0179211/08/1933POITIERS
Dans notre numéro portant la date du 8 courant, nous avons à cette même place, commenté l’attitude de révolte prise par le congrès des Instituteurs publics contre M. Edouard Daladier que la confiance du Parlement a placé à la tête du gouvernement. Nous avons également protesté contre le défi porté aux ministres responsables et nous nous sommes élevés contre le projet de grève à durée limitée pour la rentrée.
Nos réflexions n’ont pas été du goût de M. R. Bertholeau qui, à sa qualité de directeur de l’école publique de Smarves, joint celle de secrétaire général du syndicat confédéré des instituteurs et institutrices de la Vienne. Faisant appel à notre courtoisie, il nous demande l’insertion de la « lettre ouverte » suivante :
« Il est exact qu’entre le Gouvernement et les instituteurs un conflit a surgi qui a pour origine le déclassement des instituteurs, quant à l’âge et au calcul de leur retraite.
« Depuis 1876, les instituteurs étaient rangés dans la catégorie des services actifs, ce qui leur permettait de prendre leur retraite à partir de 55 ans et de voir leur pension calculée à raison de 1/50 du traitement moyen par année de service.
« Or à la faveur de l’art. 75 de la loi de finances du 31 mars 1932 qui offrait au Ministère des Finances des possibilités de reclassement, M. Germain-Martin faisait signer le 8 novembre dernier un décret qui écartait à l’avenir les instituteurs de la catégorie B (nouvelle appellation des services actifs) et les classer dans la catégorie A (nouvelle appellation des services sédentaires).
« Le résultat c’est que dorénavant les instituteurs ne pourront prendre leur retraite qu’à partir de 60 ans au lieu de 55 et verront leur pension calculée à raison de 1/60 du traitement moyen par année de service au lieu de 1/50.
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R. Bertholeau, secrétaire général du syndicat confédéré des instituteurs et institutrices de la Vienne.
Pour le personnel de l’enseignement public nous avons toujours eu la considération que méritent le dévouement et la conscience avec lesquels un très grand nombre de maîtres se consacrent à l’éducation des enfants. Dans l’article même qui nous attire les critiques de M. Bertholeau, il nous avait été agréable de rendre aux instituteurs un hommage d’autant plus légitime que l’exercice de leurs fonctions n’est pas toujours aisé, quelle que soit la somme de travail qu’ils fournissent pour obtenir des résultats satisfaisants.
Nous avons également déclaré que les instituteurs et les institutrices exerçaient un droit très légitime lorsque, profitant des vacances, ils se réunissent en congrès pour discuter leurs intérêts professionnels.
Voilà deux points qui ont une importance certaine sur lesquels nous sommes en accord parfait avec M. Le Directeur de l’école publique de Smarves.
Examinons maintenant les questions qui nous séparent.
Nous sommes de ceux qui pensent, qui le disent, qui l’écrivent même à l’occasion, qu’un fonctionnaire doit le respect à ses supérieurs, en l’espèce au chef du Gouvernement M. Edouard Daladier. Il n’est pas un homme soucieux de l’esprit de discipline qui ne comprenne, comme nous l’avons trop souvent déclaré ici que nous insistons encore, que le jour où les fonctionnaires syndiqués entendront imposer leur volonté, l’indépendance du gouvernement sera mise en échec de la façon la plus dangereuse pour l’avenir du pays. Une lutte de l’inférieur contre le supérieur conduirait, sur le terrain professionnel, à un choc d’une gravité évidente.
M. Bertholeau s’efforce d’expliquer cette situation en accusant les membres du gouvernement d’avoir manqué à la parole donnée. C’est à voir ; mais, même dans le corps de l’enseignement public, les éléments raisonnables - et il y en a beaucoup – parmi nos amis et abonnés – n’ont jamais admis que des revendications d’ordre professionnel soient enveloppées dans un avertissement donné à M. Daladier auquel on annonce, sur un ton comminatoire, que la grève coïncidera avec la rentrée des Chambres et marquera la chute du ministère.
C’est une affaire de conscience professionnelle.
Nous eussions aimé trouver dans la longue lettre de M. le directeur l’école publique de Smarves, un mot de regret inspiré par cette intolérable sommation ; nous l’avons cherché inutilement.
En vain également, nous avons voulu trouver, sous la plume de M. Bertholeau, une vigoureuse protestation contre le vote par le congrès des instituteurs de la motion qui met la Patrie en danger.
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Est-il vrai également, ainsi que les journaux l’ont rapporté sans être démentis, que la motion « qui met en péril la Nation » a été votée, quasiment à l’unanimité du congrès au chant de « l’Internationale » ?
Nous eussions été heureux de connaître le sentiment du représentant du Syndicat poitevin des instituteurs sur ces diverses questions qui présentent un grand intérêt pour tous, notamment pour les éducateurs de la jeunesse.
Notre conclusion est bien simple.
En ce qui concerne les réclamations professionnelles, nous dirons à M. Bertholeau qu’elles pouvaient être traitées dans le calme qui convient aux solutions pratiques et légales.
D’autre part il est impossible à tout homme de bon sens de ne pas être choqué par un spectacle comme celui que donnera le Congrès vitupérant contre le chef du Gouvernement. Les instituteurs qui criblent leurs chefs de critiques acerbes paraissent assez mal qualifiés pour inspirer aux enfants le respect dû aux pouvoirs publics.
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M. le directeur de l’école publique de Smarves croit-il que le redressement financier pour lequel le gouvernement a besoin du concours de tous pourra s’effectuer alors que les contribuables exténués auront la preuve que les lois cessent d’être appliquées quand on sait parler sur un certain ton à ceux qui ont mission de les faire appliquer.
Il ne s’agit pas de dresser les contribuables contre les syndiqués, mais ceux-ci pourraient-ils s’étonner de trouver contre eux tout ce qui reste d’éléments d’ordre dans le pays ?
M. Bertholeau pense-t-il que les motions votées par les délégués des instituteurs sont de nature à leur inspirer les sympathies de ceux qui ne sont pas des agents des services publics ?
Nous terminons en engageant notre honorable contradicteur à retenir ces diverses questions comme sujets de méditations pendant les vacances scolaires.
I. Philouze.
le 18/06/2020 à 18:12
Source : L'Avenir de la Vienne
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