0195013/06/1936PLEUMARTIN
Le syndicat des ouvriers carriers de Pleumartin, constitué dimanche dernier, adresse à M. le Préfet la lettre qui suit.
A sa lecture on se rendra compte de l’exploitation dont ces malheureux ouvriers sont les victimes.
Le Préfet est saisi de la question, il doit donner l’ordre à son ingénieur en chef du service vicinal de faire cesser ce qu’il semble avoir toléré.
Les pierres destinées aux routes doivent être payées à un prix normal, ce ne sont pas les ouvriers qui doivent faire les frais des adjudications au rabais.
Henri Souchaud
Pleumartin le 9 juin 1936
Le syndicat des ouvriers carriers de Pleumartin et de la région, à Monsieur le Préfet de la Vienne
Monsieur le préfet,
Nous avons l’honneur d’attirer votre attention sur la situation qui est faite à tous nos corporants occupés dans les carrières des adjudicataires du service vicinal.
Cette situation nous paraît tellement difficile que nous avons cru devoir constituer un syndicat ouvrier conformément à la loi de 1884 afin de défendre ce que nous considérons être pour nous un droit strict.
Il est certain sinon probable que vous ignorez cette situation, une rapide enquête que vous pouvez faire mener par vos services et en particulier votre ingénieur du service vicinal, vous convaincra facilement de la véracité de nos affirmations.
Voilà les faits.
Nous sommes dans la région de Pleumartin, environ 70 qui travaillons pour les adjudications du service vicinal notamment pour MM. : Maigre, de Pleumartin ; Paille, de Blanc ; Raymond, de Cenon ; Dubois, de Bonneuil-Matour ; Lamour, de Poitiers.
Or dans ces exploitations aucune des lois sociales n’est appliquée.
1° Nous ne touchons pas d’allocations familiales malgré la loi du 11 mars 1932 (applicable dans les carrières depuis le 1er octobre 1933) ;
2° Nous ne sommes pas immatriculés aux Assurances sociales, malgré la loi du 30 avril 1930 et en particulier l’article 1er, paragraphe 5 du décret-loi du 30 octobre 1935 ;
3° Nos employeurs ne sont pas assurés contre les accidents, malgré la loi du 9 avril 1898 ;
4° Certains employeurs n’occupent que de la main-d’œuvre étrangère, à l’exclusion de tout ouvrier français ;
5° Nos salaires ne sont pas payés tous les 15 jours et tous les mois ainsi qu’il est spécifié à l’article 44 du Livre 1er du Code du travail.
Nous pensons donc que dans les chantiers ayant fait l’objet d’un cahier des charges et par conséquent d’un marché passé pour le compte du département, de semblables pratiques qui constituent une violation flagrante de toutes les lois en vigueur, sont absolument intolérables.
…/…
Nous sommes des ouvriers qui voulons vivre honnêtement de notre travail, nous n’entendons pas subir de semblables humiliations. Nous pouvons prouver en effet que pas un d’entre nous, en travaillant de 11 à 12 heures par jour, ne gagne pas plus de 20 à 21 francs. Cependant nul ne contestera le dur labeur d’un carrier payé 19 fr. et quelques fois moins pour un mètre cube de cailloux extrait, cassé et charge sur le camion.
Nos employeurs ont à leur disposition des moyens que nous ne qualifierons pas, mais qui leur permettent de violer impunément les lois sociales. C’est ainsi que certains font signer aux ouvriers un contrat par lequel ces derniers s’engagent à payer 0,50 par mois comme « droit de carrière ». Muni de ce contrat les adjudicataires nous considèrent comme des patrons exploitant pour notre propre compte, etc…
C’est une immoralité.
Faut-il encore citer le cas d’un de nos camarades accidenté gravement ces jours derniers dans une carrière. Du fait que son patron n’est pas assuré c’est nous autres qui, par solidarité, lui venons en aide en lui versant ce que nous pouvons.
Nous vous demandons, Monsieur le Préfet, de vous pencher sur notre sort et nous faire rendre justice, c’est à vous et à vous seul, qu’il appartient de faire cesser ce scandale, nous vous demandons de n’y pas manquer.
…/…
Pour le syndicat et par ordre, le secrétaire.
le 01/07/2020 à 19:43
Source : Le Front Populaire de la Vienne
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