1736130/04/1999CIVRAY
Le patron et le directeur des ressources humaines de Lescure-Bougon répondent de délits d’entrave au fonctionnement du comité d’entreprise... Mais les contestent.
Les dirigeants de Lescure-Bougon se sont-ils « assis » sur les textes qui fixent les règles du dialogue social au sein des entreprises ? Le procureur adjoint de Poitiers en est convaincu. La CGT et la CFDT aussi. En revanche, le patron de l’entreprise, Gabriel Guillon, 70 ans et son directeur des ressources humaines, Michel Laurendeau, 59 ans, le nient farouchement.
Tempête dans un verre de lait pour les uns, ébullition liée aux méthodes désormais en vigueur dans le monde des coopératives laitières pour les autres... Il incombe désormais au tribunal correctionnel de Poitiers de faire la part des choses, au terme d’une audience marathon qui a donné lieu à plus de quatre heures de vigoureux débats, jeudi après-midi, sur fond de restructuration du tissu coopératif laitier régional.
L’affaire trouve son origine dans la fusion des coopératives constituant le groupe Lescure-Bougon, en 1995 et dans les difficultés (19 MF de pertes) qui ont conduit les dirigeants de la nouvelle entité à demander au GLAC, donc à son directeur, Gabriel Guillon d’en assumer la direction. La réorganisation des structures de consultation de l’entreprise, dotée de façon transitoire, d’un comité central d’entreprise et de six comités d’établissements, l’implantation de son siège social à Claix (Charente) et les impératifs liés à son redressement n’ont à l’évidence pas favorisé la clarté du dialogue à la laiterie de Saint-Saviol.
Contrats non écrits
La CGT, la CFDT, l’inspection du travail de la Vienne et le procureur de Poitiers reprochent ainsi à MM. Guillon et Laurendeau une série de délits d’entrave au fonctionnement du comité d’entreprise et à l’exercice du droit syndical. L’essentiel du bras de fer porte sur des évolutions des conditions de travail et des modes de rémunération. Modifications substantielles des contrats de travail qui imposaient une consultation des élus du personnel, pour les syndicats, l’administration du Travail et le parquet. A la barre de la défense, MM. Guillon, Laurendeau et leurs avocats, Me Xavier de Roux et Me Charles Ottavy, contestent en revanche cette analyse et soulignent que les 160 salariés concernés sur le site de Saint-Saviol ne disposaient pas, auparavant, de contrats écrits.
Avocat de la CFDT, Me François Artur fait ses comptes. Avec la suppression de la prime de panier et de la pause casse-croûte qui oblige les employés à travailler vingt minutes de plus par jour s’ils veulent garder le même salaire, Lescure Bougon a « récupéré 1,3 MF sur la masse salariale ». Comme sa consœur Sylvie Martin, qui intervient pour la CGT, elle invite les magistrats à « taper du poing sur la table » pour dénoncer des faits qu’elle juge « scandaleux ».
« Une éclipse »
Me Martin rappelle que « le code du travail doit être respecté» et demande 1 F de dommages et intérêts pour la CGT. Me Artur place, en revanche, la barre à 250.000 F pour la CFDT et sollicite l’affichage ainsi que la publication du jugement. Le procureur rappelle pour sa part que les comités d’entreprise ont été créés pour favoriser l'expression des salariés et permettre « la prise en compte permanente de leurs intérêts : A Saint-Saviol, manifestement, il y a eu une éclipse ». Faits de nature à justifier deux mois de prison avec sursis et 25.000 F d’amende pour chacun des deux prévenus, estime le représentant du ministère public.
Le tribunal rendra son jugement dans un mois et demi. Délai qui ne sera pas superflu pour examiner tous les problèmes juridiques soulevés par cette affaire. Me de Roux Me Ottavy ne plaident effectivement pas que la relaxe de leurs clients. Ils contestent avant tout la compétence du tribunal de Poitiers, estimant que seule l’inspection du travail de Charente, département où se situe le siège social de l’entreprise, était compétente pour relever d’éventuels dysfonctionnements chez Lescure-Bougon. Ce qu'elle n'a pas fait.
Décision le 10 juin.
Alain Defaye
le 11/11/2025 à 15:57
Source : La Nouvelle République du Centre Ouest
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