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0281727/05/1946POITIERS

LE 29e CONGRÈS DE L'UD CGT

SOUS LA PRÉSIDENCE DE M. LOUIS SAILLANT L’UNION DÉPARTEMENTALE DES SYNDICATS A TENU SON 29e CONGRÈS

Commelin est élu secrétaire général

Dimanche, de 9 h. 30 à 19 h., l’Union départementale des syndicats ouvriers de la Vienne a tenu son congrès à la Maison du peuple de Poitiers. 94 syndicats étaient représentés, lorsque Louis Saillant, secrétaire fédéral de la CGT et secrétaire de la Fédération mondiale des syndicats déclara la séance ouverte.

Henri Souchaud, secrétaire général départemental présenta le rapport moral qui fut adopté à l’unanimité, après interventions de Guérineau, des cheminots ; Commelin des services publics de santé et Walusinsky de l’enseignement.

Le congrès décida d’envoyer des vœux de rétablissement à Jules Pouilloux et à Aristide Pouilloux.

Puis Pothet présenta le rapport financier qui fut adopté à l’unanimité ainsi que le rapport de la commission de contrôle.

Une commission de rédaction des motions fut nommée qui reçut différents projets.

Ceci emplit la séance du matin à la suite de laquelle les délégués des syndicats d’en dehors de Poitiers, se retrouvèrent dans un déjeuner organisé à leur intention.

La séance fut reprise à 14 h. Vélisson, représentant de la fédération nationale des mutilés du travail fit un exposé sur la situation de ceux-ci et demanda l’appui des syndicats pour faire aboutir les justes revendications de la fédération.

Puis Bordelais apporta le salut fraternel des syndicats d’Indre-et-Loire aux congressistes.

Les différentes candidatures aux postes à pourvoir, tant au bureau qu’à la commission administrative furent ensuite posées et il fut procédé aux votes.

Vigier, secrétaire-adjoint, fit alors un exposé très complet sur le congrès national où il représenta l’Union départementale. Après avoir demandé qu’un effort soit fait pour atteindre le chiffre de 20.000 syndiqués dans le département, notamment par une action auprès des ouvriers agricoles, il termina en faisant appel à l’unité syndicale plus que jamais nécessaire.

Les motions

Au nom de la commission des motions, Bernard du syndicat des voyageurs de commerce présenta une première motion sur le problème des salaires et des prix pour laquelle un projet présenté par le syndicat des journalistes avait servi de base. Une discussion générale fut instituée qui vit les interventions de Charette de Papault, Robinet des coiffeurs, Souchaud et Louis Saillant. Finalement la motion, mise aux voix, fut adoptée, 7 voix seulement étant contre.

Les salaires et les prix

L’Union départementale des syndicats de la Vienne dénonce la politique de pseudo-libéralisme tendant à subordonner au rétablissement de la liberté totale de commerce, la solution du problème de l’approvisionnement ;

Constate que les premiers effets de cette politique sont de provoquer une hausse immédiate et massive des denrées, hausse qui a pour but d’interdire à toute personne dont le revenu est constitué par un salaire, ou un traitement, l’acquisition des produits indispensables à la vie ;

Proteste contre la théorie selon laquelle la liberté de commerce amènerait automatiquement la concurrence entraînant elle-même la baisse des prix, cette théorie ne tenant pas compte de la réalité d’un marché déficitaire et de l’égoïsme forcené de certains d’autre part, la concurrence, en admettant même qu’elle puisse jouer, ne le ferait qu’au bout d’un temps assez long, durant lequel la situation des salariés irait s’empirant ;

Déclare que les prix doivent être maintenus, par tous les moyens, à un niveau suffisant pour permettre à chaque citoyen une vie décente pour lui et sa famille, par la taxation des prix à la production et à la consommation.

Que cela ne peut être fait que par le maintien d’une réglementation, non plus illusoire mais renforcée et associée de peines réelles contre ceux qui la négligent ;

Déclare que la justice est un droit sacré au même titre que la Liberté et qu’une liberté partielle qui va contre la justice constitue une erreur grave ;

Déclare que la classe ouvrière de laquelle il est demandé un effort considérable pour le redressement du pays, ne saurait être indéfiniment lésée dans ses droits les plus vitaux ; que la comédie du blocage des prix, justifiant la réalité du blocage des salaires, a assez duré ;

Demande à ses militants de s’opposer par tous les moyens légaux et notamment par leur vote aux élections, à l’instauration du néo-libéralisme ;

Demande aux pouvoirs publics d’envisager un réajustement complet des salaires tenant compte de la situation réelle devant laquelle se trouvent les salariés ;

Elle met en garde la population et le gouvernement contre la conséquence inévitable du libéralisme qui, conduisant à une hausse exorbitante des prix conduit tout droit à l’inflation signifiant la ruine des classes travailleuses ;

Elle exige une juste répartition des denrées par coordination des services de l’importation et de l’exportation ;

Elle demande au gouvernement que des mesures efficaces assurent enfin le ravitaillement indispensable de la population.

Le travail dans l’agriculture

Piot, de Neuville, présenta ensuite une motion sur le travail dans l’agriculture, protestant notamment contre un arrêté préfectoral fixant, pour les ouvriers agricoles, des salaires plus bas que dans les départements voisins et ne tenant pas compte des dernières lois établissant la durée du travail dans la profession.

Cette motion fut votée à l’unanimité.

L’enseignement

Walusinsky, de l’enseignement, présenta ensuite la motion ci-dessous, qui fut votée également à l’unanimité, compte tenu d’une intervention sur la gravité de la situation de l’enseignement technique, présenté par le secrétaire de ce syndicat dont les conclusions seront ajoutées au texte préparé.

« C’est l’inégalité de l’instruction qui est la principale cause de tyrannie »
Condorcet

Le congrès de l’U.D. de la Vienne s’associa (à l’unanimité) aux efforts et aux revendications de la FEN qui tendent à assurer un traitement raisonnable au personnel enseignant, à entraver par cette mesure la crise de recrutement dont souffre l’école publique et enfin à donner à l’école laïque le rôle fondamental qui lui revient dans le développement d’une véritable démocratie sociale.

Le congrès insiste particulièrement sur les principes suivants qu’il fait siens :
1.) La laïcité de l’État entraîne la laïcité de l’école publique. Ce principe entraîne la suppression effective des subventions des écoles privées dont seul le régime anti-républicain de Vichy a pu prendre l’initiative ;
2.) La prolongation de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, puis 18 ans, l’application d’un vaste programme de constructions scolaires doivent s’inclure dans un plan de réalisations progressives échelonnées sur un nombre d’années minima. Ce plan devra préciser les moyens matériels de sa réalisation et les prévoir suffisants.
3.) Le budget de l’éducation nationale doit s’élever au 6ème du budget ordinaire de l’État, conformément au principe émis par Jules Ferry ;
4.) La réforme de l’enseignement doit être faite dans le sens de la démocratie de la culture, des bourses suffisantes accordées aux enfants et jeunes gens des familles pauvres qui peuvent prétendre accéder par leurs mérites et leurs capacités, à la plus haute culture ;
5.) Les crédits alloués à la recherche scientifique doivent être immédiatement augmentés. Il doit être précisé, par une loi à caractère constitutionnel, qu’aucune découverte scientifique ne peut, en temps de paix, être gardée secrète au profit de la seule nation française.

Affirmant en conclusion que la science n’a pas de patrie, le Congrès a conscience de rester fidèle à l’esprit de la culture française. Il appelle de ses vœux la réalisation d’une grande école laïque française qui contribuera à la libération du peuple et à la grandeur de la nation par des moyens seulement pacifiques et dans l’esprit de la fraternité humaine.

Le contrôle de la législation sociale

Une motion présentée par le syndicat du personnel des moulins, tendant à ce que l’inspecteur du travail entende, lors des visites d’installations, non seulement les patrons mais encore les représentants du personnel et recueille leur avis, fut votée à l’unanimité.

Enfin, Recugnat, du personnel des assurances sociales, fit un exposé sur le plan de Sécurité sociale.

Le résultat des votes

Il fut alors donné connaissance des résultats des différents votes.

Mandats représentés : 319.

Pour le poste de secrétaire général : Commelin, 293 voix, élu ; Thibaud, 116 voix. (Il convient de noter que cette désignation intervient à la suite de la décision prise par Henri Souchaud de ne pas se présenter à ce poste, du fait de sa nomination à la direction de la caisse de sécurité sociale).
Secrétaires-adjoints : Gibouin, 316 voix, élu ; Robinet, 290 voix, élu.
Trésorier : Pothet 264 voix, élu, Babin, 50 ; Souchaud, 5.
Trésorier-adjoint : Souchaud, 296 voix, élu ; Babin, 19.
Commission administrative : furent élus : Guérineau, Ardouin, Lapeyre, Walusinsky (311), Lucas (309), Poiriers (305), Babin, Pénaguin (299), Gautier, Gond, Foucault (298), Diette (296), Guérin (288), Dupuis (284), Laire (281), Mlle Benoit (218), Piot (192), Pelladeau (185), Rivereau (169), Delhomme (135), Robineau (127).

Projet de modification des statuts

Vigier présenta un projet de modification des art. 7 et 14 des statuts (renouvellement du bureau et modalité de vote). Après discussion le projet fut renvoyé pour étude à la commission administrative qui en saisira chaque syndicat.

La motion finale

Vigier présenta ensuite le texte de la motion finale qui fut adoptée à l’unanimité et que le manque de place nous oblige à ajourner à une prochaine édition.

L’allocution de clôture de Louis Saillant

Pour terminer Louis Saillant prononça l’allocution de clôture.

Il remercia tout d’abord Souchaud de tout ce qu’il avait fait avant-guerre, dans la clandestinité et depuis la Libération pour la cause syndicale au nom du bureau confédéral et en son nom personnel. Il dit son espoir de le voir continuer son action en faveur de la classe ouvrière au poste où il était placé. Puis il montra l’évolution naturelle du syndicalisme.

« Dans le pays, dans la nation, dit-il, le mouvement syndical n’est plus contesté. Il constitue une force dominante, non seulement par son importance numérique mais de plus parce qu’il constitue une force de mise au point et de transformation dont le pays ne peut pas se passer. Dans la période de notre histoire que nous traversons, la démonstration doit être faite que certains droits revendiqués étant acquis pour partie, ils seront acquis complètement à la fois par la force de revendication et par l’application consciente de la partie acquise ».

Mais, poursuivit Louis Saillant, « dans le cadre du régime capitaliste, le mouvement syndical ne peut pas ne pas être revendicatif ».

Abordant le problème des salaires et des prix il dit : « quel que soit le gouvernement qui sortira des élections dimanche prochain le problème des salaires se posera ou sera posé devant lui. Un aménagement devra intervenir. Je dis bien un aménagement, car je ne crois pas que notre pays, dans l’état de santé économique et politique où il se trouve, puisse voir aboutir dans les six mois qui viennent une réalisation des revendications que nous sommes en droit de soutenir ».

Par un rapide, mais complet tour d’horizon international, Louis Saillant montra que le problème posé en France l’était avec une égale acuité dans d’autres pays à l’exception toutefois de la Russie, de la Roumanie, de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie. « En vérité, dit Louis Saillant, il y a deux grands systèmes économiques qui s’opposent, celui qui donne à la masse ouvrière la possibilité de s’organiser et de vivre dans le cadre normal de l’économie nationale et celui qui maintient cette classe sous la dépendance d’intérêts particuliers ».

Aussi est-ce pourquoi, Louis Saillant très applaudi, conclut-il après avoir montré que la CGT n’avait à prendre consigne dans aucun parti politique sur la nécessité pour elle de prendre position politique : « Il est un moment, dit-il, fidèle aux statuts du syndicalisme, nous devons dans la politique générale de la nation, prendre position ».

 

 

le 11/11/2020 à 16:31

Source : Le Libre Poitou

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