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Et encore des milliers de personnes sur le pavé pour la plus grosse manifestation depuis le début des grèves. Juste pour avoir la peau du plan Juppé, à l’usure.

Combien étaient-ils donc hier à arpenter ce pavé qu’ils connaissent bien désormais, mais sur lequel ils ne veulent surtout pas se retrouver plus tard ? De 5.000 à 6.000 selon la police et de 18.000 à 20.000 selon les organisateurs. Étrange disparité qui pousse à se demander si les méthodes de comptage officielles ne sont pas en train de changer alors que la barre semble de moins en moins haute...

Bien difficile à déterminer mais il faut pourtant dire que la manifestation d’hier avait des allures de jamais vu à Poitiers. A tel point que le « Juppéthon » des étudiants, cher aux « Guignols de l’Info », a pété les plombs sous les coups de slogans malicieux ou assassins.

Du « Juppé démission : on est deux millions ! » au « Nucléaire trop cher, étudiants mendiants », la palette est de plus en plus large parmi les formules qui sont malheureusement appelées à resservir dans les jours prochains. Car hier, les allez, disons autour de 15.000 marcheurs contre Juppé, étaient tout autant déterminés qu’au premier jour.

Des pompiers jusqu’aux dos orange des gars de l’Équipement qui ont même transformé un de leurs camions en corbillard. De la dame élégante dans son manteau de fourrure au cheminot à béret en passant par le facteur ou l'enseignant en grand feutre noir, tout le monde s'y retrouve, preuve d’un mécontentement qui ne saurait laisser personne froid malgré la météo.

« Juppé fais-nous rêver... »

De la porte de Paris où le cortège se forme en y bloquant efficacement la circulation, le serpent remonte vers la gare pour opérer la jonction avec les cheminots spécialistes de la torche SNCF déguisée en feu de bengale pour l’occasion. La pendule de la gare elle, a déclaré forfait, et joue aussi l’heure de la grève.

« On est heureux de vous accueillir », lance le responsable des irréductibles des chemins de fer, ceux qui font que la grève tient bien le coup, à l’adresse de la tête de la manif où sont regroupés les responsables FSU, CGT, FO alors que derrière, des CFDT se mêlent au mouvement.

Il ne reste plus alors qu’à gagner le centre-ville en scandant les « Retrait, retrait – retrait du plan Juppé », « La Sécu, c’est la santé » sur l’air du travail, « Plan Juppé, non, non, non ! », ou le plus gentillet mais non moins clair « Il était un p’tit Juppé, pirouette, cacahuète, qui nous a fait un mauvais plan (bis), pour qu’il se casse le bout du nez ». (re-bis) !

« La Sécurité sociale, on s’est battu pour la gagner, on se battra pour la garder », scande surtout le défilé tandis que derrière les très nombreuses banderoles des non moins nombreuses entreprises publiques où commencent à se mêler le privé, les étudiants mènent la danse.

Pas tout à fait dans le même ton que le style tambours du Burundi de FO mais plutôt style Masaï sur fond de « On va faire péter le Juppéthon ». Place d'Armes, des élus poitevins - dont le maire Jacques Santrot - sont là alors que les employés du manège de Noël déballent les chevaux de bois...

Mais il n’y a pas photo, tous les responsables syndicaux présents sont bien d’accord sur une même ligne : « Mettez en place le contrepoids pour faire plier le gouvernement ! ». Le temps de songer, après trois bonnes heures de manif : « Juppé, fais-nous rêver. Retire ton projet ! ».

Laurent Bertagnolio

La grève en chiffres

Les directions départementales de la Poste et de la SNCF ainsi que l’inspection académique nous ont communiqué, hier, les pourcentages de grévistes suivants :
La Poste : (à 17 h) le pourcentage de grévistes était de 20 %, dont le centre de tri de Poitiers-Biard 95 % ; services de distribution (tous bureaux confondus) 12 % ; services des guichets (tous bureaux confondus) 13 %. Les guichets de la recette principale de Poitiers sont restés ouverts. Par ailleurs, la direction précise que la convention entre la Poste et la CCI pour le courrier des entreprises est appliquée et que le centre de continuité de service fonctionne normalement.
SNCF : (à 8 h) ensemble du personnel 53 % ; conducteurs 85 % ; cadres 18 %. En raison de la poursuite du mouvement social, le trafic ferroviaire sera totalement suspendu sur les régions Aquitaine et Poitou-Charentes, ce vendredi.
Éducation nationale : enseignants du premier degré 68,40 % ; enseignants du second degré 47,80 % ; personnels non enseignant 32,50 %.

Photos : Il n’est pas encore 14 h 30 et la manifestation se prépare porte de Paris à Poitiers. En médaillon, un étudiant dans le rythme des tambours de Force Ouvrière - « Plan Juppé, non, non, non ! » Un des slogans de la manif – La CFDT s’est, elle aussi, jointe au mouvement