1505702/03/1993POITIERS
Crise économique, carnet de commandes qui s’effondre, la vieille entreprise poitevine s’essouffle
Après quarante et un licenciements en 1991, ce sont huit nouveaux employés qui viennent d'être remerciés en ce mois de février aux Ets Durand-Frères. L’entreprise spécialiste de la fabrication du matériel de manutention de céréales en silo, est touchée de plein fouet par la crise agricole. Une situation qui dure depuis trois ans comme en témoigne le carnet de commandes qui, entre 1990 et 1993, a été divisé par cinq.
Face à cette situation, l’entreprise a décidé l’an dernier de diversifier. Embauche de commerciaux, achat de fichier, mailing, phoning, autant de moyens mis en œuvre pour se tourner vers l’industrie. Mais les Ets Durand-Frères ne sont pas encore connus dans ce créneau ou la concurrence est sévère et s’ils ont remporté quelques marchés importants, il leur faut du temps pour gagner une image de marque. Tâche à laquelle s’emploie le bureau d'étude.
Or, du temps, l’entreprise n’en a pas tellement devant elle, vu sa situation qui se fragilise de mois en mois. Son PD-G Jean-Claude Roquencourt avoue même ne pas pouvoir faire de prévisions à six mois tellement la conjoncture est bloquée. Sans parler de récession, celui qui est également vice-président de l’Union patronale et a donc une vision globale du département, n’a jamais connu des circonstances aussi moroses.
Les salariés inquiets
Son entreprise est actuellement en position instable : d’un côté une courbe agricole qui chute, de l’autre une courbe industrielle qui croît mais n’a pas encore atteint son point d’équilibre. La diversification a rapporté 9 millions de francs l’an dernier et l’objectif 1993 vise 15 millions de francs, mais la masse salariale est très forte. En dépit « d’efforts importants pour réduire les frais variables et les stocks », l’entreprise ne connaît qu’une faible rentabilité.
« C’est malheureux d’en être réduit à licencier », reconnaît M. Roquencourt qui a également mis une partie du personnel production en chômage partiel depuis octobre et négocie actuellement avec ces salariés et l’inspection du travail pour instaurer le travail à mi-temps. Une situation que le comité d’entreprise, les représentants du personnel, les salariés et les sections syndicales CGT production et UGICT n’acceptent pas.
Dans une lettre ouverte au ministre du Travail et aux élus départementaux et régionaux, ils expriment leurs craintes pour l’avenir. Conscients du « contexte économique défavorable, d’une politique agricole désastreuse », ils avouent être en proie à un grand désarroi. « Huit licenciements viennent d’être annoncés, le même nombre est prévu le mois prochain et ainsi de suite ». Ils dénoncent le fait qu’aucune proposition de reclassement n’ait été faite, sinon la convention de conversion. Et « comment, interrogent-ils, un salarié payé 6.000 F net par mois, pour 38 h 30 de travail par semaine, peut-il vivre décemment avec un mi-temps entraînant une baisse non négligeable de son revenu ? ».
Les cent quarante-trois salariés sont inquiets et le PD-G ne formule aucune hypothèse pour le second semestre. « Ça fait deux ans qu’on a des pertes, une des banques vient de multiplier par trois ses frais de taux... », autant de signes qui ne donnent pas confiance dans l’avenir.
Odile Moniot
Photo : Le PD-G Jean-Claude Roquencourt dans le bureau d’études, « une trop faible rentabilité »
le 12/01/2025 à 16:24
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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