixant le prix de vente maximum est attendu incessamment.

Les boulangers déclarent qu’ils préfèreront mettre leurs fournils et leur personnel à la disposition de la municipalité pour que celle-ci assure elle-même la fabrication du pain nécessaire à la population, se ce pain doit être vendu au même prix qu’à Paris.

.../…

C’est donc à l’autorité préfectorale qu’il appartiendra, en dernier ressort, de fixer le cours du pain à Poitiers.

Il restera ensuite à rechercher par quel manque prodigieux d’organisation nous en sommes arrivés dans la Vienne, département producteur de blé, à un cours des farines plus élevés que dans la Seine.

Le blé ne pousse pourtant pas dans les rues de Paris.

La commission de ravitaillement s’est réunie hier soir à l’Hôtel de ville pour examiner la question du pain.

La municipalité a communiqué aux membres de la Commission les renseignements recueillis sur différents points du département et desquels il résulte que le prix du pain va être fixé à 2 fr. 50 dans plusieurs communes, notamment Châtellerault, Montmorillon, Vivonne, Lusignan, La Trimouille, etc.

Au cours de la réunion les délégués du syndicat des patrons boulangers et M. Gérard Hambis, propriétaire de la Panification Poitevine, sont arrivés à l’Hôtel de ville.

Le représentant de la municipalité leur a déclaré - comme nous l’avions déjà fait remarquer – que dans un pays producteur de blé comme le Poitou, le pain ne pouvait pas être vendu plus cher qu’à Paris.

Ce représentant a déclaré qu’elle était bien décidée à prendre un arrêté fixant à 2fr. 50 le prix du pain à partir de samedi.

Les boulangers ont répondu que le cours actuel de la farine - supérieur au prix fixé par la Commission consultative - ne leur permettait pas de répondre à l’appel de la municipalité mais qu’ils étaient prêts à mettre à sa disposition leur matériel, leur personnel et leurs approvisionnements. Ils ont déclaré en terminant qu’ils n’accepteraient que provisoirement le prix de 2fr. 60 et qu’ils poursuivraient en annulation de l’arrête du maire.

En quittant l’Hôtel de ville les délégués des boulangers se sont rendus à la Préfecture où ils ont été aussitôt reçus par M. le Préfet.

Les boulangers ont soutenu la même thèse que devant le délégué du maire et ont formellement refusé d’accepter le prix de 2 fr. 50.

M. Raffrey leur a demandé alors, dans un but de conciliation, d’accepter le prix de 2 fr. 55.

Son appel n’a malheureusement pas été entendu et les boulangers ont répété en quittant le cabinet du Préfet, qu’ils mettraient samedi soir leurs fournils à la disposition de la municipalité de Poitiers.

Ajoutons en terminant que la Municipalité doit avoir, cet après-midi, un entretien avec M. le sous-intendant militaire Berthet.

L’arrêté municipal

A la dernière heure nous recevons communication de l’arrêté municipal ainsi conçu :
Article 1er – A dater du 20 août le pain ne pourra être vendu, sur le territoire de la commune, à un prix supérieur à 2.50 le kilog.
Article2 – Les boulangers ne pourront, sous aucun prétexte, livrer du pain sans l’avoir pesé.

Les acheteurs auront toujours le droit d’exiger que les insuffisances de poids soient complétées par l’addition de morceaux supplémentaires.

Un avis au public

Cet arrêté est accompagné de l’avis suivant :

L’administration municipale, appelée à fixer le prix du pain, a considéré qu’elle ne pouvait adopter un prix supérieur à celui de la ville de Paris, qui est d’ailleurs en application dans tout le département de la Haute-Vienne, pays importateur de blé.

Menacée de voir les boulangers arrêter leur fabrication à partir de lundi, la Municipalité a pris des dispositions pour que le ravitaillement en pain de la population soit pleinement assuré. Elle espère d’ailleurs que les mesures envisagées n’auront pas à entrer en vigueur et qu’un accord pourra intervenir avec le syndicat des boulangers.

Une lettre au Syndicat de la boulangerie

Voici enfin le texte de la lettre adressée par le Maire au Syndicat de la boulangerie :

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint copie de l’arrêté fixant le prix du kilo de pain à 2fr. 50 à partir de vendredi 20 août.

Dans l’entretien que nous avons eu hier, vous m’avez fait connaître, au nom du Syndicat des boulangers, que vos collègues et vous, dans l’hypothèse de la taxe à 2 fr. 50, vous aviez décidé de n’appliquer ce nouveau prix que vendredi et samedi et vous m’avez informé que vous arrêteriez dès lundi votre fabrication et mettriez vos fours, vos pétrins et vos approvisionnements à la disposition de l’autorité municipale, assurée d’autre part, du concours de votre personnel.

Je veux espérer que cette décision n’est pas définitive. (…)

Je vous demande de seconder ses efforts pour éviter à la population la situation anormale et scandaleuse qui résulterait de ce fait, qu’à Poitiers, chef-lieu d’un département grand exportateur de blé, le pain serait payé plus cher que dans la capitale où se consomment des blés du Poitou.

.../…

Vous assurez le premier des services publics de la Nation et c’est à ce titre seulement que vous êtes soumis à une réglementation spéciale et rigoureuse qui peut, par moment, vous atteindre dans vos intérêts. Vous êtes trop intelligents des réalités économiques pour ne pas comprendre que le prix du pain, en raison de ses répercussions générales, doit toujours être fixé au taux le plus bas possible.

.../…

P.S. - Je vous prie de passer d’urgence à mon cabinet. On m’offre des farines à 290 francs, gare de Poitiers.

 

 

le 02/06/2020 à 18:03

Source : L'Avenir de la Vienne

prix du pain, patrons, municipalité

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