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0292715/02/1947POITIERS

2.000 FONCTIONNAIRES PARTICIPENT AU MEETING DE LA MAISON DU PEUPLE ET ENVOIENT UNE DÉLÉGATION À LA PRÉFECTURE

Répondant en masse à l’appel de leurs syndicats 2.000 fonctionnaires ouvriers de l’État, travailleurs des PTT, des services publics et retraités ont arrêté le travail vendredi à 16 heures et se sont rendus à la Maison du peuple au meeting organisé dans la salle des fêtes, sous la présidence de M. Commelin, de l’Union départementale des syndicats (CGT).

En ouvrant la séance le président invite MM. Laprelle, secrétaire de l’UGFF, Sapin du syndicat des PTT (CFTC), Baudier de la Fédération postale et Thibault, du syndicat des ouvriers de l’État, à venir composer le bureau de séance. Les revendications qui sont aujourd’hui présentées, il les connaît bien. Il souligne notamment que l’acompte provisionnel de 500 frs accordé aux petites catégories est notoirement insuffisant.

« Vous manifestez aujourd’hui, dit-il en terminant, pour l’aboutissement de ces revendications et vous manifestez avec juste raison ».

M. Thibault expose le point de vue des travailleurs de l’État

M. Thibault, secrétaire du syndicat des Travailleurs de l’État, vient à la tribune exposer les revendications particulières des travailleurs des établissements militaires de Poitiers et notamment l’octroi de l’acompte provisionnel dont ils sont exclus, l’intégration du personnel à statut à la Sécurité sociale.

M. Denis demande l’application du statut de la fonction publique

M. Denis représente les travaux publics mais c’est plus particulièrement au nom des employés de la Reconstruction qu’il parlera… Il réclame principalement l’application du statut de la fonction publique, du salaire des heures supplémentaires à partir de la 41e heure comme minimum vital et le paiement dans les industries privées.

Il voit dans le refus de payer comme heures supplémentaires de la 41e heure à la 48e heure une manœuvre contre les conquêtes sociales et une tentative de suppression des 40 heures.

Évoquant la situation difficile des contractuels il souligne que l’acompte provisionnel ne leur a pas été alloué. Quant aux promesses faites aux auxiliaires, elles n’ont pas été tenues. En terminant il fait appel à tous et leur demande de rester grouper dans leurs syndicats, d’œuvrer pour la renaissance française.

M. Brizon affirme la solidarité de la CFTC

M. Brizon, représentant les syndicats chrétiens (CFTC) remercie tout d’abord M. Laprelle qui lui a permis de s’associer au meeting de ce jour. « Nous sommes, dit-il, minoritaires, c’est pourquoi nous ne pouvions prendre nous-même l’initiative d’une telle manifestation et nous sommes heureux de l’occasion qui nous est offerte d’appuyer vos revendications ».

M. Ribouleau prend la parole au nom des employés des travaux publics

M. Ribouleau, des Travaux publics, parlera ensuite plus particulièrement de la révision de l’acompte provisionnel aux petites et moyens catégories et de la rémunération des heures supplémentaires au-delà de la 41e heure et de l’application du statut des fonctionnaires.

M. Chauvineau demande aux manifestants de rester unis pour l’aboutissement de leurs revendications

M. Chavineau, secrétaire départemental de la Fédération postale apporte le salut fraternel des employés des PTT à tous les fonctionnaires. Il se félicite de l’unanimité qui se manifeste aujourd’hui alors que des divisions s’étaient révélées il y a seulement quelques mois. Il insiste sur le caractère de l’arrêt de travail d’aujourd’hui qui constitue non une grève mais seulement une mesure de protestation. Il est d’avis que les fonctionnaires ne peuvent, dans la conjoncture présente, s’opposer à ce que la durée légale du travail soit portée à 48 heures mais ce que les fonctionnaires ne pourront admettre c’est que la rétribution des heures supplémentaires s’effectue de manière autre que pour le secteur privé.

Les fonctionnaires ne sont pas contre le gouvernement, mais sont au contraire avec lui ; dans sa politique de baisse des prix, de lutte contre les spéculateurs et les récalcitrants de tout poils, cependant encore voudraient-ils que la baisse appliquée de 5 % et non de 1,1 % comme le relèvent les statistiques.

Il élève une vive protestation contre l’établissement de 3 zones.

Et il conclut : « Dans le passé nous avons remporté de belles victoires, si nous demeurons unis nous en remporterons de bien plus belles encore ».

M. Pellaudeau parle de la situation des instituteurs

Le dernier orateur sera M. Pellaudeau de l’UCFG. Il s’attache à définir les conditions pénibles des instituteurs et institutrices. Il souligne la désaffection des jeunes gens et filles pour les Écoles normales. Le danger et ses conséquences seront grands pour le pays si on ne revalorise pas la fonction enseignante et si on ne la reclasse pas dans l’échelle de la fonction publique. Le syndicat des instituteurs a porté ses efforts sur deux points principaux : l’obtention d’un salaire national et la défense de l’école laïque.

L’ordre du jour

Il est alors donné lecture de l’ordre du jour suivant qui est adopté à l’unanimité :
Les fonctionnaires ouvriers de l’État, travailleurs des PTT et des services publics et les fonctionnaires retraités, réunis le 14 février 1947 à la Maison du peuple, à Poitiers, au nombre de 2.000.
Après un examen de la situation qui résulte du vote par le Parlement de la loi accordant des acomptes provisionnels aux travailleurs de la Fonction publique.
Regrettent que le nouveau Gouvernement et le Parlement n’aient pas cru devoir retenir les propositions raisonnables et légitimes présentées par les organisations syndicales de fonctionnaires.
Affirment à nouveau leur désaccord sur les dispositions de la loi relative, notamment, aux petits et moyens traitements, à l’octroi d’acomptes variables suivant les zones, à l’insuffisance des acomptes attribués aux personnels auxiliaires dont le traitement budgétaire est inférieur à 38.000 frs par an, aux mesures particulières prévues pour les agents contractuels.
Demandent la suppression totale des services inutiles, l’intégration dans le cadre des anciennes administrations des services reconnus indispensables et la compression du personnel par l’amélioration des méthodes.
Protestent et marquent leur opposition irréductible aux dispositions de l’article 5 de la loi, instituant, sans contrepartie, la semaine légale de 48 heures dans les administrations publiques.
Décident, tout en affirmant leur volonté de participer avec l’ensemble des travailleurs, à l’effort de redressement national, de demander au Gouvernement la suspension de l’application de l’article précité jusqu’à ce que les conditions de travail dans les administrations de l’État aient été définies par le Conseil supérieur de la Fonction publique.
Déclarent, en tout état de cause, que le travail supplémentaire effectué doit être rétribué selon les mêmes modalités que dans le secteur privé.
Les travailleurs de la Fonction publique, désireux de faire modifier dans le plus bref délai le système de rémunération actuellement appliqué ;
Décident de faire porter tout leur effort pour faire aboutir, au travers des décisions de la Commission de reclassement et du Conseil supérieur de la Fonction publique, la mise en ordre définitive des traitements publics, conformément aux règles édictées par la loi portant statut général des fonctionnaires, notamment celles relatives au minimum vital et aux indices hiérarchiques, ainsi que les revendications des travailleurs de l’État.
Estiment urgente et nécessaire une action simultanée portant sur les salaires et les prix.
S’engagent à encourager et aider par tous les moyens toute initiative gouvernementale en vue d’assainir l’économie du pays.

Un petit incident

La séance allait être levée lorsque M. Jalabert, se disant membre du CNT demanda à prendre la parole, mais sur l’intervention de M. Pouilloux, celle-ci lui fut retirée, la liste des orateurs ayant été arrêtée la veille lors de l’assemblée générale, assemblée à laquelle M. Jalabert n’a pas assisté.

Une délégation est reçue par M. Le Préfet

Précédé de porteurs de pancartes sur lesquelles on peut lire : « De la viande pour nos foyers », « Nous voulons le minimum vital », une délégation composée de MM. Thibault, Denis, Brizon, Ribouleau, Chauvineau et Pelazeau et suivie des participants au meeting, se rend alors à la Préfecture où elle est reçue à 18 h. 30 par M. Ravail, Préfet. Celui-ci, après avoir écouté avec attention les représentants des fonctionnaires, donna l’assurance à ceux-ci qu’il examinerait avec attention l’ordre du jour qui lui était soumis et qu’il le transmettrait à Paris. Après que la délégation eut rendu compte aux manifestants de son entrevue avec M. Ravail, le cortège se disloqua dans le plus grand calme.

Postiers et policiers reprennent le travail à 20 h.

Les services des PTT et de la police, qui durant l’arrêt de travail avaient cependant assuré des permanences, ont repris le travail à 20 h.

 

 

le 17/11/2020 à 12:55

Source : Le Libre Poitou

fonctionnaires, meeting, motion

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