1593306/05/1894CHATELLERAULT
Comme les années précédentes, les travailleurs Châtelleraudais ont dignement célébré le 1er mai.
La salle où avait lieu la réunion, quoique très vaste, n’était pas encore assez grande pour contenir la foule des travailleurs qui était accourue pour assister à la fête. On s’entassait les uns sur les autres, chacun se casant comme il pouvait, acceptant de bonne humeur d’être gêné pendant plusieurs heures ; mais qu’importait ? tout le monde était joyeux et l’espérance illuminait les yeux de tous les assistants.
A 8 h. 1/2 la séance est ouverte et le bureau est ainsi constitué : Citoyen Audinet président ; Cassin et Busserau assesseurs, Chivert secrétaire.
Le citoyen Chivert, secrétaire de l’Union fédérative des Chambres syndicales, remercie les assistants d’avoir répondu en aussi grand nombre à l’appel qui leur avait été adressé. Il engage les travailleurs qui ne sont pas encore syndiqués à se grouper autour des Chambres syndicales. Le vaillant secrétaire de l’Union fédérative fait ensuite un saisissant tableau de la situation misérable des ouvriers dans la Société actuelle, et c’est au milieu des applaudissements unanimes de l’assemblée et au cri répété de vive le 1er mai, que le citoyen Chivert cède la parole au citoyen Chérion.
Pour la cinquième fois, dit le citoyen Chérion, les prolétaires du monde entier, réunis en une même pensée vont fêter le 1er mai. Vous savez tous quelle est la caractéristique de là fête du travail : c’est la réduction de la journée de travail à huit heures,
De récentes expériences faites aux États-Unis et en Angleterre ont démontré que 8 heures de travail étaient aussi profitables aux ouvriers qu’aux patrons. Il ne saurait donc y avoir d’empêchement à ce qu’une loi fixe à huit heures la journée de travail ; cependant nos gouvernants actuels sont opposés à cette loi. S’ils y sont opposés c’est parce qu’ils savent pertinemment que le jour où les travailleurs auront le temps de s’instruire et de se réunir, c’en sera fini de la société capitaliste.
Le citoyen Chérion fait ensuite un exposé de la situation politique actuelle et il dit combien il est attristant de voir quelle direction est imprimée à la politique républicaine sous le gouvernement de M. Casimir Perier, cette doublure de Léon XIII et de Rothschild.
Le seul moyen, dit l’orateur, d’empêcher les ministres et les députés de la majorité de livrer la République aux cléricaux, c’est de faire de l’agitation, c’est de former des groupes politiques et de barrer la route aux réactionnaires de toutes nuances.
Après s’être excusé de ne pouvoir prolonger plus longtemps sa causerie, par suite d’une circonstance spéciale qui l’appelle ailleurs, le citoyen Cherion invite tous les travailleurs à crier avec lui : “Vive le 1er mai ! Vive l’Internationale ! Vive l’émancipation des travailleurs !
Le citoyen Limousin succède à la tribune au citoyen Chérion. Il dit que la tâche qui lui incombe est bien difficile à remplir après les deux précédents orateurs.
Tout d’abord il explique à la suite de quelle circonstance le 1er mai fut déclaré fête internationale des travailleurs et comment le prolétariat Châtelleraudais a toujours célébré cette date. Il montre l’inanité des pétitions aux pouvoirs publics ; les pétitions aux élus socialistes ne peuvent avoir plus d’effets.
Le citoyen Limousin explique ensuite l’intervention des conseillers socialistes dans les questions ouvrières. Il termine en engageant les travailleurs s’organiser : Souvenez-vous, dit-il que si vous voulez que vos affaires soient bien faites, il faut les faire vous-mêmes.
Les applaudissements unanimes de l’assemblée ont prouvé que les paroles de notre ami avaient été comprises.
Des camarades amateurs ont ensuite chanté des chansons socialistes, au grand plaisir de l’assistance.
Au milieu du concert, un camarade a fait un appel chaleureux en faveur de nos camarades de Trignac en lutte contre le capital. Cet appel est entendu, car la collecte a produit la somme de 21 fr.
A minuit, le citoyen Limousin a repris la parole pour remercier la nombreuse assistance du calme et de la dignité avec laquelle a été fêté le 1er mai. La journée d’aujourd'hui dit-il, comptera dans les annales du prolétariat Châtelleraudais.
Non seulement nous nous sommes associés à la manifestation internationale des travailleurs ; mais encore nous avons fait œuvre de solidarité en envoyant notre obole à nos camarades de Trignac.
Il propose de terminer la soirée par le chant de la “Carmagnole”, et donne rendez-vous à l’année prochaine à tous les assistants qui répondent aux cris de vive le 1er mai ! vive l’Internationale ! vive la sociale !
Excellente soirée qui portera ses fruits.
le 25/04/2025 à 13:54
Source : l'Eclaireur de la Vienne
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