1691526/01/1998POITIERS
Pas question de laisser le mouvement se désamorcer. Après la manifestation contre le chômage de samedi, la CGT appelle à un nouveau rassemblement demain
Avec une action qui dure dans le temps comme le mouvement des chômeurs, l’une des principales difficultés rencontrées par les meneurs est bien d’éviter la banalisation du mouvement. Ainsi, AC Agir contre le chômage et la CGT, qui sont ensemble à la tête des différentes manifestations qui se déroulent régulièrement depuis un mois, veillent à ne pas laisser tomber la pression. En évitant cependant de s’essouffler dans des actions tous azimuts.
Spécialiste en la matière, le secrétaire départemental de la CGT, qui participait à la manifestation de samedi, en convenait en aparté : : « On est parti pour un combat qui risque d’être très long. Dans ce type de situation, s’il importe de ne pas désamorcer le mouvement, il est toutefois indispensable de se ménager ».
Autre donnée qui perturbe un peu les règles du jeu social traditionnel : l’impossibilité de compter sur le temps pour calmer le jeu. Ici, ce ne sont pas les retenues de salaires pour cause de grève qui risquent de faire fléchir la détermination des manifestants. Les chômeurs ont, hélas, tout leur temps. Et maintenant qu’ils ont trouvé une façon de l’occuper, il est urgent que les gouvernants se grattent un peu la tête pour leur en proposer une autre. Plus valorisante.
D’une manif à l’autre
« Depuis plus d’un mois, chômeurs, précaires, jeunes et salariés, se battent ensemble pour imposer d’autres choix de société. Pour exiger que chacun ait sa place dans le monde du travail et sa part de la richesse nationale ». C’est par ces mots qu’un responsable d’AC ! s’est adressé samedi vers 15 heures aux quelques deux cents personnes, chômeurs ou sympathisants du mouvement, venus participer au rassemblement de soutien, organisé place d’armes à Poitiers.
Résumant les temps forts de la semaine, il a rappelé les occupations de la chambre de commerce et de la médiathèque, les délégations à l’hôpital à l’ANPE, à l’ASSEDIC, à la CAF, à la mairie et dans différentes instances.
Pour l'intervenant de « CNT précaire » la façon dont le PS méprise l’action des chômeurs est révélatrice : « Les socialistes ont choisi le camp le plus juteux. Celui du patronat ». Pour la CGT, malgré les aides obtenus par la lutte, il faut continuer à peser sur le pouvoir et le patronat en élargissant le mouvement aux entreprises. Il faut très vite mettre à plat le problème de la semaine de 35 heures pour assurer son efficacité pour l’emploi.
Après ces prises de paroles, les manifestants ont fait le tour de la ville avec leurs banderoles. En passant par le tribunal, ils sont allés jusqu’à la préfecture.
Les partisans de la thèse qui prétend que le chômage est, pour le patronat, une affaire qui marche sont en train de remettre leurs pendules l’heure. Le chômage est aujourd’hui une affaire en marche.
Flanur
Sur l’agenda du militant
La trêve dominicale a été respectée. Aujourd’hui quelques rassemblements sont prévus. Mais il devrait s’agir essentiellement de préparer la grande manifestation prévue demain mardi à partir de 11 h 30 sur la place d’armes. La CGT a lancé un appel pour que, lors de ce rassemblement, travailleurs et chômeurs se retrouvent main dans la main pour défendre l’emploi, les salaires, la protection sociale et la réduction de la durée du travail.
A noter aussi, mercredi, un concert de soutien au chômeurs, organisé par AC ! Au Confort Moderne de Poitiers. A partir de 19 heures, ambiance cabaret avec la ligue d’improvisation et la formation acoustique et, à 20 h 30, concert animé par Nina Brendt, Bambo Mussxam et le trio Pépé. Participation : 20 F.
Photo : Ils étaient plusieurs centaines samedi place d’armes
Éliette : “Trop d’exclus sont sans toit”
« Je suis demandeur d’emploi longue durée. Avec tout ce que cela comporte comme difficultés. Dont les problèmes de logement qui sont souvent un grand pas pour précipiter les gens dans l’exclusion. Je milite pour que tout le monde ait un toit. J’ai mené des actions avec les moines de Ligugé, j’ai monté une association « Le Point du jour » avec laquelle nous avons demandé à la municipalité de Poitiers d’ouvrir d’urgence aux nécessiteux les locaux du Toit du monde.
« Aujourd’hui, nous devons tous être solidaires pour ne pas accepter le chômage comme une fatalité. Et certaines petites entreprises qui connaissent aussi de gros problèmes devraient être avec nous ».
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Richard : “Je veux créer mon entreprise”
« Je suis de Nouaillé-Maupertuis et je suis ici venu aujourd’hui exprimer les difficultés auxquelles je suis confronté. Après six ans dans la Marine nationale, la construction navale et de multiples formations, je suis actuellement, en stage accompagné afin de fonder une entreprise. Je veux d’abord créer mon propre emploi et d’autres ensuite. Car le secteur que je veux explorer, la filière des emplois verts, est très porteur. Il s’agit de l’entretien des jardins et espaces, la création et valorisation de paysages, etc.
« Hélas, nos dirigeants ont supprimé des aides comme l’ACRE, si bien que le financement de projets comme le mien se retrouve bloqué ».
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Samuel : “Je pense m’engager”
« Militant du comité local CGT des privés d’emplois de Poitiers, je me sens complètement concerné par cette lutte. J’étais employé dans une cafétéria de Poitiers et je me retrouve au chômage depuis le 4 décembre dernier. J’ai été de toutes les actions et de toutes les occupations. Lorsqu’on nous a virés de la chambre de commerce, cela s’est passé de façon brutale et j’ai écrit au ministre de l’Intérieur pour protester. Je n’ai toujours pas de réponse.
En avril prochain, je dois entrer dans l’armée. Je vais demander à m’engager ce qui me permettrait un travail fixe. Je me vois assez bien dans la police ou quelque chose comme ça. En attendant, le combat continue ! ».
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Philippe : « Ex-intermittent du spectacle”
« Nous en avons marre de cette société qui nous laisse de côté. C’est la solidarité qui nous a mis en mouvement. Aujourd’hui, nous sommes ensemble pour demander un autre avenir que celui qui nous attend. Un avenir que nous pourrions inventer ensemble. J’étais intermittent du spectacle et, après six ans de galère en région parisienne, je suis revenu sur Poitiers. Je suis Rmiste, situation qui ne me satisfait absolument pas, car ce n’est pas d’assistance dont nous avons besoin mais d’une activité. Personnellement, je souhaiterais trouver une formation de psychothérapeute afin de monter un lieu de vie, un endroit d’où l’on exclurait l’exclusion ».
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Jeanine : “une formation de sophrologie”
« J’ai 32 ans et je suis mère célibataire avec deux enfants qui ont huit ans de différence. Ce qui ne facilite pas la tâche pour trouver du travail. Je manifeste car si nous ne nous faisons pas entendre, personne ne se souciera de nous. Avant d’être au chômage, j’étais vendeuse, travail qui n’est pas facile à retrouver. Comme tout autre emploi d’ailleurs.
« Actuellement, mon souhait serait de faire une formation de sophrologie, mais cela coûte cher. Avec quelques personnes dans mon cas, nous avons imaginé qu’il serait peut-être possible de créer une association qui prendrait en compte les demandeurs de formation et qui pourrait servir de relais pour les aider ».
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le 27/09/2025 à 10:38
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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