0288812/12/1946chauvigny
On aime cette noblesse d’un travailleur ami de son métier.
On aime la grande décence se dégageant d’un homme qui domine la matière sous quelque forme que ce soit.
A sa façon, le carrier de Chauvigny avec qui j’ai causé une heure durant il y a quelques semaines était un savant : il connaissait, pouvait-on croire, les secrets d’une pierre qu’il rendait docile à sa pensée..
Avec effort il retira son brise-bon qu’il appelait « fleuret ». Sortant du trou, l’outil faisait un bruit semblable au son d’une flûte d’un jeune musicien qui s’épuise trop vite…
Parfois le tintamarre de l’outil fonctionnant à l’air comprimé reprenait…
Il apportait à son travail un acharnement, une gravité méditative.
Il s’y penchait avec maîtrise et cette maîtrise venait justement de ce qu’il s’était identifié à ce travail jusqu’à reconnaître au grain ce qui se passait au fond du trou.
Nous fûmes lents à lier conversation ; une vie passée à combattre la pierre, à la vaincre, avait façonné notre chauvinois ; il fut longtemps avare de paroles et de gestes.
- « Combien d’années d’apprentissage nécessite votre dur métier ?
- « Une ou deux… et toute une vie pour se perfectionner ».
Écouter ce carrier parler de son métier en termes précis et nets, demeurer à regarder un tailleur, faire marcher le ciseau d’un geste sûr, admirer la grosse main du polisseur caressant le « comblan-chien » après que celui-ci ait subi les caresses des plateaux de caoutchouc, puis ce cordage à mine de plomb uni avec du souffre et des sels d’oseille, contempler tout cela, c’est vivre le labeur que mènent depuis des siècles des générations d’ouvriers de notre département, c’est admirer aussi une des richesses de Chauvigny, de Lavoux, de Tercé.
Plusieurs articles-reportage dans les jours suivants sur ce sujet.
le 14/11/2020 à 16:47
Source : Le Libre Poitou
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