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0193625/02/1936CHAUVIGNY

CÉRAMIQUE - POURQUOI NOUS SOMMES EN GRÈVE

Sous ce titre, le Comité de grève nous adresse, avec prière d’insérer, la note suivante :

« Des communiqués de presse plus ou moins tendancieux ayant été publiés sur la grève de la Céramique, nous tenons avant tout à rétablir la vérité.

« Nous le ferons sans aucune passion en excluant toute démagogie car, forts de notre droit, nous entendons poursuivre notre mouvement dans le calme et la dignité, ce qui constitue à nos yeux, la plus grande force des travailleurs organisés.

« Venons-en aux faits ; nous allons les énumérer et nous tenons à l’appui de ces affirmations toutes les preuves que l’on pourra exiger. Nos arguments sont loyaux, nous demandons aux gens qui ont le sens de l’humanité, de bien vouloir nous écouter, ils verront que contrairement aux nouvelles tendancieuses, nous luttons non pas pour une augmentation de salaire mais bien seulement pour obtenir ce qui nous a été enlevé sur nos propres salaires.

« Que le lecteur sache seulement que depuis quatre ans nos salaires ont été diminués de plus de 30 % et que, en particulier, depuis deux ans, outre les premières de ces diminutions M. Deshoulières avait cru devoir diminuer nos salaires encore une fois de 5 % pour, disait-il, lutter contre la concurrence des fabrications étrangères.

« Le mouvement de grève a donc été déclenché mercredi dernier à 10 heures du matin très exactement.

« Depuis plus d’un an déjà nous réclamions à M. Deshoulières de bien vouloir abroger une mesure vieille de deux ans et que rien plus à nos yeux ne justifiait. Le patron nous avait fait patienter, il arguait de la concurrence, de la crise, etc. Nous avons attendu. Dernièrement, en fin 1935, à la veille d’un voyage qu’il devait faire à Paris, il nous fit des promesses. Il devait nous donner plus que les 5 % réclamés.

« Deux mois se sont écoulés depuis et malgré nos rappels M. Deshoulières restait sourd. Lassés par un silence qui n’avait que trop duré, nous nous réunissions le mardi 18 et décidions de lui poser la question une dernière fois. C’est ce qui fut fait le 19 au matin. M. Deshoulières nous reçu vertement et refusa de discuter ; nous lui indiquâmes qu’il avait jusqu’à dix heures pour réfléchir.

« Il ne répondit point et à l’heure indiquée nous avons quitté le travail.

« Depuis notre grève se déroule sans aucun heurt, mais avec une volonté tenace, elle durera jusqu’à complète satisfaction.

« Dès le début de notre mouvement de grève, notre camarade Souchaud, secrétaire de l’Union des syndicats de la Vienne, vint présider nos réunions et nous assister de ses conseils. C’est lui-même qui proposa de s’en remettre à l’arbitrage du maire de Chauvigny qui, en l’espèce est une personnalité neutre. Il en fut ainsi décidé par l’ensemble des grévistes.

« Par les soins du maire, M. Aubrun, auquel nous tenons à rendre hommage pour son dévouement et son impartialité, le comité de grève se trouvait réuni avec M. Deshoulières dans une des salles de la Mairie, vendredi 21 à 17 heures. Notre camarade Souchaud, au cours de la discussion, fit un effort extraordinaire de conciliation poir amener le patron à des sentiments raisonnables. Il souligna la modicité des salaires dans l’industrie de la céramique et fit un rapprochement entre les taux pratiqués à Limoges et Vierzon et ceux de Chauvigny. De cette comparaison il résulte un écart de plus de 40 % alors que la fabrication de Chauvigny égale celle de Vierzon. Quant au pourcentage que représente le salaire dans le prix de revient de la matière fabriquée, il luit fut aisé de démontrer – en prenant seulement les chiffres donnés par M. Deshoulières, soit 42 % - qu’il était encore bien inférieur a celui de certaines industries.

« La discussion dura 40 minutes au cours desquelles nous avons défendu avec âpreté notre point de vue. Nous n’avons rien pu obtenir de cet homme dont les arguments sont sans valeur réelle.

« A l’issue de cette entrevue sans résultat et après avoir rendu compte unanimement nos camarades ont décidé de continuer la grève jusqu’à complète satisfaction.

« Nos prétentions sont-elles exagérées ? Quels sont donc nos salaires ? Aucun ouvrier céramiste à Chauvigny, même pris parmi les spécialistes ne gagne 700 francs par mois. M. Deshoulières a dû le reconnaître au cours de la discussion. Certains d’entre nous gagnent à peine 12 francs par jour. Nous ne parlerons pas, bien entendu des femmes dont les salaires sont encore plus bas, ce qui n’est pas peu dire.

« Le patron se plaint que l’année 1935 fut pour lui déficitaire et qu’il ne paiera pas l’impôt sur le revenu ; les ouvriers eux en paieront-ils avec 500 ou 600 francs par mois (et encore ceux-là sont favorisés).

« M. Deshoulières estime que la remise des 5 % enlevée des salaires, se traduirait pour lui par une dépense supplémentaire de 35.000 francs par an. C’est donc 70.000 fr. qu’au cours de ces deux années il a mis dans sa poche.

« Voilà donc les faits, la population chauvinoise qui connaît bien les ouvriers céramistes, a jugé le geste que nous accomplissons, les nombreuses marques de sympathie qu’elle nous témoigne en sont la preuve irréfutable.

« Nous l’avons dit au cours de notre délégation, nous ne considérons pas la grève comme une fin mais comme un moyen, nous avons dû y recourir, nous l’acceptons et la mènerons avec courage, conscient de notre droit et pour obtenir les moyens de vivre dignement, nous et nos familles.

Le Comité de grève.

le 01/07/2020 à 14:25

Source : L'Avenir de la Vienne

céramique, faïence, salaire

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