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1635029/08/1996POITIERS

MANIFESTATION POUR LES SANS-PAPIERS

Mercredi soir, sous l’égide de vingt-sept organisations, plus de deux cents personnes ont défilé dans Poitiers pour manifester leur soutien aux sans-papiers.

Mercredi après-midi, deux manifestations se sont tenues devant la préfecture dans le but de soutenir les sans-papiers. Vers 12 h 30, une vingtaine de personnes ont pénétré dans les locaux de la préfecture pour manifester à titre individuel leur soutien aux sans-papiers. Munies de pancartes, celles-ci se sont assises dans l’entrée pour tenter une action symbolique devant le bureau des étrangers. A 13 h 30 le groupe avait été évacué, néanmoins le même type d’événement s’était produit à la préfecture de Limoges la semaine dernière.

Par ailleurs, la manifestation annoncée mardi s’est tenue comme prévu vers 18 heures devant la préfecture sous l’égide des organisations MRAP, AC 86 !, Ras l’Front, Manifeste contre le FN, Police et Société, FCPE, Annadi Arabe, LDH, CIMADE, Emmaüs Poitiers, Appel des Cent, SAF, FSU, SUD-PTT, UNEF, UNEF-ID, CNT, CGT, CFDT, CAP, JCR, LCR, PCF, FA, PAS, Les Verts, Radical 86. Plus de deux cents personnes étaient au rendez-vous pour demander « le moratoire des expulsions, la régularisation de la situation des sans-papiers de l’église Saint-Bernard et l’abrogation des lois Pasqua » et condamner l’intervention des forces de l’ordre à l’église Saint-Bernard.

Ainsi, les représentants des organisations ont été reçus par une délégation de la préfecture pour déposer les quelque mille signatures pour la pétition « Solidarité avec les sans-papiers » récoltées en quelques heures samedi après-midi et dimanche matin au marché de la ZUP. Les représentants ont aussi communiqué le tract « Régularisation des sans-papiers » dans lequel les organisations déclarent « que lorsque les lois sont inhumaines, il faut les supprimer et demandent que la législation actuelle soit remplacée par une législation d’accueil réfléchie, concluant sur la demande de régularisation immédiate des sans-papiers de Saint-Bernard, de Poitiers et d’ailleurs qui sont victimes de ces lois ». Les manifestants se sont ensuite dirigés vers la place d’Armes pour défiler dans les rues de Poitiers, malgré un orage qui cependant contrastait peu avec leur colère.

« Obtenir plus de mille signatures en si peu de temps, ça montre que la réaction des gens est vive et spontanée, explique Nadine Courilleau, militante du FSU, il se prépare d’ailleurs une manifestation nationale pour la mi-septembre ». En attendant, le collectif de lutte contre les expulsions pour le droit de vivre en France a déjà obtenu une dizaine de régularisations de la préfecture et il continue à faire signer la pétition. « Quand nous avons été reçus vendredi dernier à la préfecture, rapporte Nadine Courilleau, notre réaction était claire quant à l’intervention dans l’église, et on peut dire que l’histoire des sans-papiers a accéléré la rentrée sociale », évoquant un éventuel rendez-vous à Paris dans le courant de septembre.

Cependant, il existe d’autres manières d’exprimer son soutien aux sans-papiers, comme le montre le témoignage du Poitevin Jacques Parenteau-Denoël, résidant à Tercé, qu’il nous a adressé et donc voici les extraits les plus signifiants :

Une autre façon de dire les choses

Marek Halter raconte cette histoire : « Un vieux bédouin est chassé devant sa tente par le chemin de fer à vapeur qui traverse l’oasis. Durant des mois, assis dans la poussière, il regarde la locomotive en sifflant. Un jour, un ami de la ville l’invite à prendre le thé. En entendant la bouilloire siffler, le vieux bédouin la frappe de sa canne en disant “ces engins-là il faut les briser quand ils sont encore petits !”.

Et bien l’engin qui nous menace il faut vite le briser : c’est le racisme et la xénophobie. Car en ouvrant la radio jeudi matin, puis en regardant les premières images de la descente de police en l’église Saint-Bernard pour chasser des étrangers non responsables pour la plupart de leur sort puisque étranglés entre deux séries de lois en dysharmonie, cela a été plus fort que moi c’est le mot “rafle” qui est venu à ma bouche. Le mot, puis les images de la Grande Rafle avec les cars, les gardes mobiles, les camps de rétention (!) ont resurgi à mon esprit. Quoi, nous en sommes là, au pays des droits l’homme ?

« Mais non, il y a belle lurette que nous ne sommes plus qu’au pays des droits exclusifs du bon vrai français alors que le génie de notre pays à travers l’histoire est né en grande partie de l’amalgame de multiples ethnies locales et étrangères mais surtout pas d’un nationalisme étriqué.

« Puis me semble-t-il, en 1914, on ne les renvoyait pas chez eux : ils avaient des visas de séjour pour Verdun ! En 1940, en revenant de l’école, un grand diable de Noir me prend dans ses bras et me met la main sur la bouche : “Zoumana Kamarad”, il serait bien rentré au Sénégal ce brave tirailleur qui évitait l’ennemi, puis si j’ai bonne mémoire en 1945, près d’un tiers des armées françaises de la Libération sous les ordres de Juin, Guillaume Montsabert, Leclerc, n’était-il pas composé des pères de ceux que nous expulsons. Quelle ingratitude ! Il est beau le prix du sang et de la fidélité.

« Cette fois nous pouvons vraiment avoir honte et nous sommes en droit de nous demander si nous sommes gouvernés par ceux qui se disent héritiers du gaullisme ou par des néo-pétainistes. Avec mes regrets d’avoir vu, ô triste symbole que nous faisions comme au Moyen-Âge, usage de haches pour éventrer les portes des églises ! ».

Photo : Plus de deux cents personnes au rendez-vous à la préfecture de Poitiers

 

 

le 24/06/2025 à 13:01

Source : La Nouvelle République du Centre Ouest

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