1672803/09/1997CHATELLERAULT
Du 22 au 27 septembre, on procédera à la vente aux enchères de l’outillage et du stock de la fabrique de fauteuils dentaires... et pourtant une solution de reprise existe.
En vingt ans, Gallus, entreprise de renommée mondiale dans la conception de fauteuils dentaires, a connu cinq dépôts de bilan et l’effectif est passé de 500 à 40, avant une liquidation judiciaire correspondant à la mise à mort. Un très vilain roman feuilleton ponctué d’épisodes rocambolesques, comparable à celui de Domine à Naintré, un géant qui vivote après avoir connu des heures de gloire.
Parmi les péripéties de Gallus, la période Matra, avec Jean-Luc Lagardère, en 1981, quand devait souffler un nouveau « vent porteur » ; des espoirs suivis de désespoir. Au gré des multiples rebondissements, on retiendra le dernier round, celui de l’exercice Lévy-Israël. Premier acteur, Armand Israël, chirurgien-dentiste à Paris mais aussi éditeur de livres d'art, propriétaire d’une galerie réputée dans la capitale et de chevaux de course. Deuxième acteur, Elie Lévy, qui a fait ses débuts chez Hachette, professeur de marketing en université, conseil en gestion et propriétaire de deux imprimeries. Des personnages incontestablement chaleureux, désireux de sortir Gallus de l’ornière, avec l’appui total d’un personnel très qualifié.
Première déclaration de M. Israël à « La Nouvelle République » le 26 octobre 1995 : « Je peux d’ores et déjà annoncer une baisse du prix de vente du matériel produit à Châtellerault, de l’ordre de 20 %, qui rendra la démarche commerciale plus facile en France et à l’étranger ». C’est justement à l’extérieur de nos frontières que Gallus va essayer de redorer son blason. Ainsi, dans nos colonnes, les titres conquérants se sont multipliés. Un balcon sur l’Asie ; à la conquête de la Chine ; objectif, la Corée ; en route vers le Daghestan (avec une réception officielle en mairie) ; contrat de 120 fauteuils en Turquie... des nouvelles officielles prouvant que Gallus amorçait sa résurrection. En fait, une succession de « miroirs aux alouettes » car la société manquait de fonds propres, allant même jusqu’à connaitre une situation bancaire totalement bloquée en août 1996.
Une toile de Cézanne...
MM. Israël et Lévy se sont alors rendus compte que la « mariée » était beaucoup moins belle que prévu et comme ils s’étaient engagés quasiment sur l’honneur pour que l’ex-géant se redresse, ils ont « mouillé la chemise » afin de convaincre un maximum de gens de les aider. M. Israël est même allé jusqu’à garantir un emprunt de six millions de francs au Crédit agricole avec un tableau lui appartenant, « Le pêcheur au rocher » de Paul Cézanne. Le « pêcheur » n’a empêché ni le naufrage, ni l’engagement d’une série d’échanges musclés avec la banque verte qui ne voulait plus couvrir financièrement les deux hommes d’affaires.
Nous avons appris que MM. Lévy et Israël avaient déposé une plainte contre l’organisme bancaire et les salariés, qui se sont réunis hier soir mardi, n’excluent pas d’effectuer la même démarche.
Autre embûche : lors de l’obtention du marché des 120 fauteuils avec la Turquie, l’État français s’était engagé à verser 2,5 millions de francs d’acompte à la commande ; Gallus n’a jamais touché le moindre centime.
Aujourd’hui, les quarante salariés de Gallus sont chômeurs et le mandataire liquidateur, Me Béraud, invite les personnes intéressés par l’outillage et le stock à se présenter à l’usine, du 22 au 27 septembre, pour une vente aux enchères sous le marteau de Maître Sabourin commissaire-priseur.
Le Parti communiste crie au scandale, envoie une lettre ouverte aux ministres de l’Emploi et de la Santé, à M. Raffarin (ex-ministre des PME) à Édith Cresson, commissaire européen et aux députés. Le PCF a demandé à son président de groupe à l’Assemblée nationale de monter au créneau.
Gilles Lucas, cadre de Gallus, délégué syndical CGT, montre les dents : « C’est un véritable gâchis ! Avant les élections législatives, tous les candidats s’intéressaient à nous… depuis, silence total. Cette attitude montre bien le manque de crédibilité du monde politique. Il s’agit de savoir si l’on veut faire vivre l’industrie dentaire française, si l’on veut se battre pour maintenir des emplois ou se résigner à vivre sous la domination d’autres pays... ».
Et Gilles Lucas de rajouter : « Des investisseurs sont prêts à engager des capitaux pour un nouveau départ avec comme idée force, le rapprochement entre Quetin (Saint-Nazaire) en règlement judiciaire et Gallus, afin de constituer une nouvelle société sur le site de Châtellerault. Une entreprise qui abandonnerait toute référence à Gallus, devenue plus un boulet qu’un label… La réunion de Quetin et Gallus permettrait de s’appuyer sur le réseau français de la première (20 points de vente) et la filière export de la deuxième. Mais pour que ces investisseurs répondent présent, il faut impérativement une réponse politique et le temps presse.
Patrick Gonin
Photo : MM. Lévy et Israël présentant un fauteuil Gallus lors d’un salon : des contrats mais aussi une absence de trésorerie...
le 09/09/2025 à 13:27
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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