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0289016/12/1946POITIERS

MEETING CGT - LA SITUATION DU RAVITAILLEMENT EST SÉRIEUSE

Déclare à Poitiers, M. Racamond, secrétaire de la CGT

Mais si le peuple prend conscience de sa force les trafiquants seront battus et bien battus. !

Ouvriers, ménagères, vieux travailleurs, fonctionnaires, commerçants, syndicalistes et membres d’associations diverses étaient venus en nombre, samedi à 18 heures, à la Maison du Peuple, pour assister à la conférence de M. Jules Racamond, secrétaire de la CGT, président du Comité permanent national des prix, sur le problème de la vie chère.

M. Commelin, secrétaire général de l’UD, présidait. L’assistaient à la présidence : Mme Vergez, de l’UFF ; MM. Caillaud, président de l’AD des anciens P.G., président de la Commission départementale de surveillance des prix ; Chamaillard, de la CFTC ; Mme Colledebœuf de l’Association Familiale Ouvrière ; MM. Monège du F.N. ; Barbault des Vieux travailleurs ; Gobert du Mouvement Populaire des Familles nombreuses. M. Vacquier représentait M. le Préfet et M. Biet, adjoint au Maire, la municipalité de Poitiers. De nombreuses autres associations s’étaient associées à l’organisation de cette manifestation.

M. Commelin

Après avoir salué les personnalités présentes et les avoir remerciés, M. Commelin remercia M. Racamond d’avoir bien voulu venir traiter devant les poitevins d’un problème qui les intéresse à plus d’un titre.

« C’est l’honneur de la classe ouvrière, dit-il, de compter dans ses rangs des hommes de qualité comme Racamond qui, depuis 45 ans, est un de ses militants les plus autorisés ».

Puis après avoir montré les efforts menés par la CGT depuis 2 ans, dans le domaine des prix, il lança à tous, consommateurs comme commerçants, pour que d’une action cohérente puisse naître une normalisation et un assainissement de la situation.

« Tous ensemble nous gagnerons la bataille des prix et celle de l’approvisionnement ».

M. Vigier

M. Vigier, secrétaire de l’UD, exposa ensuite ce qui avait déjà été réalisé dans notre département. Il souligna notamment combien la coordination, au sein d’une même commission départementale, des efforts de tous les mouvements, pouvaient laisser espérer de bons résultats.

« Cette commission doit s’ouvrir, dit-il, à tous les commerçants décidés avec nous à normaliser le marché ».

Il exposa ensuite les moyens pratiques de fonctionnement de cette commission. Il cita des exemples d’abus dénoncés et souhaita que des sanctions efficaces soient prises contre les fraudeurs et les trafiquants.

M. Racamond

L’exposé du secrétaire de la CGT fut extrêmement intéressant. Sachant captiver son auditoire, malgré l’aridité du sujet, grâce à une éloquence simple, mais persuasive. Jules Racamond, que sa compétence et sa longue habitude des problèmes sociaux ont naturellement amené à la présidence de la commission nationale des prix et à celle de la Commission de répartition de la conférence nationale économique, va pendant plus d’une heure faire profiter l’auditoire de son expérience.

Soit qu’il rappelle les premières batailles menées en commun par la CGT, la CFTC et la CGA, pour une organisation rationnelle du ravitaillement sur le plan national, soit qu’il constate le peu de cas qui fut fait des indications circonstanciées présentées par ces puissants organismes. M. Racamond n’avance rien qu’il n’étaye aussitôt d’exemples précis, de chiffres, de dates. Il n’a pas de peine à faire de la sorte, le procès de l’anarchie administrative qui semble s’être surpassée dans le domaine du ravitaillement, pour le plus grand bien des trafiquants de toutes tailles et de toutes envergures. Est-ce étonnant, alors, de constater la prolifération de ces intermédiaires qui grèvent le marché intérieur de leurs dimes écrasantes ?

M. Racamond montre néanmoins que là où les spéculateurs sont attaqués, sur leur propre terrain, avec une volonté d’en finir et un sens réaliste des choses, ils sont battus et bien battus ; c’est l’exemple de l’approvisionnement en viande à Paris.

M. Racamond parle ensuite de la Conférence nationale économique. C’est pour constater que les décisions prises et les recommandations faites, bien qu’ayant rencontré l’unanimité, restèrent en fait lettre morte. Alors que la Conférence avait déclaré qu’il était possible de donner 24 % d’augmentation de salaire sans affecter les prix, sauf à accorder quelques queues de hausse, on a vu des queues de hausse s’enfler jusqu’à 1.880 hausses autorisées.

« On dit que les augmentations de salaires sont la cause de ces hausses ; voici un exemple précis constate M. Racamond. Dans les produits chimiques les hausses ont été de 48 à 52 %. Or, les salaires n’entrent que pour 13 % dans le prix de revient total. 25 % de 13 %, nous sommes loin du compte.. ! ».

Le secrétaire de la CGT regrette que l’on n’ait pas « serré » les prix comme les salaires. Que l’on ait oublié les centaines de mille de vieux et de vieilles qui travaillèrent toute leur vie pour s’établir une petite aisance, aujourd’hui réduite à rien » Et tout cela pourquoi, s’écrie M. Racamond ? Pour satisfaire les appétits de ceux qui veulent réaliser en 2 ans, ce que des commerçants et des industriels gagnaient en 20 ou 30 ans ».

Il montre également que beaucoup de jeunes gens, même dans le monde du travail, préfèrent aujourd’hui, se lancer dans un commerce qui n’est souvent que du trafic plutôt que de travailler honnêtement d’un honnête métier. « Qui supporte finalement le poids de la prolifération de l’appareil de distribution ? Les consommateurs. Il faudra absolument revenir à des conceptions plus saines du marché ».

Parlant de la liberté des marchés, M. Racamond montre que celle-ci ne sera possible que lorsqu’une production abondante rendra réelle le libre jeu de la concurrence. Mais pour le moment la concurrence n’existe pas. Les secteurs libérés le prouvent, où l’on voit les marchandises se raréfier, les prix monter, une petite bande établissant des prix au-dessous desquels on ne descend jamais.

La dernière partie de l’exposé de M. Racamond sera consacré aux perspectives du ravitaillement. Celles-ci ne sont pas brillantes. « Tant que 1.000 francs de pain pourront faire 4.000 francs de cochon, dit-il dans une formule parlante, il est à craindre que la ration de pain n’augmente pas... ».

Il parle du lait de la viande, de sucre (ici il y a de l’espoir), des matières grasses (situation grave), enfin de vin ; « Je redoute qu’à partir d’avril, du fait du chantage des gros spéculateurs, il n’y ait plus de vin à la taxe ».

Quels remèdes ? D’abord simplification administrative. Supprimer des directions. Donner aux consommateurs les moyens de contrôler eux-mêmes le marché. Contrôler la production…

Puis il conclut : « La situation du ravitaillement et des prix est préoccupante. Devons-nous désespérer ? Allons-nous à la catastrophe ? Nous ne le pensons pas. ».

La lutte est engagée entre tout le peuple et quelques centaines de milliers de spéculateurs. Si nous savons rassembler toutes les forces que représente ce peuple, est-ce que nous ne serons pas victorieux ?

Comprenons bien qu’à travers cette situation des intérêts étrangers s’agitent. Est-ce que nous ne sentons pas que notre beau pays risque de sacrifier une partie de son indépendance pour recevoir une aide illusoire ? Nous ne voulons pas d’aide à ce prix. Il y a dans notre beau pays toutes les possibilités de redressement de notre patrie. Si nous comprenons notre force, si nous savons réaliser notre union, la France continuera ; la France immortelle que nous voulons voir forte, respectée et aimée.

De chaleureux applaudissements saluèrent cette péroraison.

Une motion résumant les desiderata des consommateurs fut alors votée à l’unanimité. Elle sera déposée lundi matin, entre les mains de M. le Préfet.

 

 

le 14/11/2020 à 17:00

Source : Le Libre Poitou

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