« Retour

1688713/01/1998POITIERS

LES CHÔMEURS DANSENT DEVANT LE BUFFET

A l’occasion de la cérémonie des vœux à la préfecture, les chômeurs se sont invités. Seulement sur la place, juste sous la devise “Liberté, Égalité, Fraternité”.

Des fenêtres éclairées qu’on voit de loin, de derrière les grilles, un va-et-vient de dames et messieurs qui arrivent en robes bien mises et costumes au moins du dimanche, c’est le raout de début d’année qui veut que le préfet invite élus et chefs de service du département. Toute la Vienne est la pour une soirée flûtes et canapés. Tradition républicaine. Tout là-haut sur le clocheton, le drapeau tricolore l’atteste.

Sur la place de la préfecture d’autres invités ne rentreront pas. Ils se sont invités eux-mêmes et n’ont pas le bristol indispensable. Les chômeurs qui poursuivent leur action sous plusieurs banderoles (1). Ils sont là et à 150, ils entendent bien présenter aussi leurs vœux aux personnalités invitées. Lesquelles ne se sentent pas trop à l’aise, sous les huées, pour rentrer dans ce bâtiment qui est le symbole de l’État ici à Poitiers. Les pétards crépitent, les fumigènes colorent l’air vif et les slogans fusent. Style « Le travail c’est la santé, le chômage c’est le merdier », Sur un air connu.

C'est le préfet !

On a protégé l’entrée des bureaux de la préfecture - au-dessus de la porte la devise de la république « Liberté, Égalité, Fraternité » - et les policiers sont nombreux. Tout à coup un monsieur sort et vient discuter au beau milieu des manifestants. C’est le préfet, Bruno Fontenaist.

 

Discussion courtoise avec des porte-parole. Le préfet dit qu’il y a eu beaucoup de travail de fait en quelques jours sur les dossiers d’urgence. Une bonne centaine ont été traités « mais je suis d’accord : il faut aller plus loin ». Face à lui, une femme lance : « Nous, on n’a plus le temps : on crève de faim ! ». Francis Martin pour la CGT insiste : « Dites-nous quand vous êtes capables de débloquer les fonds ». Réponse du préfet : « Des remises de dettes importantes ont déjà été faites ; on a fait rentrer dans le RMI des gens qui en étaient sortis... ». Toujours en face : « C’est pas le minimum vital qu’on demande, c’est le minimum social. Je n’ai pas de sentiment, j’ai un porte-monnaie ! ».

Le préfet rentre satisfaire à ses obligations. Un chômeur lui met sa pancarte sous le nez : « Ras l’bol des promesses ». Un autre risque : « M. le préfet, on échange nos paies ? ».

Stoppés dans leur progression vers le buffet où ils se rendaient dûment pourvus du petit carton, les élus socialistes de Poitiers Jacques Santrot, les députés Alain Claeys, Philippe Decaudin et des conseillers municipaux ont d’abord discuté avec les manifestants puis ont préféré tourner les talons. Difficile finalement, de s’afficher là-bas derrière les grilles quand d’autres ne parlent que de vaches maigres. Une femme a pourtant tenté : « Et pourquoi on rentrerait pas avec vous M. Decaudin ? ».

Un humoriste de la soirée balance sa vanne aux policiers qui ont un peu de mal à garder leur sérieux : « Faites-les souffler dans le ballon à la sortie ». Chantal, une mère de famille, continue de répéter : « Je vis seule avec deux enfants. J’ai 74 F par jour ! ».

Laurent Bertagnolio

(1) A ! 86, CGT, FSU, SUD, SGEN-CFDT, SNUI.

Collectif réduction du temps de travail.

Le collectif organise mercredi soir 14 janvier à 20 h 30, une réunion publique avec la participation de G. Filoche, initiateur d’une proposition de loi, signée par 250 inspecteurs du travail, et qui va dans le sens de la réduction du temps de travail afin de lutter contre le chômage. « Les 35 heures sans baisse de salaire, estime le collectif, sont l’occasion d’unir les salariés et les chômeurs dans une volonté commune de créer des centaines de milliers d’emplois, tout en évitant la régression sociale qu’attend le patronat avec la flexibilité généralisée.

Ce matin à 10 h. - AC ! 86, la CGT, la FSU, SUD-PTT, appellent à une nouvelle manifestation ce matin à 10 heures devant la préfecture où se tient la réunion de la cellule de crise chargée d’examiner les dossiers de demandes d’urgence.

A l’Union patronale. - La CGT de la métallurgie et comité local d’actions pour le droit au travail Châtellerault-Loudun appellent à manifester aujourd’hui à 15 h 45 à l’Union patronale de la Vienne à Saint-Georges-Baillargeaux.

Ligue communiste révolutionnaire. - Elle appelle à la manifestation de ce matin 10 heures et soutient l’action des chômeurs.

Plutôt impoli qu'inconvenant

Contraste. Dehors devant les grilles de la préfecture, retenus par des barrières et une poignée de policiers, plusieurs dizaines de chômeurs manifestent leur désespoir. A l’intérieur de la préfecture, derrière les fenêtres éclairées, champagne et petits fours circulent au milieu des invités, personnalités civiles et militaires du département, venus adresser leurs vœux au préfet Bruno Fontenaist et au président du Conseil général de la Vienne René Monory. « Tradition républicaine » oblige.

Si le préfet n’a pas hésité à sortir un instant pour dialoguer avec les chômeurs, certains invités ont boudé les petits fours et sont restés à l’extérieur, les uns pour éviter les quolibets des chômeurs, les autres par conviction. « Plutôt être impoli qu’inconvenant », souligne l’un d’eux. Pour bon nombre d’invités pas question cependant de manquer ce rendez-vous annuel, occasion de rencontrer élus et autres responsables du département.

Dans ce contexte, les élus de la gauche plurielle n’ont pas tous eu la même attitude. Les socialistes ont rebroussé chemin après une discussion serrée avec des chômeurs, tandis que les communistes et les écologistes ont, après leur rencontre avec les manifestants, fêté la nouvelle année dans les salons préfectoraux.

L-F C

Photos : Hier soir, place de la Préfecture à Poitiers… et à l’intérieur

 

 

le 22/09/2025 à 15:11

Source : La Nouvelle République du Centre Ouest

chômage, rassemblement, politique, vœux, pouvoirs publics

« Retour

Espace Militants v0.3 - UD CGT 86 - http://cgt-ud86.org

Site UD 86 - Espace militants - Espace formation