1637317/09/1996POITIERS
Cela fait une demi-heure que les trois cents manifestants CGT se chauffent au soleil et aux slogans quand le millier de patrons descendent des cars. Aussitôt les « Salaires, emploi, négociation ! Les 35 heures tout de suite ! » prennent de la puissance.
Quelques pétards explosent dans les pieds des invités, les trompes et les sifflets leur cornent aux oreilles. « C’est bruyant, mais pas impressionnant », lance un patron tandis que le président de l’Union patronale de Paris s’étonne : « Qu’est-ce qu’ils attendent ? Qu’on ferme nos entreprises ? On est face à face pour que tout explose ou ensemble contre le chômage ? ».
Les manifestants n’en ont cure. Derrière banderoles et barrières, ils sont là pour se montrer, façon kermesse, face à la grande messe patronale. Leurs délégués CGT de la Sochata, de Ranger, Gorcy, Schlumberger, Aubade et Escalux viennent d’être reçus par Jean Gandois, le président du CNPF, avec deux syndicalistes de la CFDT et cinq de FO.
Plus loin, une seconde manifestation, celle des ambulanciers qui apostrophent les patrons « Fabricants de chômeurs ».
Happés de slogans en slogans, mais quasi indifférents, les membres du CNPF s’évanouissent dans un palais des congrès qui ne laisse pas passer les bruits du dehors.
Commencent alors trois longues heures d’attente avant l’arrivée du président Chirac. Quelques chants révolutionnaires par une chorale qui a besoin de répéter, trois drapeaux rouges claquant au vent, l’arrivée du ravitaillement à « 5 F la bière », le compte rendu de l’entrevue font passer le temps.
Au micro, Jean-Pierre Jallais, secrétaire régional, annonce sans surprise que « M. Gandois ne croit pas aux propositions CGT » tandis qu’un communiqué CFDT insiste sur « le développement indispensable des relations sociales dans ce pays ». Et que FO « réaffirme son attachement à la fonction publique, laïque, républicaine ».
C’est un chassé-croisé de délégations, les ambulanciers étant à leur tour reçus par le secrétaire général du CNPF et le ministre Raffarin. Avant que tous, mais pas ensemble, ne reviennent devant un conseiller de Chirac.
A 16 h 40, la voiture noire du président se gare juste devant l’entrée. La bouteille d’eau lancée par les cégétistes éclate en vain sur la chaussée, comme la cannette vide et quelques marrons de rentrée scolaire.
Jacques Chirac écoute, de loin, les « Chômage, ras le bol ! » et autres propos disgracieux, le visage fermé. 16 h 42, les portes se ferment sur lui et les pétards continuent à fuser. Derniers bruits d’une manifestation qui se disperse, sous le regard des gendarmes mobiles venus faire barrière de leurs corps.
Odile Moniot
Photo : Les patrons arrivent sous les huées de la CGT
le 24/06/2025 à 17:39
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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