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1604723/11/1995POITIERS

TRAVAIL : LE TEMPS DU MÉPRIS

Licenciements abusifs de plus en plus fréquents, réglementations contournées et diminution des contrôles favorisent les abus répétés

« Incompatibilité d’humeur » et « Perte de confiance » sont les motifs qui ont fleuri ces dernières années en guise de paravents qui peuvent cacher bien des choses.

Alors comment ignorer ces femmes d’une grande entreprise de la périphérie de Poitiers qu'on a enlevées de leurs postes de production (car elles n’acceptaient pas la mise en place d’un plan social) pour les mettre au ménage à passer la paille de fer... sur un trottoir ou arracher de l’herbe ?

Ou ce boulanger près de Poitiers qui a attaqué son compagnon pour - le motif ne manque pas de sel - « abus de procédure de licenciement ». Le salarié étant au travail, il n’avait pu aller chercher la lettre de convocation à l’entretien préalable à son licenciement ! Ou encore ce jeune homme employé d’une société de gardiennage venu exposer son cas à la CGT. Il n’était pas payé depuis... un an et vivait chez sa mère.

C’est incroyable raconte aussi Pierre Charrier à la CFDT, ce que les gens peuvent avaler comme avanies et humiliations reposant sur un comportement autoritaire de certains employeurs qui, parce qu’ils sont certes maîtres chez eux, se croient tout permis ».

Comme ce patron transporteur à son employé : « Je ne veux plus te voir, fous le camp ! ». Ou cet autre qui vire l’un de ses chauffeurs qui, après 52 heures dans la semaine, refusait de repartir le lendemain samedi. Pour Pierre Charrier, « l’hôtellerie, le transport et les garages sont sûrement les secteurs les plus pourris ». Et tout cela malgré des réglementations que l’on contourne allégrement sans trop encourir les foudres des tutelles (...).

Peur pour un nouvel emploi

Attitude résignée enfin, de gens qui ne réagissent plus, savent que leur employeur indélicat trouvera toujours un motif et qui n’osent même pas porter l’affaire devant la justice.

« D’abord parce que ça coûte cher, remarque Pierre Charrier, et ensuite parce que ça prend beaucoup de temps. Et aussi parce que la recherche d’un nouvel emploi est en cause : on a peur d’être catalogué et de ne plus être embauché ailleurs. D’une part, on ne conteste pas et d’autre part, on ne connaît pas ses droits. Le drame, c’est aussi que quand un salarié est poussé à la démission, il n’a pas droit aux allocations chômage sauf s’il y a plainte de déposée.

Résignés les salariés ? « Je ne le pense pas, confie Alain Barreau pour Force ouvrière. C’est l’endettement des ménages qui fausse le jeu. On n’exprime sa pensée et on ne commence à bouger que lorsqu’on est acculé. Souvent par une lettre annonçant l’entretien préalable au licenciement.

Certains employeurs qui jouent sur les pires moyens (...) pour pousser à la démission ont-ils de (plus) beaux jours devant eux ? Sans faire de prosélytisme à tout crin, les syndicalistes que nous avons rencontrés ne sont évidemment pas de cet avis. Tous s’accordent à dire que leurs services sont gratuits et qu’ils ne demandent en général - lorsque l’action va jusqu’aux prud’hommes – qu’une adhésion en retour. A la CGT, Gilbert Marteau précise : « La moitié des dossiers que nous examinons ne vient pas de nos adhérents et nous savons très bien qu’il ne s’agit pas non plus de cégétistes dans l’âme ».

Cela dit, à FO, Alain Barreau n’affiche pas l’optimisme. Surtout compte tenu de l’insuffisance des moyens de l’inspection du Travail. « Les emplois de service, qui ne demandent pas de qualification poussée, sont particulièrement en vue et la situation du chômage favorise les petits boulots donc les abus ».

Autant de raisons pour dire que Germinal n’est pas mort et que l’an 2000 qui sonnait autrefois comme le synonyme du progrès social apparaît aujourd’hui bien plus loin que dans cinq ans.

Laurent Bertagnolio.

 

 

le 24/05/2025 à 13:27

Source : La Nouvelle République du Centre Ouest

droit, liberté, prud'hommes, syndicat

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