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1664519/04/1997CHATELLERAULT

LE BÂTON, LA PALETTE ET LES PLAIDEURS…

Le conseil des prud'hommes a écouté les explications des deux parties en conflit. Le 23 avril, il se prononcera sur sa compétence et la réintégration de MM. Mochon et Villeret.

Hier matin, l’Union départementale CGT, en référé, demandait au conseil de prud’hommes de Châtellerault, de décider de la réintégration dans l’entreprise de deux salariés des Fonderies du Poitou, MM. Patrice Mochon et Patrice Villeret, sanctionnés par la direction. Pour soutenir les deux élus, un rassemblement avait été organisé devant le lieu des débats ; y participaient des délégations syndicales des entreprises privées et publiques du département, des membres de la municipalité d’union de la gauche, au premier rang desquels MM. Joël Tondusson, premier maire-adjoint socialiste et Paul Fromonteil, maire adjoint communiste. Francis Martin secrétaire général de l’UD CGT avec à ses côtés MM. Mochon et Villeret, estima « que nombreux sont les employeurs qui ne respectent pas les lois élémentaires du travail. Certains comme aux Fonderies du Poitou veulent en rajouter, entraînés dans une folle ambiance de déréglementation ; ils franchissent allègrement la ligne blanche de la législation qui protège encore les salariés. Ces patrons doivent être condamnés ; il y va de la dignité et de la liberté.

Sur le « ring »

Près de trois heures de débats avec comme principales composantes des arguments techniques du droit (rien que le droit !), maniés avec une incontestable compétence par deux avocats du barreau de Poitiers, Me Gaston pour la CGT et Me Lemaire pour les Fonderies du Poitou. Siégeaient au conseil, MM. Forgeot (salarié, président), Bois (employeur, conseiller). Les deux plaideurs, ayant l’habitude de se fréquenter dans les prétoires de la région... se livrèrent un combat à fleurets non mouchetés.

Premier à « monter au filet », Me Gaston, demandeur de la réintégration de MM. Mochon et Villeret. Sa plaidoirie consista à démontrer que la direction des Fonderies du Poitou avait manifestement porté atteinte au droit de grève, qu’elle empêche avec sa mesure de suspension conservatoire les deux élus d’exercer normalement leur mandat et que dans ce contexte, il y a incontestablement délit d’entrave. Dans ses conclusions, Me Gaston (chaudement applaudi par une assistance qui lui était acquise), demanda au conseil de prud’hommes de se déclarer compétent dans ce dossier et d’ordonner la remise en état du contrat de travail de MM. Mochon et Villeret.

Avec finesse et un sens de l’humour affirmé, l'intervenant pour les intérêts de la CGT, s’attacha à démontrer, selon ses propres termes « l’attitude ridicule et outrancière de la direction des Fonderies du Poitou » livrant quelques « morceaux choisis » dans les affirmations de la direction. Exemple, « le feu allumé, excite la grève... » et posant une question qui a suscité des sourires : « Comment peut-on dire que les grévistes ont empêché les non-grévistes de travailler puisque l’on sait officiellement que 80 % des salariés étaient à leur poste ? ». Alors, vol de palette ou tentative, coup de bâton, intention de foncer sur un huissier et des cadres ? Affabulations, déformations, interprétations, provocations, d’après l’avocat. Les témoignages lus par Me Gaston renforcèrent son raisonnement de fond sur l’affaire : « C’est bien à la CGT que l’on a voulu s’en prendre, pour l’empêcher d’accomplir sa mission.

Bien évidemment, position diamétralement opposée de la part de Me Lemaire qui lui, définit sa stratégie de la façon suivante : « Pas question pour la direction de porter atteinte au droit légitime du droit de grève et à l’action des syndicats mais vif désir de faire cesser les comportements individuels irresponsables de MM. Mochon et Villeret qui se sont effectivement livrés à des atteintes à la liberté de circulation, à des violences ». Selon Me Lemaire, ce sont donc les personnes qui sont impliquées dans le dossier et « leur appartenance à la CGT n’a rien à voir dans le débat ».

Comme on s’y attendait, Me Lemaire souleva l’irrecevabilité de la demande de la CGT car il existe selon lui dans le dossier « une contestation sérieuse sur l’existence d’une faute lourde » et la décision de l’inspecteur du travail sur l’accord de licenciement, à propos de ces fautes lourdes, est à prendre en compte... Irrecevabilité, incompétence des prud’hommes : ces derniers se sont donnés jusqu’au mercredi 23 avril à 14 h pour réfléchir et décider.

Le rôle des cadres

L'ambiance s’est subitement tendue dans la salle d’audience lorsque Me Gaston « porta l’estocade », à la grande surprise de l’assistance. Ainsi, l’avocat révéla deux incidents, avant d’interpeller le directeur du personnel des Fonderies du Poitou, M. Gilbert Mestre, présent sur le banc, à côté de Me Lemaire. Premier incident : un cadre, au volant d’une voiture, aurait délibérément foncé sur des grévistes (témoignages cités), provoquant une blessure. Deuxième incident : un autre cadre aurait fait « un bras d’honneur » à des grévistes. Question de Me Gaston à M. Mestre : la direction était-elle au courant de ces faits, va-t-elle prendre des mesures disciplinaires à l’égard des auteurs ? Réponse du directeur : « Si les faits sont exacts, prouvés, il y aura des sanctions ».

Ces deux « anecdotes » pour montrer le climat tendu qui règne en ce moment aux Fonderies du Poitou.

Hier matin, les deux « parties » ont évoqué la paix sociale. Certains observateurs neutres, à la sortie des débats, venus écouter les explications de chacun, parlaient eux de « carence dans la communication, d’absence de dialogue entre les partenaires sociaux », remarquant aussi l’inquiétude des cadres et de la maîtrise dans ce remue-ménage ; allusion faite à l’abstention des cadres dans le vote pour ou contre le renvoi de MM. Mochon et Villeret, lors du comité d’entreprise extraordinaire et à la lettre envoyée par quarante-sept membres du 2e collège (techniciens et agents de maîtrise) demandant à la direction d’engager le dialogue. Le vrai problème ?

Patrick Gonin

Photo : Importante participation à la manifestation de soutien : Francis Martin a pris la parole avant l’audience. A ses côtés, Patrice Mochon et Patrice Villeret

 

 

le 23/08/2025 à 10:40

Source : La Nouvelle République du Centre Ouest

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