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1634526/08/1996POITIERS

LE DERNIER TRAIN D’UN MILITANT

Lorsqu’un cheminot syndicaliste conduit son dernier train, les camarades sont sur le quai pour lui souhaiter une bonne retraite. Une bruyante tradition.

A 18 h 10, samedi, le train en provenance de Lourdes entre en gare de Poitiers sur la voie n° 8. Un train de pèlerins allemands qui retournent Outre Rhin et qui auront eu une minute d’émotion à leur arrivée dans la capitale du Poitou.

« Mon Dieu, c’est un attentat ? » interroge un voyageur inquiet en entendant une série d’explosions qui semble venir des rails, alors que sur le quai retentit le hurlement d’une trompe. « Non répond un contrôleur, c’est un départ en retraite ». Le pèlerin n’en croit pas ses oreilles assourdies. Ce, n’est pas un train d’enfer, châtiment d’insuffisantes prières dans la grotte de la Vierge. Au contraire, c’est un train de joie, avec pétard disposés sur la voie pour fêter le départ d’Alain.

D’ailleurs c’est marqué sur la locomotive : une banderole où l’on peut lire « C’est mon dernier train » barre en effet l’avant de la machine. Sur le quai, un groupe de cheminots a déployé une autre banderole qui confirme la chose : « C’est Alain et son dernier train. Bonne retraite ». « Alors c'est une grève, avec manifestation. On va rester là ? » continue de s’inquiéter le paroissien germain qui retrouvera le sourire lorsque le convoi s'ébranlera à nouveau. Un sourire qu’affichent maintenant tous les voyageurs collés aux fenêtres pour faire des signes d’amitié au conducteur qui, lui aussi, agite la main en un au revoir ému.

Terminus d’une carrière

Duraille de quitter le rail. Quand on a passé près de 35 ans à la SNCF, dont plus d’un quart de siècle à conduire des trains, on ne descend pas de sa dernière « loco » sans un pincement de tripes. Quand, en plus, les copains sont là pour nous accueillir, histoire de nous faire le cœur moins gros, que voulez-vous, ça secoue. On a beau être un syndicaliste pur et dur, les sentiments c’est les sentiments.

Sur le quai, quelques photos souvenirs au soixantième de seconde, laissent à Alain Noiré le temps de revoir sa vie cheminote défiler : son entrée comme apprenti en 1961 à la gare de Périgueux. Son arrivée à Poitiers neuf ans plus tard comme conducteur. Les trains de nuit, les trains de jour. L’action syndicale. L’élection comme secrétaire à la CGT des cheminots. Les luttes, les grèves et les manifs en fin d’année dernière. Et maintenant ce terminus d’une carrière entre, ironie du sort, des wagons de pèlerins et les copains de la CGT qui se font des signes d’amitié.

Mais, pour Alain, tout n’est pas terminé. L’action syndicale va continuer. Au comité départemental et au prud’hommes. Dernier train oui, mais certainement pas dernière banderole.

Jacques Furlan

Photo : Alain Noiré entouré de ses copains de la CGT à son arrivée en gare de Poitiers.

 

 

le 24/06/2025 à 12:46

Source : La Nouvelle République du Centre Ouest

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