« Retour

0183624/02/1934CHATELLERAULT

COMMENT LA MUNICIPALITE A FAIT MANŒUVRER LES CHÔMEURS

La crise du chômage a été cet hiver bien plus grave qu’elle ne l’avait jamais été.

En plein mois de décembre, pendant la période des grands froids, il y eût, à Châtellerault, près de 200 chômeurs.

De septembre à décembre, à part le Comité de chômeurs, présidé par M. Audinet et les subventions de l’Union de commerçants et industriels, personne ne s’occupa d’une façon active et désintéressée des sans-emplois châtelleraudais.

Sans doute la Municipalité se décida-t-elle en septembre, à ouvrir les chantiers municipaux mais ce fut sans empressement, sans ardeur, qu’elle prit le parti d‘agir ainsi.

Ce ne fut pas sans résistance non plus, qu’au mois de septembre, elle commença par envoyer, sans être entourée d’aucune garantie, une douzaine de chômeurs près de Niort, pour travailler à un chantier de terrassement.

Employés dans des conditions inacceptables, les chômeurs durent revenir et c’est à la suite de cette triste expérience qui avait coûté près de 1.000 fr. à la ville que la Municipalité se trouva dans l’obligation morale, sinon matérielle, d’ouvrir une carrière au Sanital.

.../…

Voici où nous en étions lorsqu’éclate, le lundi 12 février, la grève de 24 heures à l’occasion de laquelle on s’efforça d’apporter dans un but purement politique et électoral tout un bouleversement dans l’organisation des chômeurs. Il faut dire, il faut même affirmer avec force et avec cette certitude que les chômeurs confirmeront, que pendant les mois de septembre, octobre, novembre, décembre et janvier, mois pendant lesquels le chômage battit son plein, il ne fut jamais question de considérations politiques.

Jamais un chômeur ne fut « sondé » afin de savoir s’il était communiste, socialiste, radical ou simplement républicain. Jamais il ne fut question de batailles électorales pour cette bonne raison que jusqu’en janvier on ignora qu’il y aurait des élections municipales complémentaires.

Qu’ils soient blancs, rouges, roses ou même tricolores les chômeurs furent traités sur le même pied d’égalité avec cette seule considération de s’efforcer d’apporter un peu d’amélioration à eux et leur famille et de soulager leur détresse.

Bien que ce soit des travailleurs manuels ne possédant qu’une instruction rudimentaire, les chômeurs surent quand même faire la distinction entre ceux qui penchaient sur leur infortune sans y être moralement ou matériellement obligés et ceux qui ne s’occupaient d’eux que parce qu’ils détenaient une fonction de Maire, de 1er adjoint ou de conseiller municipal.

Un courant se dessina et cette situation ainsi créée irrita fortement notre Maire.

Au banquet du personnel communal, le samedi 10 février, il fit sentir à ses employés qu’ils ne le soutenaient pas suffisamment du côté des chômeurs.

Comme s’ils n’eussent attendu que ce signal ; les plus agités – Arnault et Octobre en tête – se mirent aussitôt en action.

Il faut que les électeurs châtelleraudais sachent que dans une réunion qui avait eu lieu la veille, à la Bourse du Travail, les employés communaux – Arnault et Octobre toujours en tête – avaient décidé qu’ils fermeraient la « boîte » c’est-à-dire les bureaux de l’Hôtel de ville, le lundi 12 février, jour de grève politique.

Ils avaient – leur audace est sans bornes et l’insouciance de la Municipalité vis-à-vis d’eux frise l’inconscience – réglé au cours de cette réunion le fonctionnement des services impossibles à arrêter complètement, ébouage, état civil, et avaient décidé, il faut le souligner bien vivement, que malgré cette cessation volontaire du travail, leur journée leur serait payée par la Municipalité, c’est-à-dire par le contribuable.

Le lundi matin pas un employé, à part ceux que le syndicat avait autorisé à travailler, ne se présentait à la Mairie.

Presque tous les chômeurs, eux par contre, avaient commencé leur travail à l’heure habituelle et ils accomplirent leur séance de travail de la matinée.

Ce geste les honore et ne peut que leur attirer les sympathies de la population châtelleraudaise.

Au début de l’après-midi les principaux « déserteurs des bureaux de la mairie » avec journée payée par les contribuables, se présentèrent sur les chantiers municipaux.

Bon gré, mal gré, ils obligèrent les chômeurs à cesser le travail et comme certains faisaient remarquer qu’ils n’avaient pas d’argent à perdre, les « déserteurs » leur annoncèrent que leur demi-journée de grève leur serait payée par les contribuables châtelleraudais.

On y mettait qu’une condition : c’est qu’ils assistent à une réunion dans l’après-midi à la Bourse du Travail, pour former un syndicat cégétiste de chômeurs et qu’ils soient présents au grand meeting qui se tiendra ensuite au Splendid cinéma.

Dociles et même enchantés d’une pareille aubaine, les chômeurs suivirent les meneurs municipaux, encouragés dans leur entreprise, par la Municipalité qui emploie tous les moyens pour se maintenir à l’hôtel de ville malgré la vague d’antipathie qui grossit de plus en plus à Châtellerault.

Sous l’impulsion des « déserteurs » municipaux, Arnault et Cie, sous la pression même, on jeta les bases du syndicat cégétiste mais surtout politique et électoral.

C’est si vrai que certains chômeurs posèrent la question de la collaboration avec M. Audinet mais naturellement le socialiste Arnault et le communiste Octobre et les agents électoraux municipaux ne voulurent rien entendre.

On était en pleine bataille des employés communaux transformés en propagandistes électoraux sur les « suggestions » de la Municipalité devaient s’employer à ramener les chômeurs du côté des candidats favorables à la municipalité en écartant tous ceux qui étaient d’un avis contraire bien qu’ils se soient depuis plusieurs mois consacrés à la défense des sans-travail.

Quelques jours plus tard le syndicat politique était définitivement créé et pour qu’il puisse grouper le maximum de chômeurs les représentants de la Municipalité Arnault, Octobre et Cie annonçaient qu’il n’y aurait pas cette année de cotisation à payer.

Enfin samedi dernier coup de théâtre, pour gagner définitivement les chômeurs à la cause municipale. Mais coup de théâtre qui met lamentablement en lumière l’esprit de démagogie et l’incohérence qui règnent à l’Hôtel de ville ainsi que le gaspillage des finances communales.

Pendant que le Maire donnait lecture à ses collègues du Conseil municipal des deux lettres qu’il avait adressées au Préfet pour signaler la triste situation financière de la ville de Châtellerault et demander une subvention qui doit être d’environ 150.000 fr. afin de pouvoir continuer à payer les salaires des chômeurs, le fonctionnaire communal M. Octobre mué pour l’opération électorale à accomplir, en militant syndical, annonçait aux chômeurs que ceux qui faisaient deux jours par semaine à 22 francs par jour en ferait trois et que ceux qui en faisaient trois en feraient quatre, certains secours en nature étant en outre augmentés.

M. Octobre se garda bien de dire pendant combien de temps cette collaboration durerait et pour cause c’est qu’après les élections les malheureux chômeurs, exploités par de soi-disant militants cégétistes qui ne sont autres que des employés à la solde de la municipalité, dupés en outre par celle-ci, ont beaucoup de chance pour être considérés pour des « individus peu intéressants », comme le disait il n’y a pas très longtemps encore, l’adjoint incapable et ridicule Gustave Joubert.

Voilà comment, au détriment des contribuables et pour le seul souci de son maintien à l’Hôtel de ville la municipalité a fait manœuvrer les chômeurs.

Dans ces conditions un seul devoir est dicté demain aux électeurs, même s’ils n’étaient pas tout à fait d’accord au point de vue politique pour les candidats d’action républicaine, même s’il y avait sur la liste certains noms de nature à provoquer chez eux une hésitation, ils ont néanmoins pour obligation morale d’envoyer une opposition au Conseil municipal pour protester contre toutes ces manœuvres et les empêcher de se renouveler. Entre les deux oppositions communiste ou action républicaine, les socialistes s’entendant avec les radicaux comme larrons en foire, ils ne doivent avoir un seul instant d’hésitation, ils doivent voter pour celle que représenteront au Conseil municipal les citoyens Pichard, Dalbert, Martin-Minet, Arnoux, Philipponneau, Lusseau, Pascault, candidats de la liste de défense des intérêts communaux.

 

 

le 22/06/2020 à 17:40

Source : L'Avenir de la Vienne

comité chômeurs, municipalité, syndicat

« Retour

Espace Militants v0.3 - UD CGT 86 - http://cgt-ud86.org

Site UD 86 - Espace militants - Espace formation