0291806/02/1947POITIERS
Les employés du trésor se mettront-ils en grève ?
Un vif mécontentement règne parmi le personnel
Les délégués des divers bureaux de la section de la Seine du syndicat national du personnel du Trésor se sont réunis ce matin à Paris afin de faire voter leurs mandants sur le principe d’une grève d’avertissement de 24 heures. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le résultat du vote n’est pas encore connu.
Néanmoins nous avons voulu connaître qu’elle serait la position prise par le syndicat poitevin en cas de déclenchement d’une grève à Paris et pour cela nous nous sommes adressés à une personnalité représentative du personnel des employés du Trésor.
Vif mécontentement au sein du personnel
« Nous n’envisageons pas actuellement de grève, nous a t-il été répondu. D’ailleurs aucune directive ne nous est parvenue à ce sujet de Paris.
« Il n’est pas moins vrai qu’un vif mécontentement règne actuellement au sein du personnel. Mécontentement qui ne date pas d’aujourd’hui. Au milieu de l’année 1936 fut promulguée la loi de 40 heures, mais ce n’est qu’au mois de septembre de la même année que fut appliquée dans nos services la semaine anglaise par roulement. Et en 1938 la fermeture des bureaux, le samedi après-midi. Cependant, nous avons toujours fait 44 ou 45 heures de travail.
« Mais nous n’avons pas élevé de protestation, comprenant fort bien que la loi de 40 heures ne pouvait pas s’appliquer aussi exactement à nous qu’aux ouvriers effectuant des travaux pénibles.
Les heures supplémentaires et l’acompte provisionnel
« Aujourd’hui que la durée de travail légale est fixée à 48 heures, on veut nous rétribuer les heures supplémentait seulement à partir de la 49e heure, alors que dans le secteur privé, elles sont payées à partie de la 41e heure.
« D’autre part, on nous avait promis le reclassement au 1er janvier. Or, il n’est pas encore intervenu, les travaux des Commissions n’étant pas terminés. Enfin l’acompte provisionnel qui a été accordé est notablement en-dessous de ce qui avait été demandé et inférieur à celui accordé aux membres de l’enseignement et de la magistrature. C’est ainsi qu’un instituteur perçoit un traitement supérieur à celui d’un stagiaire des règles financières pourtant licencié.
« La grève d’avertissement de 24 heures envisagée par les services parisiens s’étendra-t-elle à l’ensemble de la France, nous l’ignorons. Pour notre part, nous considérons la grève comme un moyen à n’employer qu’en tout dernier ressort, lorsque toutes les tentatives de conciliations ont été épuisées.
La grève c’est la paralysie de l’activité économique
« Une grève générale des services du Trésor, si elle se prolongeait, serait grosse de conséquences pour le pays. Elle pourrait entraîner la suspension des paiements des banques, des retraités des pensions, etc., et paralyserait la vie économique de tout le pays par voie de conséquence.
« En septembre dernier, l’arrêt du travail avait été décidé après maintes hésitations ; il reprit à la suite des promesses du gouvernement, mais ces promesses n’ont pas été tenues.
Une grave crise dans le recrutement
Nous nous sommes adressés également à un représentant de l’Union générale des fonctionnaires. Au cours de l’entretien que nous avons eu avec lui, il a développé les raisons du mécontentement qui règne chez les fonctionnaires de l’État :
« Tous les fonctionnaires sont dans le même cas que ceux du Trésor. Les salaires insuffisants et inférieurs à ceux du privé ont pour conséquence qu’il s’avère impossible dans bien des cas de pourvoir au remplacement de fonctionnaires mis à la retraite ou décédés. De plus il arrive fréquemment que des agents de l’État et souvent des meilleurs quittent l’Administration pour s’employer dans l’industrie privée et le tragique de cette situation ira en s’amplifiant si on n’y apporte pas les remèdes nécessaires.
« Je ne vous citerais qu’un cas, continue notre interlocuteur, celui de certains fonctionnaires appelés par leur service à se déplacer 5 jours par semaine. Or on leur alloue une indemnité journalière de 160 francs, « notoirement insuffisante pour payer les repas qui atteignent, même en campagne, des prix très élevés et une chambre ».
Pour le moment et jusqu’à plus ample informé, il semble donc qu’il ne s’agisse, si le principe est voté à Paris, que d’une grève d’avertissement des services parisiens, ne devant pas excéder 24 heures, ce qu’en pareille matière il est coutume d’appeler un « coup de sonde ». Sera-t-elle suivie d’une grève générale ? Il n’est pas possible de le prévoir. Les dirigeants syndicaux, conscients des perturbations qu’elle entraînerait pour l’ensemble du pays ne s’y résoudraient qu’après avoir épuisé tous les moyens de conciliation.
le 16/11/2020 à 16:30
Source : Le Libre Poitou
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