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1593225/02/1894CHATELLERAULT

A LA MANUFACTURE – COMMENCEMENT DE GRÈVE À L’ATELIER DU BRONZAGE

Un commencement de grève s’est produit ces jours derniers à l’atelier du bronzage.

Voici les faits :

Par suite de changements apportés dans cette partie, un grand nombre d’ouvriers en furent retirés et placés dans d’autres ateliers, mais la direction exigea de ceux qui restaient la même somme de travail qu’auparavant.

Pour atteindre ce but rien ne fut épargné ; on alla même jusqu’à placer un garde-chiourme spécial, exclusivement chargé de la surveillance des ouvriers bronzeurs.

Depuis plus de trois ans que cette “modification” (!) avait eu lieu, aucun devis leur indiquant ce qu’ils pouvaient gagner n’avait été soumis aux bronzeurs.

Quelques jours seulement avant le règlement, ils apprirent que pour 11 h. de travail, leur journée s’élèverait à environ 3 fr 75 par jour ! On comprendra leur déception et leur mécontentement, d’autant que la partie du bronzage est la plus malsaine de toutes celles de la Manufacture d’armes. En effet, les hommes de cet atelier respirent constamment des acides mercuriels et autres ingrédients tout aussi peu hygiéniques.

Après s’être consultés, les ouvriers bronzeurs protestèrent, et le lendemain, refusèrent de travailler.

Visite d’officiers, supplications du contrôleur, menaces du garde chiourme, rien ne put les faire revenir sur leur détermination.

Le commandant Lespinasse, réactionnaire endurci, qui est chargé spécialement des devis de fabrication, fit appeler deux des ouvriers qui lui déclarèrent qu’il leur était impossible de travailler aux nouvelles conditions.

Ayant la frousse de se rendre à l’atelier du bronzage pour expliquer les motifs de la diminution dont il était l’auteur, il délégua un capitaine-adjoint. Celui-ci après avoir fait arrêter l’usine, monta sur une tribune improvisée et s’adressa aux ouvriers à peu près en ces termes :

« Ici, à la manufacture, ce n’est pas tout à fait comme au régiment. Il n’y a pas de conseil de guerre pour refus d’obéissance, il y a le renvoi immédiat pour les ouvriers qui par leur obstination à ne pas vouloir travailler entraînent l’arrêt de l’usine et par suite toutes les autres comme opérations.

Vous vous exposez, sachez-le, à être mis à la porte et ensuite vous errerez dans les rues de Châtellerault sans pouvoir trouver de l’embauche ».

Puis, en manière de conclusion il annonça aux ouvriers bronzeurs qu’ils seraient payés à raison de 0,50 f l’heure.

Tout est bien qui finit bien.

Cependant, et quoique on ait accusé “l’Éclaireur” de manquer de prudence vis-à-vis de l’administration, nous ne pouvons nous empêcher de signaler à l’opinion publique que les flétrir comme ils le méritent, les actes des fonctionnaires de l’État.

N’est-il pas véritablement scandaleux de voir des officiers français réduire le salaire des ouvriers fabricants des armes destinées à l’étranger, et ce au profit de MM. Treuille, de la Fouchardière et Cie. Ces derniers emploient l’argent qu’ils rognent sur les devis à donner des gratifications chaque trimestre aux employés et contrôleurs.

En vérité, MM. les officiers jouent là un bien singulier rôle !

Ouvriers bronzeurs, on vous a promis cinquante centimes de l’heure, prenez vos mesures pour qu’ils vous soient donnés, car ce ne serait pas la première fois qu’on chercherait à “tirer une carotte”.

Réclamez, exigez, tempêtez, si l’entreprise ne s’exécutait pas et, soyez-en certains, vous obtiendrez satisfaction.

Le vieux forçat

 

 

le 25/04/2025 à 13:49

Source : l'Eclaireur de la Vienne

grève, salaire, hygiène, sécurité

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