1592604/01/1891CHATELLERAULT
Une affiche vient d’annoncer que tous les ouvriers embauchés depuis 1888 quitteront la manufacture à partir du 28 février.
2.200 travailleurs environ sont atteints par cette mesure. Après avoir fabriqué des armes pour tuer, la misère, qui tue lentement sûrement, va les atteindre.
La cherté des loyers, la réduction successive des salaires et tout ce qui est nécessaire à l’existence ayant été hors de prix pendant les deux ou trois années qu’ils ont passé dans ce bagne de l’État, la plupart n’ont pu que vivre et c’est tout.
Les propriétaires seuls ont profité de la situation des ouvriers de la manufacture ; beaucoup ont élevé leurs loyers de plus d’un tiers, tandis que les salaires diminuaient déjà. Il faut dire qu’ils ont été bien secondés en cela par l’administration qui démolissait le logement des ouvriers engagés à l’époque où les logis étaient rares. Mais vivre mal était vivre, les enfants avaient du pain. Aujourd’hui on leur dit brutalement : Il n’y a plus d’armes à fabriquer ; mourez de misère si vous voulez. Pourtant les ouvriers ont été bien sages ; ils ont laissé les dirigeants faire la pluie et le beau temps. On leur a dit pour les élections municipales : Votez pour les opportunistes. Ils ont voté. Pour les élections législatives : Votez pour Nivert. Et ils l’ont fait. Ce dernier leur ayant promis qu’il les ferait maintenir à la Manufacture, quand même il n’y aurait pas de travail. Et naïfs, ils l’ont cru.
On leur a dit : « Ne profitez pas de la loi sur les syndicats ouvriers, ne vous groupez pas ». Ils sont restés dispersés, écoutant plus volontiers les bourgeois, leurs pires ennemis, que les conseils de leurs vrais amis.
Groupés, on n’aurait pu réduire leurs salaires, les tromper, les exploiter.
N’ayant plus besoin d’eux, les bourgeois, les ont délaissés.
Comprendront-ils au moins qu’il faut qu’ils viennent au Parti ouvrier ? Qu’ils fassent leurs affaires eux-mêmes. S’ils avaient été représentés an Conseil municipal, des mesures auraient pu être prises pour la taxation des loyers et de tout ce qui est nécessaire à l'existence. Représentés à la Chambre, au lieu d’être endormis comme M. Nivert l’a fait avec la promesse de l’armement russe qui n’est pas venu et ne viendra pas, le gouvernement aurait été mis en demeure d’utiliser les vastes ateliers qui vont devenir inutiles par suite des renvois d’ouvriers ; ils auraient pu être employés à faire des objets utiles au lieu d’armes meurtrières.
La retraite au lieu d’être pour quelques favorisés aurait pu être pour tous.
Il est temps encore de s’organiser pour pallier à la crise qui sera longue et pénible.
Il n’est pas juste que de vieux ouvriers soient renvoyés alors que des propriétaires soient maintenus.
Les ateliers de la Manufacture doivent garder les ouvriers qui n’ont pas d’autres ressources et rester fermés aux propriétaires campagnards, qui seuls ont pu bénéficier des quelques années de travail que nous venons de passer.
le 25/04/2025 à 13:09
Source : l'Eclaireur de la Vienne
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