1576827/03/1995SAINT-SAVIN
La grève à « Aubade », toujours en cours, marquera le Saint-Savinois. Car les mouvements sociaux y sont rares et ce sont des femmes qui revendiquent…
Une grève menée, qui plus est, par des femmes : on n’avait jamais vu ça à Saint-Savin. Principal employeur du canton avec près de trois cents salariées, les Ets Bernard (anciennement Prégermain), spécialisés dans la confection de sous-vêtements féminins de qualité (« Aubade »), font travailler aussi des femmes qui habitent les cantons de Chauvigny, Saint-Julien-l’Ars et Montmorillon. Et ils disposent d’un autre atelier à La Trimouille où plus de quatre-vingts personnes sont employées. Le poids social de cette entreprise est donc lourd.
La réputation de docilité de ces ouvrières, issues de familles rurales, l’ambiance de « crise » et la menace du chômage ont favorisé, depuis trente-deux ans que l’entreprise existe, un climat social sans réels accrocs. Depuis le mardi 21 mars, à 16 heures, la chape de la « soumission » semble avoir été levée, si l’on en croit le personnel gréviste, c’est-à-dire plus des trois quarts des employées : « On entend dire, depuis des mois, que la crise est terminée et qu’il faut relever les bas salaires. Tous les candidats à la présidence de la République, quel que soit leur bord, le serinent. Depuis plus d’un an, on doit faire des “heures sup” et revenir travailler le samedi tant les commandes sont abondantes, cela dans des conditions de fabrication dures. Alors, demander à des salariées qui gagnent 4.800 F nets par mois après, parfois, plus de vingt ans d’ancienneté dans l’entreprise, de se contenter de 2 % d’augmentation dans l’année, ce qui signifie une nouvelle baisse de pouvoir d’achat, c’est intolérable ! ».
Le luxe français
« Ce sont les ouvrières de Bernard et Cie, elles-mêmes, qui ont pris la décision d’exiger 5 % (soit 240 F bruts sur un SMIC). Ce sont elles qui ont choisi de faire grève, de monter des piquets de grève, de tenir jour et nuit en se relayant « , précise le permanent de la CGT. « Notre mouvement, c’est aussi une lutte contre le mépris qu’on ressent à trois titres : celui de ruraux, celui de smicards et celui de femmes », assènent, à leur tour, les grévistes d’« Aubade ».
Pour elles l’argument qui voudrait que la grève mette en difficulté l’entreprise ne tient pas : « Nous fabriquons des produits de luxe pour lesquels il n’y a pas de crise. Le marché pour les soutiens-gorges à 300, 500 F et plus marche fort. Nous reconnaissons que c’est parce que la direction de l’entreprise a su persévérer dans le créneau de la qualité. Mais cette qualité, c’est à notre habileté, à notre expérience et à notre sérieux qu’elle la doit. Et au label “fabriqué par des ouvrières françaises”.
Les grévistes saint-savinoises soutenues par une bonne partie de la population, ont donc gardé les portes de leur entreprise tout le week-end, faisant fi de la fatigue et de leurs craintes de « pourrissement de la situation ». Elles espèrent une reprise des négociations et leur aboutissement aujourd’hui.
Jean-Luc Reymond
Photo : Le « printemps » de Saint-Savin est social
le 05/04/2025 à 09:26
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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