1533512/02/1994POITIERS
L’ancien secrétaire général de la CGT témoigne dans son dernier livre sur l’histoire sociale de l’après-guerre
Le visage poupin mais le cheveu un peu blanchi... voici Georges Séguy reconverti en historien. Pour ses camarades cégétistes de la Vienne, il a dédicacé jeudi son dernier livre sur l’histoire des mouvements de grève qu’il fait remonter à… Ramsès III ! En effet, la construction du tombeau du pharaon avait donné lieu à des conflits sociaux destinés à protester contre l’irrégularité des salaires et les humiliations infligées aux ouvriers.
Mais sans doute Ramsès III a-t-il moins marqué le destin personnel du petit Georges que le Toulousain Armand Leygues qui a donné son nom une école publique de la cité des violettes, sa ville natale. Quand on lui demande aujourd’hui quel est le premier souvenir d'enfant qui lui vient à l’esprit, il cite cette école qu’il fréquenta jusqu'à 15 ans avant de faire son apprentissage de typographe. Ce fut ensuite, l’année suivante, l’entrée dans la Résistance puis l’arrestation par la Gestapo dans l’atelier d’imprimerie où il fabriquait des faux papiers pour les résistants du sud-ouest, l’emprisonnement à Saint-Michel où il fut torturé et l’envoi en déportation à Mathausen. Il en revint à 18 ans, en mai 45, avec le titre peu envié de plus jeune déporté résistant de France. Et des séquelles qui l’obligèrent à changer de métier.
C'est ainsi qu’il se retrouva électricien à la SNCF et entama un parcours syndical qui devait le conduire jusqu’au secrétariat général de la CGT qu’il a conservé de 1967 à 1982. Un sacré parcours, marqué par maints défilés revendicatifs de la République à la Bastille, et qui font du camarade Séguy un témoin privilégié de l’histoire sociale contemporaine.
Souvenirs de mai
1968, semble-t-il, l’a particulièrement marqué. Il y a retrouvé à la fois son plus mauvais souvenir, quand la gauche non communiste « refusa de réaliser l’unité pour une alternative démocratique », mais aussi sa plus grande satisfaction en constatant que d’anciennes revendications trouvèrent d’un seul coup leur solution. Georges Séguy précise à ce propos qu’il est impropre de retenir de prétendus accords de Grenelle car la CGT ne s’y rallia pas. Il évoque des souvenirs plus personnels face à Georges Pompidou qui voulait le convaincre de faire arrêter la grève ou Jacques Chirac, qui lui courait après dans le même but. Lui, avait alors en tête d’aller plus loin : c’est ce qui lui dicta de se rendre aussitôt chez les ouvriers de Renault-Billancourt dont il savait qu’ils avaient déjà décidé de poursuivre leur mouvement plutôt que chez les midinettes qui voyaient leurs salaires tripler.
Aujourd’hui, le vieux lutteur a troqué le porte-voix pour le porte-plume. Ce qui ne l’empêche pas de dire ce qu’il pense, de plaider fermement pour l’indépendance du syndicat vis-à-vis des partis politiques – cela va mieux, assure-t-il – et d’appeler de ses vœux une 6e République inaugurée par de nouveaux états-généraux où les citoyens pourraient vraiment s’exprimer. Utopique ? « La semaine de huit heures l’était aussi, au XIXe siècle, quand les travailleurs trimaient douze ou quatorze heures par jour.
Michel Lévêque
Photo : Georges Séguy accueilli, jeudi, par ses camarades de la Vienne
le 22/02/2025 à 10:52
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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