« Retour

0228430/04/1938POITIERS

LE XXVIe CONGRÈS DÉPARTEMENTAL DES SYNDICATS CONFÉDÉRÉS DE LA VIENNE

Le 26e congrès départemental des syndicats confédérés de la Vienne s’est réuni dimanche à la Maison du Peuple.

Lorsqu’à 9 h. 30 la séance est ouverte dans la vaste salle des fêtes, près de 250 délégués sont présents, appartenant aux différentes organisations du département.

M. Chevalme, secrétaire de la Fédération des métaux, préside, assisté de MM. Chertreau (Poitiers) et Limousin (Châtellerault).

Sur la scène ont également pris place : MM. Souchaud, secrétaire général de l’Union départementale ; Gelin et Quintard, secrétaires-adjoints ; Collas, trésorier ; Béatrix, représentant l’U.D. de l’Indre-et-Loire ; Masbatin, représentant de l’U.D. de la Haute-Vienne ; Ratineau, représentant l’U.D. de la Charente ; Moussier, représentant de la 5e région du bâtiment.

La commission de vérification comprend : MM. Poudret ; Laire, Boizier, Fougères, Veyrier, Ledoux.

M. Gelin donne lecture du procès-verbal du dernier congrès (congrès de Loudun). Ce procès-verbal est adopté.

Le rapport moral

Henri Souchaud lit le rapport moral.

Rappelons les principaux chapitres de ce document, si clair et si complet :
Effectifs syndicaux, conventions collectives, litiges, différents, conciliation et arbitrage ; allocations familiales ; commissions locales et départementales ; application des lois sociales ; rassemblements populaires ; manifestations syndicales ; unité syndicale ; loisirs et éducation ouvrière ; tâche d’avenir et conclusion.

Voici la conclusion :

« Soyons toujours unis. Nos syndicats, nos Unions, nos Fédérations, la Confédération générale du travail jouissent d’une autorité incontestable. Ne permettons pas qu’il y soit porté atteinte. Ne faisons rien qui puisse porter flanc à ces atteintes. Continuons à opposer notre force unie à celle du capitalisme pour l’amélioration constante du sort des travailleurs.

« Il faut que l’on sache que si nous marquons notre volonté de paix sociale, nous n’entendons être ni dupes, ni victimes de certaines libertés et de certains privilèges jusque-là laissés aux puissances économiques et financières susceptibles de mettre en péril l’intérêt de la nation, de la démocratie, de la paix.

« Notre mot d’ordre reste toujours : assurer aux travailleurs le bien-être et la liberté. »

Ce rapport est suivi de la signature de MM. Henri Souchaud, Louis Gelin, Pierre Quintard et André Collas.

Sa lecture est vivement applaudie.

Aristide Pouilloux (Châtellerault) demande qu’on lie la discussion du rapport moral à celle du rapport sur l’activité des Unions locales.

Aristide Pouilloux donne des renseignements sur l’activité de l’Union locale de Châtellerault. Il note la progression constante du nombre des syndicats. Le dernier-né est le syndicat des salariés agricoles de l’arrondissement de Châtellerault. L’activité a été féconde.

Le représentant de l’Union locale de Châtellerault traite tour à tour du pouvoir d’achat des classes laborieuses et de l’avenir des organisations syndicales.

Guillon, de l’Union locale de Montmorillon, parle au nom d’un groupement qui n’a que quelques mois d’existence, mais qui a déjà rendu de grands services. Il dit ce qu’a été la propagande syndicale dans une partie du département qui fut longtemps délaissée. Il souhaite qu’il y ait un syndicat du bâtiment par canton. Il parle ensuite de l’application des lois sociales, trop négligées dans les entreprises de travaux publics et s’attache à l’étude du problème agricole, du métayage.

Veyrier montre les difficultés de la tâche entreprise dans la région de Loudun. Cependant, grâce à beaucoup de persévérance, des résultats intéressants ont pu être obtenus.

Ledoux expose la situation à Chauvigny. Le syndicalisme y est actif en dépit de certaines hostilités difficiles à vaincre.

Le rapporteur – M. Pol Jouteau, excusé – émet le vœu que le gouvernement prenne des mesures en faveur de l’industrie de la Pierre.

Souchaud enfin fait le rapport sur l’Union locale de Poitiers. La situation est bonne. Des cours professionnels fonctionnent bien. Les réunions syndicales sont très suivies. Douze conseillers prud’hommes ouvriers ou employés, appartiennent aux syndicats confédérés. Collège du travail, comité des loisirs, aides aux réfugiés espagnols retiennent l’attention de l’Union locale.

Bouriau, du syndicat des instituteurs, demande que la question du Rassemblement populaire soit extraite de rapport moral.

« Absolument d’accord » répond Souchaud.

Légeron, des contributions indirectes, attire l’attention du congrès sur la question du droit syndical des fonctionnaires.

Lemoine, du gaz de Loudun, parle du travail continu dans les petites usines.

Souchaud répond aux diverses observations présentées et indique ce qui doit être fait au sujet des violations des lois sociales. Un ordre du jour sera transmis au préfet.

Le rapport moral est mis aux voix, sous réserve du paragraphe du Rassemblement populaire. Il est adopté à l’unanimité.

Le rapport financier.

On adopte ensuite le rapport de la Commission de vérification des mandats, présenté par Veyrier, et le rapport financier, présenté par André Collas, trésorier, ainsi que le rapport de la Commission de contrôle présenté par Chaussebourg.

La séance du matin est ensuite levée.

Au cours de la séance de l’après-midi un débat s’engage sur la situation politique.

La situation nationale et internationale

Henri Souchaud fait un exposé sur la question.

La CGT a donné son adhésion au programme du Rassemblement populaire. Quelques réserves avaient été faites. Elles portaient sur l’activité politique et l’activité électorale pures. Elles se sont justifiées et se justifient encore.

« Nous avons donné notre concours loyal et absolu, mais nous avons apporté des critiques quand elles nous apparaissaient fondées.

« Les déboires que nous avons éprouvés, nous les avions prévus, parce qu’on réunissait des éléments qui n’étaient pas habitués à batailler ensemble. Mais il y avait une lutte à engager contre le fascisme, qui n’est pas encore complètement terrassé.

« Nous avons établi un programme ensemble, les partis politiques et le syndicat. C’était surtout un programme économique, dans lequel on avait inclu des réformes de structure nous paraissant indispensables après deux années d’expérience, une partie de ce programme seulement a été réalisé. La semaine de quarante heures, les congés payés, les conventions collectives et d’autres lois sociales ont été votées. Puis il y a eu un recul, une « pause » créant un certain mécontentement.

« La question s’est donc posée de savoir qu’elle allait être la position de la CGT ?

« Malgré les erreurs et les fautes, nous avons pensé qu’il fallait maintenir la Rassemblement populaire et faire en sorte que tout le programme aboutisse.

« Mais aujourd’hui le Rassemblement populaire est contrebattu. Faut-il pour cela abandonner la partie ? Faut-il donner satisfaction au grand patronat ou, au contraire, entreprendre une campagne plus importante pour essayer de galvaniser à nouveau le pays ?

« Toute la question est là. »

Cependant Souchaud pense qu’une partie du programme n’étant pas encore réalisée, il appartient à la CGT d’indiquer qu’elle est sa volonté ferme.

Avec un certain regret, nous sommes obligés de constater qu’il n’est plus question du « statut moderne du travail ».

Il n’est pas trop tard pour rétablir la situation.

Certaines autres améliorations sociales ne peuvent être obtenues sans réformes de structure.

La retraite des vieux travailleurs exige qu’on trouve le moyen de mettre dans les caisses de l’état quelques milliards.

Des projets ont été établis par la CGT, comportant des nationalisations pour réaliser le programme, il faut qu’on le veuille vraiment.

Souchaud s’explique ensuite sur la situation internationale :

« Je n’accepte pas, dit-il, et je n’accepterais jamais de considérer la guerre comme fatale. Nous sommes, sans doute, obligés de répondre aux menaces qui nous viennent d’autres pays. Mais si la classe ouvrière ne réagit pas, on fera d’elle en 1938, ce qu’on a fait d’elle en 1914. Avant de se lancer dans une aventure il faut tenter autre chose, causer avec nos camarades. Tant qu’on n’aura pas tenté de rassembler tous ceux qui tout à perdre dans la guerre, on n’aura pas fait ce qu’on doit.

La guerre n’a jamais rien résolu. Croyez-vous qu’une prochaine guerre consoliderait la démocratie ? Nous en sortirons au contraire plus meurtris, plus vaincus.

« Unissons d’abord les prolétaires dans les pays libres. Faisons appel au Front du travail et essayons de trouver la formule qui nous évitera la guerre. Si nous faisons cela les gouvernements réfléchiront.

« Invitons la CGT d’abord, l’internationale syndicale ensuite, à réaliser cette œuvre.

Un rapport de Jules Pouilloux

Jules Pouilloux présente ensuite un rapport dont voici la conclusion :

« Alors que proposez-vous ? dira-t-on.

« La répudiation solennelle de toute la politique de guerre faite depuis 20 ans. Il faut déclarer la paix au monde, il faut organiser une grande conférence de la paix, où tous les peuples à égalité de droits, discuteront et régleront tous les problèmes qui se posent : ethniques, économiques, territoriaux, coloniaux. Franchement et généreusement il faut tendre la main à tous les peuples, y compris les allemands de 1938, puisqu’on a refusé de discuter avec ceux de 1928, qui étaient en république. Nos démocraties, mieux nanties devront donner plus qu’elles ne reçoivent nous objectera-t-on.

« Oui, bien sûr, il nous faut payer la paix.

« De même c’est le prix de sacrifices que nos privilégiés achètent la justice sociale. Mais peut-on payer la paix un trop haut prix ?

« Conçoit-on l’immense détente qui résulterait de cette attitude faisant suite à une longue politique de hargne, de menaces, de défis réciproques.

« Voit-on Hitler ou Mussolini menant leurs peuples composés d’hommes qui ont des femmes, des enfants ; des hommes qui veulent vivre comme nous ; contre le peuple anglais ou le peuple français qui leur tend une main fraternelle et s’offre à les aider à vivre ? Alors l’apaisement serait possible, alors on pourrait parler désarmement et sécurité collective. Alors on pourrait fonder une société des Peuples. Alors on verrait la fin de la crise économique, fruit de l’anarchie, conséquence de la guerre et génératrice de guerre.

« Hors de là pas de salut, ou traiter ou se battre. La tension actuelle rend ces négociations non pas impossibles mais indispensables. Toutes les fautes se paient et plus on attend et plus on les paie cher. En tout cas nous nous refusons à admettre que nos fautes et celles de nos prédécesseurs se paient avec la peau des jeunes qui sont innocents. Nous voulons une paix humaine, basée sur la justice humaine et non sur des textes juridiques fabriqués pour des intérêts inhumains.

« Et tant qu’on n’aura pas essayé cette œuvre d’assainissement, nous refusons de nous associer à toutes ces luttes d’influence impérialistes, à toutes ces querelles de prestiges qui cachent de sordides intérêts matériels.

« Nous nous désolidarisons de tous ces meneurs de jeu qui sont à la fois les ennemis du peuple et les ennemis des peuples.

« Nous refusons de nous laisser ligoter dès le temps de paix.

« A bas l’union qui est une duperie ! A bas la guerre entre les peuples qui est un crime !

« Vive le syndicalisme révolutionnaire et pacifiste.

La discussion

Aristide Pouilloux prend ensuite la parole.

Il déclare que se retirer du Rassemblement populaire n’est pas une solution.

« Le Rassemblement populaire sera ce que nous le ferons, si nous savons agir en son sein avec assez d’autorité. »

Puis il indique que, s’il est possible de causer avec l’Allemagne officielle, il est impossible de causer avec les travailleurs allemands, ceux-ci, quand ils ne sont pas emprisonnés sont baillonnés.

La paix ne doit pas être seulement la sécurité du lendemain, mais aussi celle de l’avenir. La non-résistance mène à l’esclavage et l’esclavage n’empêche pas la guerre.

Aristide Pouilloux examine ensuite le problème espagnol.

Pour lutter en faveur de la paix, conclut-il, il faut renforcer la démocratie chez nous par l’application intégrale du programme du Rassemblement populaire.

Ensuite Bouloux se déclare à son tour, partisan de maintenir l’adhésion au Rassemblement populaire. Mais, lui aussi demande que son programme soit réalisé. Il estime qu’en ce qui concerne la politique extérieure les gouvernements ont manqué à leurs devoirs. Le fascisme c’est la guerre. Bouloux rappelle à ce sujet les circonstances de la conquête de l’Éthiopie et de la guerre d’Espagne. Qu’elle a été la réaction des démocraties ? Elle a été marquée d’une grande hésitation. Ainsi est née la politique de « non intervention » en contradiction avec les traités de commerce. Bouloux estime que le seul moyen de sauver la paix est de sauver l’Espagne républicaine.

Souffrignon, au nom du syndicat des cheminots, présente un rapport très étudié sur les origines du fascisme et les réformes de structure. Il y ajoute quelques considérations personnelles fort intéressantes.

Bouriau précise la position du syndicat des instituteurs.

Souchaud rappelle ce que sont les revendications essentielles de la classe ouvrière. Bien des questions restent à régler, concernant les délégués ouvriers, les conventions collectives, l’embauchage et le débauchage… Souchaud demande que le congrès fasse connaître sa volonté par un vote unanime, confirmant les décisions prises au dernier Comité confédéral de la CGT, sur le statut moderne du travail. « Nous avons tenu nos engagements, dit-il, demandons aux parlementaires de tenir les leurs ».

Quelques observations sont ensuite présentées par Robert et par un autre délégué, puis Chevalme prend la parole.

Le discours de Chevalme.

Chevalme rappelle tout d’abord les origines du Front populaire dont la formation a été la conséquence des évènements de 1934. La grève du 12 février, riposte à l’émeute du 6 février, a été le début du grand Rassemblement.

…/…

Une résolution est adoptée à l’unanimité

Lecture est alors donnée de la résolution du congrès qui est adopté à l’unanimité.

En voici le texte :

« Le vingt-sixième congrès de l’Union départementale des syndicats ouvriers de la Vienne se félicite des résultats obtenus dans le domaine social et ceci grâce à l’action déployée par la classe ouvrière et par les militants responsables de la CGT auxquels il renouvelle sa sympathie et sa confiance.

Il affirme que la volonté des travailleurs est de rester unis pour défendre toutes les réformes acquises et pour la réalisation de celles qui figurent dans le plan de la CGT et apparaissent comme indispensables.

Il demande que des mesures énergiques soient prises contre ceux dont la volonté est de s’opposer à l’application des lois sociales et dénonce l’arbitraire patronal qui se manifeste sous des formes diverses et notamment par la violation systématique des conventions, le non-respect des sentences arbitrales et des lois sociales, etc..

Il pense qu’il n’est plus possible – étant donné certains faits récents - de différer la discussion et le vote du statut moderne du travail, lequel devra contenir des mesures propres à protéger les travailleurs.

Le congrès réclame plus particulièrement :
   a) L’extension des lois sociales à toutes les catégories de salariés, y compris les travailleurs à domicile.
   b) La reconnaissance du droit syndical aux fonctionnaires.
   c) Le respect du droit des femmes au travail.
   d) L’augmentation du taux des allocations familiales et la modification de la loi du 11 Mars 1932.
   e) L’adaptation des salaires au coût de la vie afin de conserver aux travailleurs leur pouvoir d’achat.
   f) L’organisation de la lutte contre la vie chère.
   g) Le vote par le Parlement d’une législation sociale pour les travailleurs de la terre.
   h) Le vote sans délai de la loi sur la retraite des vieux travailleurs.

Affirmant à nouveau son attachement profond au Rassemblement populaire, expression des idées de liberté individuelle et de progrès social, le Congrès déclare que le programme établi en 1936 doit être intégralement réalisé et notamment certaines nationalisations.

Il condamne avec énergie les tentatives criminelles de destruction de la paix intérieure et des institutions démocratiques et réclame un châtiment exemplaire pour tous les coupables, si hauts placés soient-ils.

Il renouvelle sa solidarité à l’endroit des combattants républicains espagnols qui luttent pour la liberté et prend l’engagement de les soutenir moralement et matériellement.

Il estime que le problème de la paix doit être placé au premier plan et que tout doit être tenté pour faire reculer la guerre. Pour mener cette politique nécessaire le congrès estime que seul un gouvernement constitué à l’image du Rassemblement populaire paraît qualifié et il adjure tous les hommes de bonne volonté d’avoir à unir leurs efforts pour maintenir la paix dans le monde.

Il donne mandat aux militants responsables pour œuvrer dans le sens indiqué par la présente résolution.

La motion de Jules Pouilloux.

Jules Pouilloux avait déposé une motion à la suite de son rapport.

Le vote donne les résultats suivants : 116 Mandats pour l’adoption ; 54 mandats contre et 96 mandats pour l’abstention.

La motion, n’ayant pas obtenu la majorité des mandats, est rejetée.

Renouvellement

On procède ensuite aux élections pour le renouvellement des membres sortants du bureau. André Collas est réélu comme trésorier et Pothet (bâtiment) est désigné comme secrétaire-adjoint.

Limousin (Châtellerault) et Guillon (Montmorillon) feront partie de la Commission exécutive.

Chevalme tire ensuite les conclusions de ce congrès particulièrement réconfortant et la séance est levée à 19 h. 30.

Le prochain congrès aura lieu à Poitiers.

 

 

le 24/08/2020 à 16:37

Source : Le Front Populaire de la Vienne

congrès, syndicat

« Retour

Espace Militants v0.3 - UD CGT 86 - http://cgt-ud86.org

Site UD 86 - Espace militants - Espace formation